Emploi

« Cet accord entraîne de très nombreuses remises en cause du droit du travail »

, par BARNIER Louis-Marie

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Le conseil des ministres examine mercredi matin le projet de loi sur la réforme du marché du travail, censé jeté les bases de la « flexicurité » à la française. Il est la transcription de l’accord signé le 21 janvier dernier par les partenaires sociaux, à l’exception de la CGT, qui l’a jugé « déséquilibré ».

Louis-Marie Barnier, syndicaliste CGT, membre de la fondation Copernic, est coordinateur d’un appel contre cet accord, qui a déjà réuni quelque 130 syndicalistes, responsables politiques et associatifs de gauche. Il dénonce un accord de régression sociale et antidémocratique.

  • Pourquoi appelez-vous contre l’accord interprofessionnel sur la réforme du marché du travail ?

Louis-Marie Barnier : Nous pensons que cet accord entraîne de très nombreuses remises en cause du droit du travail qui vont perdurer et dont-on ne mesure pas encore la portée réelle. Par exemple, l’effet que peut avoir la mise en œuvre de la rupture conventionnelle, dans un contexte de rapport de force défavorable aux salariés. Un employeur pourra présenter ce mode de rupture à un salarié à qui il aurait normalement proposé un licenciement économique. Ou à des salariés qui se plaignent de mauvaises conditions de travail. Le fait de faciliter les départs dans un cadre négocié n’obligera pas à améliorer les conditions de travail.

  • Pourtant les départs négociés de gré à gré existent déjà dans les entreprises. La rupture conventionnelle les reconnaît et leur accorde une indemnité de licenciement et un droit aux allocations chômage. N’est-ce pas une avancée pour les salariés ?

Dans les cas actuels où les employeurs refusent de négocier et obligent les salariés à partir, l’employeur ne cherchera pas à remplacer les licenciements avantageux pour lui, comme le licenciement pour faute, par des départs négociés qui l’obligeront à payer des indemnités. Quand dans le projet de loi il est écrit que le directeur du travail vérifiera la liberté de consentement des parties, nous sommes très étonnés, car jusqu’à maintenant, le code du travail reconnaissait l’inégalité du contrat de travail et donc le fait qu’il ne puisse y avoir de liberté égale entre les parties. C’est une grande hypocrisie.

  • Déplorez-vous d’autres aspects de la réforme ?

Le contrat de mission est pour l’instant réservé aux cadres. Mais comme on l’a vu avec le temps de travail forfaitaire, lui aussi d’abord réservé aux cadres, il pourrait être élargi à tous les salariés. Ce contrat de mission a pour particularité d’être à terme non défini et peut être interrompu par l’employeur dès que celui-ci juge que la mission est terminée. Autrement dit, dans un certain nombre de situations où le droit protégeait le salarié, on assiste à un retour en force du droit du plus fort, en l’occurrence celui de l’employeur.

  • Comment jugez-vous l’augmentation des indemnités de licenciement, la portabilité des droits, l’indemnisation conventionnelle de la maladie. Ne sont-elles pas des avancées pour les salariés ?

Il n’y a pas du tout d’avancée en matière d’indemnité de licenciement. L’allocation unique de licenciement est doublée dans les cas de licenciement pour faute. L’indemnité était déjà de 1/5e du salaire mensuel en cas de licenciement économique. Mais il n’est plus fait mention de la majoration que le salarié touchait après dix ans d’ancienneté. C’est une avancée pour une petite partie, qui sera largement payée par ce que l’on retirera aux salariés les plus anciens. Le noyau dur du salariat, les salariés de plus de vingt ans d’ancienneté en CDI, se retrouveront avec des indemnités plus faibles. L’accord permet donc une facilitation de leur licenciement.

P.-S.

Propos recueillis par Hugo Lattard.
Article paru dans L’Expansion.com, édition du 25 mars 2008.

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