Comédiens, artistes, techniciens, ils n’étaient que la face cachée du spectacle... Miroitements éteints, ils se montrent dans leur réalité : des travailleurs. On les a affublés de ce mot hier mystérieux, quasi péjoratif, d’intermittents du spectacle. Non un métier, pas même une activité professionnelle, tout juste un statut rabougri. Parce que l’art vivant ne saurait être permanent, les voici cantonnés à n’être que les corvéables d’une société du spectacle, rivés, pour survivre, à un fragile et complexe système d’indemnisations. Bref, des assistés...
Pour le MEDEF, nul doute qu’ils sont des travailleurs comme les autres, des plus flexibles et précarisés, susceptibles d’être davantage exploités, et dont il convient de licencier bon nombre pour épurer un secteur hypertrophié et de rentabilité insuffisante.
Et gouvernement d’applaudir ! M. Aillagon est certainement un ami de la culture, mais, dans ces circonstances, il lui faut l’oublier. Le MEDEF gouverne. Les artistes doivent rentrer dans le rang.
Mais, travailleurs, les dits intermittents savent se mobiliser, lutter et affronter la haine de classe qu’on leur oppose. En plein de cœur de l’été, à leur tour, ils démontrent que, sans les mains, les têtes et les cœurs des travailleuses et des travailleurs, il n’y a point de richesse possible. Pour les obliger à plier, il faudra y mettre les moyens. Ce prix élevé, patronat et gouvernement paraissent prêts à le payer, quitte à annuler les festivals, à compromettre la saison touristique et à compromettre durablement le capital culturel et artistique du pays. Face à de tels dégâts, on n’hésite pourtant pas à ressortir le thème, usé jusqu’à la corde et puant, de la « prise en otage » !
Après un printemps marqué par des semaines de grèves reconductibles dans l’éducation, de plusieurs journées de grève générale paralysant l’économie, des manifestations monstres, voici l’été de la révolte du monde de la culture !
Le gouvernement de droite, obéissant aux exigences du capitalisme mondialisé, en coordination avec ses homologues européens, déploie une offensive concertée de destruction de l’ordre social conquis dans l’après-guerre, de démantèlement de tous les acquis de cette période. Il peut parfois feindre d’hésiter, mimer une concertation, surseoir à tel ou tel plan, il attaque en permanence.
Face à lui, nous sommes tous des intermittents de la mobilisation. Nos rendez-vous sont aléatoires, nos soulèvements tout de surprise...
Telle est notre faiblesse. Celle de nos divisions, sociales, professionnelles, d’âge et de genre, syndicales et politiques. Celle de l’absence d’un projet de société dans lequel tous pourraient se reconnaître et qui des¬sinerait un horizon autre que celui, de plomb, du capitalisme, qui permettrait que se cristallise une commune volonté de combattre ce système jusqu’à son remplacement par une société autre, de justice et de solidarité, de liberté et d’égalité...
Cette faiblesse qui paralyse la force immense qui est la nôtre, celle de la grève générale dont ce beau mois de mai a porté le souffle.
Mais l’été des artistes nous confirme que, sans encore savoir quand ni où, de prochains rendez-vous nous attendent. Ensemble, contre ce gouvernement et sa politique.
Ainsi vont les intermittences de la politique et du social...
F.S.