Liberté pour Sarah, esclave violée, emprisonnée

, par Rédaction des Cahiers du Féminisme

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Quelle coïncidence, c’est au moment où se clôturait la conférence de Pékin, que le tribunal islamique d’Al-Aïn (Émirats arabes unis) condamnait à mort Sarah Balabagan, accusant cette jeune Philippine de 16 ans d’avoir tué son employeur, son maître devrait-on dire, qui l’avait violée.
Avec le cas de Sarah, l’opinion découvre le calvaire de milliers déjeunes Asiatiques qui quittent la misère de leur pays pour partir travailler dans le Golfe : viols, sévices, enfermements, non-paiement du salaire, etc. sont leur lot quotidien. Les « accords de service » qui les lient à leur employeur ressemblent davantage à des rapports d’esâlavage qu’à des contrats de travail. Ils stipulent par exemple que l’employeur versera un salaire mensuel (60 F environ) « à condition que l’employée travaille aux lieux, heures et jours déterminés par l’employeur » ou bien que « les heures de travail de la domestique de sexe féminin seront illimitées puisqu’elle sera traitée comme faisant partie de la domesticité familiale. Elle ne sera pas autorisée à sortir seule de la maison de son propre chef ».
Si l’employeur « facilite » le transport de la jeune fille du pays d’origine vers le pays de destination, celle-ci se trouve littéralement prise au piège dès qu’elle franchit le seuil de la maison de son maître. Il saisit son passeport. Il s’engage, après accomplissement du contrat ou s’il y met fin, à rapatrier l’employée dans son pays. Mais un paragraphe précise que cette disposition ne vaut pas si l’employée démissionne ou s’il y a « manquement » aux dispositions de l’accord. Cela permet, de fait, à « l’employeur » de garder indéfiniment la domestique. Car manquement il y a toujours puisque le contrat indique que la jeune fille devra « accomplir ses devoirs avec honnêteté, avoir une bonne conduite » et qu’elle ne « devra refuser aucune tâche ». Le corollaire de tout cela est évidemment que la jeune fille ne devra pas être mêlée dans des « affaires internes ou politiques ».
Dans les six Etats du Golfe, des centaines déjeunes femmes se réfugient dans les ambassades des Philippines, de Thaïlande ou du Sri-Lanka pour en finir avec les violences, l’asservissement, les humiliations dont elles sont quotidiennement victimes.
Dans ce contexte, la condamnation à mort de Sarah, après l’annulation du premier jugement par le Chef des Emirats, se voulait exemplaire. C’était un message lancé à toutes les jeunes domestiques, esclaves dans le Golfe : gare à celles qui n’accepteraient pas leur sort.
La défense de Sarah a pris très vite une dimension internationale. Comme en témoignent non seulement les manifestations qui ont eu lieu aux Philippines mais aussi la présence de nombreux journalistes étrangers à la première audience en appel le 9 octobre à Al-Aïn ainsi que les initiatives diverses prises dans bon nombre de pays. Le procès a été reporté au 30 octobre. Aux dernières nouvelles, Sarah ne serait pas condamnée à mort, la famille du maître acceptant une compensation financière. Mais il ne reste que quelques jours pour arracher Sarah des mains de ses maîtres, de ses geôliers, de ses bourreaux, pour refuser l’esclavage et la prison. Quelques jours où en France, toute l’énergie nécessaire doit être déployée pour étendre la mobilisation.
Rappelons-nous qu’avant Sarah, il y a eu Flor Contemplacion, une autre jeune domestique philippine, exécutée au printemps dernier à Singapour. Rappelons-nous qu’il existe des centaines de milliers de Sarah !
Le 16 octobre 1995.

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