Le lieu principal de l’action politique pour Jacques Yerna était la rue

Hommage citoyen et révolutionnaire à Jacques Yerna

, par DOBBELEER Georges

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Nous publions, ci-dessous, un article rendant hommage au combat mené par Jacques Yerna. L’auteur de ce texte est Georges Dobbeleer, un militant marxiste-révolutionnaire. Il a été publié en juin 2003 dans les colonne de La Gauche, l’organe de presse du Parti ouvrier socialiste [1] (section belge de la IVe Internationale : http://www.lcr-lagauche.be/) (Introduction de Resistances.be).

Jacques Yerna a tout un passé de militant syndical. Il est aussi, avec Ernest Mandel, l’un des deux principaux créateurs de La Gauche. C’est donc l’équipe liégeoise de La Gauche qui prit l’initiative d’organiser pour lui, le 12 avril 2003, une journée d’hommage très justifiée.

Nous avons obtenu immédiatement l’appui du secrétaire de la FGTB de Liège, Thierry Bodson, qui nous offrit la grande salle du premier étage des locaux de la FGTB place Saint-Paul. Un grand nombre de personnalités politiques et syndicales accordèrent d’emblée leur patronage à cet hommage. Le nom des 79 premiers figura sur un feuillet d’invitation largement diffusé.

Pour préparer cette rencontre amicale, Isabelle Ponet, au nom de la Fondation Léon Lesoil (NDLR : centre de formation et de réflexion politique du POS), réalisa une longue interview de Jacques Yerna. Il y évoqua son enfance dans l’entre deux guerres où il fut marqué par le Plan du Travail de De Man et la grande mobilisation socialiste à ce sujet. Il rencontre Ernest Mandel en 1954 qui, dit-il, « joue rapidement un rôle très important dans ma propre formation politique ».

Autour de La Gauche et grâce à elle, Yerna fut le représentant le plus dynamique de l’aile gauche liégeoise du PSB (NDLR : le nom du parti socialiste unitaire de l’époque) tout en cherchant par ailleurs à réaliser un rassemblement des progressistes qui donna naissance au groupe Bastin-Yerna. Dirigeant du Mouvement populaire wallon (MPW) dans les années 60, il est aujourd’hui à la fois un des militants les plus actifs du RLP (Rassemblement liégeois pour la paix), de l’action pour les sans-papiers et contre l’existence du centre fermé de Vottem où il manifeste chaque samedi.

(L’) interview (de Jacques Yerna) a été publiée dans une brochure qui comprend aussi le dossier du 40e anniversaire de La Gauche, des photos, des copies de tracts et documents anciens. Un cahier de grand format y est joint, reproduisant des pages entières de La Gauche de 1958 à 1965. Les participants à la journée du 12 avril ont été nombreux à acquérir ces deux témoignages d’un passé et d’un présent très militant.

La journée du 12 avril

La salle avait été décorée d’un très vaste panneau où étaient affichés plus de quarante documents : photos des manifestions à Vottem mais surtout une sélection d’exemplaires de La Gauche depuis 1956 jusqu’à notre dernier numéro dénonçant la guerre en Irak.

Il y eut près de 200 personnes qui vinrent saluer Jacques Yerna, comme Jacques Defay, collaborateur de La Gauche des premières années, Georges Vandersmissen et Jacqueline Saroléa qui fut l’animatrice du fameux piquet des femmes de la poste pendant la grève de 60-61, Jean Roosen militant CSC et longtemps actif au POS, Willy Demeyer, bourgmestre socialiste de Liège. Impossible de citer tout le monde !

Parmi les excusés il y avait René De Schutter, Jules Gérard Libois et Jean Van Lierde, rédacteurs de La Gauche des débuts. Une lettre de Jean Van Lierde fut lue en début de séance par France Arets qui présidait l’assemblée avec Thierry Bodson. Elle représentait le CRACPE, le mouvement qui organise le soutien aux réfugiés politiques détenus à Vottem.

Un film d’Anne Martinow, réalisé en 94 fut projeté. Il présente de façon très vivante la vie politique et syndicale de Yerna, comprend des interventions de Mandel et relate l’incident du premier mai opposant Jacques défendant les grévistes de l’ALE et la virulents réponse d’André Cools alors président du PS.

Une table ronde suivit cette projection. Julien Dohet qui publie le premier mai un livre consacré à jacques Yerna rappela quelques dates marquantes de la vie d’un activiste infatigable.

Georges Dobbeleer qui participa à la fondation de La Gauche évoqua sa première rencontre avec Jacques il y a 50 ans exactement dans un congrès du mouvement Esprit. Il cita les journées de février 1959 où Renard renonça soudain à soutenir les mineurs borains en lutte, ce qui l’éloigna de Mandel et de Yerna, la grève de 60-61 et la naissance du MPW, les étapes de la rupture du PSB avec La Gauche et le MPW, en décembre 1964, la difficile naissance en 1965 du PWT et de l’UGS et aussi les combats menés en commun au cours des dix dernières années.

Michèle Marteaux présenta ensuite le Collectif d’Outremeuse contre l’extrême droite où Yerna mais aussi des gens venus d’horizons divers agissent ensemble et finissent par se lier d’amitié, preuve dit-elle que le monde dont nous rêvons est possible.

Thierry Bodson rappela la place de Jacques Yerna dans les luttes syndicales de la FGTB. Victor Martin évoqua le comité pour les libertés syndicales « Solidarité d’abord ».

François Martou, syndicaliste CSC, rappela qu’il succéda à Bastin dans le groupe Bastin-Yerna qui cherchait — comme le milieu des groupes Esprit dans les années 50 —, à réaliser une union entre progressistes croyants et incroyants.

André Beauvois, du Rassemblement liégeois pour la Paix précisa qu’après une période initiale de relative incompréhension, Yerna et lui s’étaient bien associés dans la lutte contre la guerre et le fascisme.

Anne Martynow, auteur du film, fut applaudie pour la réalisation de ce précieux document.

Eric Toussaint, au nom du CADTM évoqua l’entente de Yerna avec ce rassemblement pour l’annulation de la dette du tiers-monde.

Bernadette Schaeck, militante du comité antifasciste fondé naguère en Outre-Meuse pour contrer les fascistes d’AGIR souligna l’importance de l’appui actif de Jacques Yerna.

Jacques répondit en évoquant ses débuts syndicaux et citant ses contacts avec des chrétiens comme le prêtre ouvrier Albert Courtois et des syndicalistes communistes comme Théo Dejace. Il dit avoir appris et retenu trois choses de toute sa vie militante. Il cite la tolérance qui permet d’éviter de se tromper de cause. Ensuite la nécessité de participer soi-même à l’action que l’on veut voir réalisée par les autres. Enfin l’importance de donner la priorité à la formation idéologique et à la solidarité. Tout cet échange de vues fut marqué par l’amitié et l’émotion.

Cent convives participaient le soir à un repas froid au restaurant de la FGTB. Le groupe nombreux et dynamique les Canailles interpréta divers chants culturels ou du mouvement ouvrier et une chanson d’hommage à Jacques créée pour la circonstance. Après eux le guitariste Michel Feilner chanta des airs anarchistes de Léo Ferré.

Cette journée connut une réussite complète et un accord fraternel y a régné. Elle rappelle aussi qu’un hommage peut être rendu non aux seuls décédés mais aussi à quelqu’un de bien vivant qui reste un militant actif de causes sociales et politiques d’aujourd’hui.