Ca y est, par la grâce de l’action Elyséenne, voilà le capitalisme converti à la défense de l’environnement. Au-delà des aspects les plus médiatisés et l’optimisme immodéré dont ont fait preuve la plupart des commentateurs, le processus enclenché avec le Grenelle de l’environnement s’inscrit dans la démarche de N. Sarkozy visant à reprendre à son compte aussi bien des thématiques de droite que celles qui devraient être portées par les organisations progressistes.
Un Grenelle de dupes, du début à la fin
L’art de manier la carpe et le lapin est partie intégrante de la méthode présidentielle. Comme il a su parler au peuple et aux travailleurs tout en menant une politique exclusivement au service des classes dominantes, Nicolas Sarkozy tente de se transformer en héraut de l’écologie tout en menant des politiques qui portent atteinte à l’environnement. Pourtant la chose n’était pas jouée d’avance pour un ex-candidat défenseur farouche de l’énergie nucléaire et des OGM. A travers le Grenelle de l’environnement se joue d’abord une définition de l’écologie par la droite néo-conservatrice. Bien relayée par les médias et aidée par la candeur de certaines associations environnementalistes, ou par leur désir de jouer les conseillers du prince, l’opération est en passe de réussir, ce qui révèle d’une part la capacité du gouvernement à annexer une série de thèmes pour en effacer la dimension subversive et d’autre part la faiblesse de l’écologie politique en France, son manque de clairvoyance et/ou de radicalité. Pourtant un écologiste un tant soit peu sérieux ne peut se satisfaire des annonces gouvernementales.
Des mesures en trompe l’œil
Bien que le Grenelle ait été présenté comme une négociation libre et sans tabou, un certain nombre de sujets ont été d’emblée écartés des discussions, en premier lieu l’avenir de la filière nucléaire qui constitue d’abord un enjeu économique pour la multinationale Areva avant d’être un enjeu énergétique. Pour le reste l’imprécision des annonces, le report à des délais plus ou moins lointains (pour la réduction des pesticides par exemple), le caractère contradictoire de certaines annonces avec la réalité des décisions (concernant les OGM notamment)... ne devraient pas inciter à l’optimisme. Bien au contraire, on constate qu’après quatre mois de discussions, ce qui constituait l’objectif minimal des plus importantes ONG environnementales (moratoires sur l’EPR, les incinérateurs, les OGM et les projets d’autoroutes et d’aéroports) n’a pas été accordé. Dans certains cas, comme la proportion d’énergies renouvelables à atteindre en 2020, le gouvernement ne fait que se conformer aux objectifs de l’Union Européenne. Les marchandages opérés entre le gouvernement, les organisations patronales et agricoles et certains mouvements écologistes laissent à penser à l’existence d’un consensus qui évacue l’analyse des origines des pollutions. L’absence de compréhension des mécanismes capitalistes quant à l’usage de la nature par le système économique, quant aux rapports entre question sociale et question écologique laisse les mouvements écologistes désarmés face à la politique Sarkozyste.
Pour une alternative écologiste au capitalisme vert
Autour du Grenelle se dessine la tentative de former une union sacrée au nom de la défense de l’environnement, union sacrée qui permet aussi bien au MEDEF et la FNSEA qu’à certaines associations de sortir satisfaites des négociations. Une telle union sacrée est terriblement dépolitisante et vise à extraire l’écologie de sa dimension sociale pour en faire un nouveau pilier d’un système économique basé sur l’idéologie de la croissance et du productivisme. Car ne nous y trompons pas : autant le capitalisme est incapable de résoudre la crise écologique globale, autant il peut s’en servir pour développer de nouvelles industries et créer de nouveaux marchés. Malgré la présence d’Al Gore, J.M Barroso ou Wangari Maathaï (Kenyanne, prix Nobel de la paix en 2004), le Grenelle est resté très franco-français. Et pourtant, comment envisager des politiques environnementales ambitieuses confinées à un seul pays ? Les dirigeants de la FNSEA ne s’y sont pas trompés en obtenant un large assouplissement des éventuelles conditions de réduction des pesticides, au nom de la nécessaire compétitivité internationale de l’agriculture française. Et on peut toujours améliorer la situation dans les pays développés en accentuant les problèmes environnementaux au Sud, faisant des pays pauvres les poubelles des puissances du Nord.
Il ya urgence à rompre le cercle de cette union sacrée qui, à travers les nouvelles formes de gouvernance, tend à enfermer les nouveaux partenaires sociaux que sont devenues les ONG dans des activités institutionnelles et consensuelles. Pour cela, non seulement des luttes, tant locales que globales, seront nécessaires ; mais de plus l’écologie doit s’élargir pour sortir d’une stricte défense de l’environnement et prendre en charge des questions quotidiennes comme la santé ou les conditions de travail. Des expériences existent sur ces terrains, le mouvement syndical sort de son ignorance et commence à entamer des collaborations avec les organisations écologistes ; cela est de bonne augure mais ne peut se faire qu’en toute indépendance du gouvernement. Du coté du champ politique, difficile de penser que l’actuelle direction des Verts ait une utilité pour nos futurs combats, tant elle a été incapable de faire contrepoids à l’opération élyséenne, allant parfois jusqu’à encourager J.L Borloo. L’importance croissante accordée au jeu institutionnel et le rapprochement continuel avec le Parti Socialiste conduit à cette situation dans la direction des Verts, qui a perdu toute crédibilité chez bon nombre d’écologistes, y compris de militants Verts. Mais cette attitude donne d’autant plus d’importance à la nécessité de constituer une nouvelle force de gauche qui prenne pleinement en charge les luttes et les revendications écologistes, une gauche qui mette l’écologie au cœur de son projet d’émancipation sociale.
29 octobre 2007