France : Les perspectives de la Ligue communiste révolutionnaire

Interview de Léonce Aguirre, dirigeant de la LCR

, par AGUIRRE Léonce

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  • Socialisme International : Quelles sont les perspectives pour la rentrée ?

Léonce Aguirre : Notre priorité est de répondre à l’offensive du gouvernement Raffarin sur un tas de domaines. Deux aspects avant tout.

Résister à la répression et la criminalisation du mouvement syndical. Après l’emprisonnement de José Bové, il y a eu celui d’Ahmed Meguini suite aux initiatives de No Border à Strasbourg et le procès d’Alain Hébert, à Cherbourg condamné à 6 mois de prison et dont le procès en appel aura lieu le 26 octobre. Ceci va de pair avec une campagne contre les nouvelles lois Perben qui veulent réprimer les jeunes. La police peut désormais faire quasiment n’importe quoi ! Nous voulons mener une campagne auprès des jeunes, auprès des enseignants, auprès des parents. Cette offensive répressive contre les jeunes est liée à la situation des sans papiers, dont le mouvement refait la une de la presse.

Le deuxième axe, c’est la réponse à l’offensive économique et sociale tout azimut du gouvernement : politique fiscale, remise en cause du pouvoir d’achat, aménagement pro patronal de la loi des 35 heures, privatisations, etc.
Enfin, la dernière priorité de cette rentrée, c’est d’organiser la mobilisation la plus large contre la guerre annoncée en Irak.

  • S.I. : La LCR a annoncé son intention d’organiser des forums à la rentrée pour la construction d’une nouvelle force anticapitaliste. Comment ce projet se présente-t-il ?

Léonce : Nous avons lancé cette idée après les élections comme un élément pouvant participer à la construction d’une nouvelle force anticapitaliste. Mais nous ne cachons pas qu’il y a des difficultés. Les organisations de la gauche plurielle – les Verts et le PCF – critiquent, parfois violemment la politique que Jospin a mené, oubliant au passage qu’ils y ont participé, mais surtout leur projet reste la reconduction d’une alliance gouvernementale avec le PS, leur principale préoccupation étant que cela se fasse dans un meilleur rapport de force. Pour nous, ceci est un obstacle rédhibitoire à la construction commune. Ceci dit, cela ne veut pas dire que nous mettons, par exemple, les Verts, sur le même plan que le PS. Sur la sécurité par exemple, ils ont su se démarquer de la campagne très droitière du PS.

Alors, la difficulté que nous avons c’est qu’il y a peu d’organisations qui veulent participer au lancement d’une nouvelle force anticapitaliste. Du côté de l’extrême gauche, Lutte Ouvrière, comme vous le savez, a opposé un refus clair et net. Même si d’autres petites organisations de l’extrême gauche s’intéressent (plusieurs d’ailleurs ont rejoint, ou sont en voie de le faire, les rangs de la LCR), cela laisse la LCR seule comme force nationale. Dans le mouvement syndical et associatif, la situation ne semble pas encore mûre pour un engagement massif de ses principaux animatrices et animateurs dans la construction d’une alternative politique à la gauche plurielle.

  • S.I. : Est-ce que au sein d’ATTAC il y a des gens qui s’intéressent au projet ?

Léonce : ATTAC ne projette pas de devenir un parti politique. Nous croyons qu’elle a raison. Il faut garder ce cadre unitaire. Bien sûr il y a des membres individuels d’ATTAC qui s’intéressent à la construction d’une nouvelle force anticapitaliste. Dans certaines villes, d’ailleurs, il existe des fronts larges qui unissent ATTAC et d’autres forces. C’est peut être au sein de tels fronts qu’une communauté de vues sur le besoin d’une nouvelle force peut se forger.

  • S.I. : Quel est l’apport spécifique que peut apporter la LCR aux mouvements tels que ATTAC ?

Léonce : Il ne s’agit pas forcément d’idées qui sont portées exclusivement par la LCR, mais il y a deux ou trois questions sur lesquelles nous pensons important de mettre l’accent. D’abord nous voudrions que plus d’accent soit mis sur le combat contre l’impérialisme français. Il nous semble très important d’éviter la tentation de faire comme s’il n’existait qu’un seul impérialisme - celui des États-Unis.

L’Union européenne, la France sont des puissances impérialistes qui n’ont rien à envier aux États-Unis. Nous croyons donc, par exemple, qu’il est important que ATTAC s’implique dans les campagnes contre les multinationales françaises, à commencer par celle contre Total-Final-Elf.
Ensuite, nous croyons qu’il ne faut pas limiter la lutte contre la mondialisation capitaliste (nous préférons cet adjectif à celui de libérale) à une lutte contre la financiarisation du capitalisme, avec les campagnes sur la taxe Tobin par exemple. Il faut aller vers une remise en cause de la propriété privée des moyens de production. Tout le monde dans le mouvement ne sera pas d’accord, mais il s’agit d’un élément essentiel. Quand on voit les actions autour des prises de position de l’Organisation Mondiale du Commerce en ce qui concerne la santé, on ne peut pas se contenter de revendiquer l’accès aux médicaments génériques contre le SIDA. Il faut mettre en cause la propriété privée de la production pharmaceutique. Nous croyons qu’il est illusoire de penser que les multinationales qui contrôlent cette production sont susceptibles de changer sous la pression de l’opinion publique.

Troisièmement, il faut approfondir une conception internationaliste de la lutte. ATTAC le fait jusqu’à un certain point, mais il faudrait une plus grande intégration du travail international. Cette vision n’était pas suffisamment présente à l’université d’ATTAC par exemple où il aurait été utile qu’il y ait plus d’oratrices et d’orateurs étrangers.

  • S.I. : Dans le travail de la LCR, quel est le rôle du journal ?

Léonce : Il est multiple. Le journal doit être porteur des activités autour des campagnes, des entreprises, des quartiers. Il doit permettre de tirer les leçons de l’expérience militante. Deuxièmement, il présente une analyse de l’actualité et surtout des différents conflits en cours. Puis, il s’agit d’un journal de débat sur toutes les questions, y compris les plus controversées. Enfin, il doit intégrer l’ensemble de l’aspect culturel de la société. Il ne doit pas se limiter aux questions strictement politiques.

  • S.I. : Est-ce que le journal devrait être vendu plus systématiquement par les militants ?

Léonce : Oui, bien sûr, qui va dire le contraire. L’essentiel de nos ventes sont des ventes militantes - sur les marchés, ou sur les lieux de travail. On en vend peu par kiosque. Il faut vendre le journal de façon systématique. On peut vendre Rouge partout.

  • S.I. : Quels autres éléments te semblent importants dans la situation actuelle ?

Léonce : Le regroupement des forces révolutionnaires et anticapitalistes au niveau international est très important. Pas pour construire tout de suite une nouvelle internationale, mais comme un cadre de réflexion et d’action, qui permettra d’enrichir la réflexion, le programme et la stratégie des uns et des autres. La conférence de la gauche anticapitaliste, qui regroupe différentes forces au niveau européen, nous semble aller dans ce sens. Et il y a aussi des cadres internationaux comme ceux de Porto Alegre ou le Forum Social Européen de Florence qui peuvent jouer un rôle majeur dont seulement pour coordonner les actions des syndicats et des mouvements sociaux mais aussi pour tracer l’esquisse d’une véritable alternative à l’échelle internationale au capitalisme.

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