De cette émission plus que complaisante, certains ne retiendront que les séances d’exorcisme. Il faut dire que le spectacle est assez croquignole. On voit Samuel chasser le démon d’une maison dont la propriétaire n’a pas assez de clients pour ses chambres d’hôte : « Seigneur faites que cette famille ait des clients » marmonne le prêtre entre deux alléluias. Le comble est la scène sur le pas de la porte, quand Charles Clément Boniface (c’est son nom) dit à la maîtresse de maison : « Madame, c’était nécessaire, j’aurais dû venir plus tôt », sur le ton du plombier qui a eu fort à faire pour détartrer votre chauffe-eau. Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est que Samuel montre on ne peut plus clairement qu’il fait de la politique. Et quelle politique !
Islamophobie
Au cours de l’émission, Samuel dénonce les trois fléaux qui menacent la société occidentale : « l’insécurité, la sexualité libre et l’islam ». Comme le journaliste lui fait remarquer que ces thèmes sont d’extrême-droite, le prêtre répond que « la vérité n’a pas de pays ». Interrogé plus avant sur l’islam, Charles Clément Boniface estime qu’une mosquée « c’est plus dangereux pour le futur que le nucléaire ». Quand on lui demande s’il faut interdire les lieux de culte musulmans, il esquive la question en la renvoyant aux responsables politique, tout en ajoutant que « bâtir une mosquée ici c’est pire que les SS-20 soviétiques ». Précédemment, Samuel avait déjà déclaré que « chaque musulman qui naît est une bombe pour l’Occident » (Le Soir, 16 et 17 février 2002).
Voilà de quel bois se chauffe le Père Samuel ! Selon lui, l’islam est le nouveau « péril rouge ». Samuel montre les dents quand on l’accuse d‘être soutenu par l’extrême-droite [1], mais il prend bien garde de ne pas attaquer celle-ci, de ne pas la dénoncer. Qui s’en étonnera ? Il serait certes simpliste d’assimiler Samuel au fascisme. Par contre, on comprend aisément pourquoi des fascistes le soutiennent : à terme, le bouillon de culture idéologique réactionnaire qui grossit autour de Samuel ne peut être propice qu’à l’extrême-droite. Ce n’est pas par hasard que la défunte Ligue Chrétienne Belge a voulu céder ses avoirs au Père Samuel, ni que le journal du Front National l’a recommandé à ses lecteurs, en donnant même son numéro de GSM.
Il est inacceptable de continuer à prêcher la « tolérance » face à Samuel, comme l’ont fait le ministre-président Jean-Claude Van Cauwenberghe, le bourgmestre de Charleroi Jacques Van Gompel et le Carolo-Service (le toutes-boîtes de la majorité PS). Quand notre camarade Nicole Vandemaele l’a interpellé au conseil communal le 23 décembre dernier, le bourgmestre lui a répondu : « Madame, votre propos montre que vous n’êtes pas ouverte à l’accueil d’une autre culture » [2]. C’est ce qui s’appelle mettre le problème sur sa tête !
Depuis quand le PS prône-t-il la tolérance face au racisme ? Quant à Van Cau, il a dit son « plus profond respect pour les convictions de nos concitoyens, qu’ils soient juifs, protestants, islamiques, témoins de Jéhovah (sic) , catholiques de stricte obédience ou encore catholiques fidèles au Père Samuel » (in Carolo-Service, de décembre 2001). Pourquoi n’ajoute-t-il pas les partisans de Ben Laden ? Le respect de la foi est une chose, la complaisance face à l’intégrisme politico-religieux des sectes en est une autre. Pour rappel : l’islamophobie est une forme de xénophobie condamnée par la loi Moureaux.
Calcul dangereux
Dans cette affaire, le ministre-président de la Région Wallonne n’agit pas par ignorance mais par calcul. Il soutient Samuel qui, en échange, appelle à voter PS, affaiblit l’église catholique... et attaque Ecolo [3]. Mais c’est Samuel qui joue gagnant à terme, parce qu’il peut impunément diffuser son idéologie intégriste dans les couches les plus populaires, et organiser celles-ci autour de ses idées réactionnaires. C’est donc un petit jeu dangereux qui est joué par Van Cau. Il y a quelques années, le Père Samuel et ses ouailles ont envahi l’église de Jumet (chef-lieu). Profitant de leur supériorité numérique, ils ont interrompu la messe pour dénoncer le mode de vie du curé de la paroisse, en des termes très peu chrétiens. Les responsables du PS prêcheront-ils encore la tolérance le jour où les fidèles de Samuel passeront à l’action contre une mosquée, ou contre une clinique pratiquant l’avortement ?