Kafka et le socialisme libertaire

, par LÖWY Michael

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Présentation générale par l’émission Zones d’attraction

C’est de Kafka qu’il sera question aujourd’hui dans Zones d’attraction. Destinée singulière que celle de l’oeuvre de Kafka : oeuvre classique, archi commentée, et recommentée ; emblème de ceux, pour qui, toute utopie devait fatalement mener à son retournement tyrannique. C’est ainsi que Le Procès ou La Colonie pénitentiaire ont pu être réduits à une description du totalitarisme, et, plus largement, comme autant de coups de sonde portés au coeur du Mal absolu dont le 20e siècle aurait été le déploiement. Notre invité, Michael Löwy, ne fait pas « la part belle » à ces interprétations théologiques. Pour s’y opposer, il emprunte les chemins difficiles de la biographie, qui l’amènent à découvrir un Kafka sur lequel le socialisme libertaire aurait exercé une puissante attraction. L’épisode anarchiste dans la vie de Kafka nous donne alors la clé d’une inspiration libertaire qui traverse l’oeuvre dans son ensemble. Sensibilité critique dont la principale arme est l’ironie, aussi bien que l’humour noir défini par Breton comme « révolte supérieure de l’esprit ». Se fondant sur témoignages et échanges épistolaires, Löwy déroule ainsi le fil rouge et noir de la sensibilité libertaire de Kafka : l’anarchisme compris non comme la doctrine d’une certaine attitude envers la classe ouvrière, mais comme défiance continuelle envers le pouvoir institué de l’État, cet État fut-il constitutionnel. Ainsi, loin de mettre en scène des personnages aux prises avec le cauchemar de l’État total, l’oeuvre de Kafka décrit plutôt l’enfer, banal, et quotidien de la bureaucratisation croissante du monde. L’interprétation de cette oeuvre comme relevant d’un « anticapitalisme romantique » ou d’un « anti-industrialisme » peut certes avoir plusieurs versions légitimes. En effet, si l’anticapitalisme romantique est une matrice commune à certaines formes de pensée conservatrices, réactionnaires, et révolutionnaires, et dépasse en ce sens le clivage classique entre la gauche et la droite, il n’en reste pas moins que s’opposent romantisme réactionnaire et romantisme révolutionnaire. Et l’anarchisme, le socialisme libertaire, l’anarchosyndicalisme sont un exemple paradigmatique d’un « anticapitalisme romantique de gauche ». Par conséquent, définir la pensée de Kafka comme romantique ne signifie nullement qu’elle puisse être rangée dans les placards de l’apolitisme. Nous ne pourrons donc pas faire l’impasse sur le romanisme révolutionnaire, dimension chère à notre invité.

Les deux émissions au format mp3

Durée : 46’11’’.

Durée : 42’11’’.

P.-S.

Émission radiophonique Zone d’attraction diffusée par Radio Libertaire, le 12 décembre 2008.

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