L’atome était l’ennemi absolu dans les années 70

, par BATOU Jean

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Jean Batou, professeur d’histoire internationale contemporaine à l’Université de Lausanne.

« Le nucléaire a été un thème très présent dans les mouvements de 68. Pour ces derniers, le modèle atomique, c’était le modèle des experts, du secret, de l’autoritarisme, du capitalisme, des militaires. Il était l’ennemi absolu. Il faut rappeler qu’à l’époque plusieurs pays orchestraient des essais nucléaires rejetant de la radioactivité dans l’atmosphère. Il s’opère en même temps une prise de conscience que le progrès, jusqu’ici synonyme de liberté, pouvait être porteur de risques importants. Elle n’était pas seulement liée aux dangers de l’atome, mais aussi des pesticides, des produits chimiques. Dans ce contexte de critique de la société de consommation et de production de masse se développera l’écologie politique moderne.

C’est un peu plus tard, dans les années 70, que se produiront les grands rassemblements antinucléaires. Ils se sont organisés en opposition à des projets de construction de centrales : Kaiseraugst, dans les environs de Bâle, ou Creys-Malville, en France voisine, par exemple. Il y a eu quelques épisodes fameux comme le tir au bazooka, mais ce genre d’actes est resté marginal. Les militants étaient pacifistes, s’imaginaient volontiers en Gandhi. La victoire de ces mouvements a été d’alerter l’opinion publique. Cette pression populaire a contraint les sociétés électriques à prendre davantage de mesures de sécurité, voire à renoncer à bâtir certaines centrales. Les antinucléaires de ces annéeslà ont clairement fait diminuer les risques. Ce n’est pas un hasard si la première grande catastrophe, Tchernobyl, a eu lieu en URSS, un régime où il n’y avait aucune contestation possible. »

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