La France est-elle en guerre ?
Cette rhétorique guerrière employée par le gouvernement français est un aveu, davantage qu’une décision nouvelle. Car ce ne sont pas les attentats qui ont déclenché la guerre. Pour Julien Salingue, la politique étrangère de la France, en Afghanistan, en Centrafrique, au Mali, entre autres, peut constituer un élément central d’explication. Quand on est en guerre, les morts peuvent aussi se compter dans son propre camp. Enoncer cela ne signifie pas excuser le terrorisme mais la réponse n’est pas de renforcer la logique de guerre, sous peine de ne faire qu’aggraver les choses encore davantage.
Expliquer c’est déjà un peu excuser ?
Julien Salingue dénonce le fait que la France fait figure d’exception en matière d’analyse des raisons des actes terroristes. En prenant l’exemple des attentats d’Ankara où différents experts ont défilé pour discuter les causes de ces actes, il constate qu’à l’inverse, le gouvernement français cherche à fermer le débat sur les causes idéologiques, politiques, sociales de la perpétuation d’attentats sur le sol français. En refusant d’aborder ces questions, l’État français se prive de la possibilité d’accéder à des réponses pertinentes.
Comment trouver une voie riche de perspectives politiques et sociales ?
Pour le politologue, la véritable question à se poser est la suivante : comment une société comme la notre peut produire des populations qui vont décider de prendre les armes pour défendre leur discours politique ? Car il s’agit bien de jeunes français qui commettent des attentats.
Il faut aujourd’hui interroger la politique étrangère de la France ainsi que le sort qui est réservé à des populations qui vivent en France, mais qui sont aujourd’hui négligées par les institutions politiques. Des efforts concernant le système scolaire, la politique des quartiers ou les mesures sociales sont, pour Julien Salingue des pistes bien plus pertinentes que le renforcement de la politique étrangère guerrière pour lutter contre le terrorisme. Le champ politique s’étant dédouané de ses responsabilités sur ces questions, c’est en le réinvestissant, en renforçant les dynamiques de solidarité, que l’espoir peut naître pour refonder une société où chacun trouvera sa place.
Romain Leduc pour Radio Campus Rennes.
Pour aller plus loin :
- Communiqué de presse de la LCR-SAP, Attentats à Bruxelles, Solidarité avec les victimes et vigilance démocratique, 22/03/2016.
- Julien Salingue, « Vos guerres, nos morts », 14/11/2015.
- Daniel Bensaïd, Julien Salingue, Ugo Palheta, Stratégie et Parti, 2016.