- Le message de Fidel Castro, qui sous-entend qu’il pourrait ne plus revenir aux affaires, est-il le signe que sa santé décline ?
Pas nécessairement. C’est vrai que Fidel n’a plus fait d’apparition publique depuis un an et demi, depuis son hospitalisation. On ne l’a vu qu’en photos ou à la télévision. S’il ne se montre plus, cela veut sans doute dire que sa santé n’est pas bonne et qu’il ne peut plus apparaître en public, lui qui a l’habitude d’haranguer les foules pendant plusieurs heures. Mais cela ne signifie pas forcément que sa santé s’est encore aggravée.
Cette annonce s’inscrit aussi dans le contexte électoral sur l’île : le 20 janvier, l’Assemblée nationale doit être renouvelée. Et en mars, elle doit désigner les 31 membres du Conseil d’Etat, présidé par Fidel Castro.
- Fidel Castro a évoqué l’idée de céder la place aux jeunes. Qui pourrait le remplacer à la tête de Cuba ?
Plusieurs candidatures sont possibles. Depuis l’hospitalisation de Fidel, son frère Raul assure la transition, mais il a 76 ans. Parmi ceux qui entourent Raul, il y a plusieurs personnalités qui ont entre 40 et 60 ans. Des hommes qui sont connus des Cubains et qui sont des dirigeants potentiels.
Du côté du gouvernement d’abord, il y a Carlos Lage, le vice-président, et Ricardo Alarcon, le président de l’Assemblée nationale, mais aussi le ministre des Affaires étrangères ou encore le ministre de la Culture.
Et puis, il y a les dirigeants du Parti communiste cubain (PCC), le parti unique sur l’île. Plusieurs d’entre eux peuvent arriver au pouvoir.
Enfin, il y a l’armée, le troisième pilier. Des militaires pourraient prendre la relève dans la période de l’après-Castro.
Fidel concentrait tous les pouvoirs entre ses mains : il était Premier secrétaire du Parti, président du Conseil d’Etat (c’est-à-dire chef de l’Etat), président du Conseil des ministres et chef des armées. Mais Fidel était une figure exceptionnelle, arrivée au pouvoir dans un contexte historique particulier. Depuis un an et demi, Raul assure la transition.
Aujourd’hui, personne ne peut occuper tous les postes comme Fidel, être à la fois président, chef des armées, chef du parti... On devrait donc s’orienter vers une direction collégiale de l’île, avec une répartition des pouvoirs entre le gouvernement, le parti et l’armée.
- À Washington, la Maison Blanche a qualifié la lettre de Fidel d’« intéressante ». Quel rôle comptent jouer les Etats-Unis dans la période de l’après-Fidel ?
Pour l’instant et jusqu’à la fin du mandat de George W. Bush, la politique des Etats-Unis à l’égard de Cuba ne devrait pas changer : on reste dans un rapport conflictuel avec La Havane.
Tout va dépendre de ce qui va se passer après les élections présidentielles, en novembre 2008.
Si les Démocrates arrivent au pouvoir, il peut y avoir du changement. Cependant, au sein même de leur camp, les candidats ont des visions différentes de la politique à mener à l’égard de l’île. Par exemple, Barack Obama est partisan d’une reprise du dialogue avec le gouvernement cubain, à la différence d’Hillary Clinton. D’autres candidats Démocrates sont, eux, sur la même longueur d’ondes que le Républicain George W. Bush.
Et puis, il y a les intérêts économiques qui entrent en jeu : certaines grandes entreprises américaines souhaitent assouplir les sanctions imposées à Cuba avec l’embargo. D’autant plus qu’on a découvert qu’il y avait du pétrole sur la côte nord de l’île. Plusieurs firmes américaines, mais aussi chinoises ou européennes, souhaitent une levée des restrictions imposées à Cuba et font pression sur le Congrès américain en ce sens.
La lettre de Castro arrive donc dans ce contexte particulier aux Etats-Unis. Et le moment n’a sans doute pas été choisi au hasard, le changement électoral aux Etats-Unis pouvant impliquer un changement de la politique américaine à l’égard de l’île.