1- Le congrès de la LCR sera le dernier. Ce sera l’ultime possibilité pour ses militantes et militants d’envoyer un message. Pour tous ceux et celles qui ont fait le choix de s’investir dans la Ligue à un moment de leur vie politique, parfois pendant des décennies, ce ne peut être un acte anodin. Il s’agit maintenant de savoir quel sera le dernier message qu’ils et elles enverront de manière collective en direction du NPA et de la gauche radicale. La tendance, dans le cadre de ce congrès, qui a pour dénomination « plate-forme B » et au sein de laquelle se retrouvent les militants d’Unir, propose au vote deux motions. L’une concerne notre conception de ce que doit être le NPA c’est à dire un facteur d’unité de la gauche de transformation, une étape, un levier, dans la voie d’un rassemblement pour une nouvelle force anticapitaliste, pluraliste et démocratique, l’autre aborde les relations avec la Quatrième internationale.
Le texte proposé par la direction majoritaire, développe une vision du NPA comme une « extension » de ce qu’était la LCR, il suffit de la lire pour s’en convaincre. Elle évalue le processus à partir de cette seule mesure : « triplement des effectifs », « dépassement » des histoires existantes au sein de la LCR, oubli des appels qui émaillaient à l’origine le lancement du processus en direction (au moins) de certains secteurs ou « personnalités » disponibles pour débattre avec nous d’un nouveau parti vraiment pluraliste, et donc, au final, ignorance de la nécessité d’un véritable pluralisme au sein du NPA… Les propositions de la majorité concernant les liens entre le NPA et la Quatrième Internationale ne sont vraiment pas raisonnables. On conteste le droit pour les membres de l’Internationale de le demeurer, dans le cadre d’une association qui ne s’immiscerait pas dans les débats du NPA, et dans le même mouvement on veut faire assumer au nouveau parti les liens qui étaient ceux de la LCR avec la Quatrième Internationale (dont la cotisation). Agir de cette manière, c’est affaiblir à la fois celle-ci et de fait tirer un trait sur le possible pluralisme du nouveau parti.
Une telle situation est l’aboutissement de la méthode mise en œuvre par la direction majoritaire de la LCR, qui a insisté depuis le début sur le caractère « révolutionnaire » du nouveau parti, a restreint les dialogues envisageables aux seules mouvances politiques de l’extrême gauche, et a pratiquement ruiné toute possibilité de dialogue et de convergence avec des militants et courants qui n’assument pas l’histoire de la gauche révolutionnaire. Il était possible de procéder autrement : faire de l’élaboration du programme une phase de dialogue avec les équipes qui travaillent, dans leurs syndicats, associations, organisations du mouvement social. Élaborer en priorité un programme de mesures d’urgence et d’un gouvernement 100% à gauche, en direction d’une gauche et d’un mouvement ouvrier qui doit faire face à une crise économique profonde. Et ce plutôt que de reporter l’ « urgence » de ce programme au-delà du congrès du NPA. Mettre en avant les éléments, même limités, qui traduisaient un début de pluralisme possible aux premiers temps du processus. Laisser au nouveau parti le temps de construire sa propre organisation, au lieu de cloner et de transférer abruptement les structures et habitudes de la LCR. A présent les conséquences se font sentir dans le NPA, où beaucoup de ceux et celles qui n’appartiennent pas à la LCR ont le sentiment de ne pas maîtriser le processus.
En adossant le NPA au seul courant que la LCR a représenté, en ne cherchant pas un rassemblement au-delà des forces de l’extrême gauche, en refusant de donner au NPA une impulsion unitaire en direction des recompositions et rassemblements de la gauche d’alternative à gauche du PS, c’est la force d’attraction du NPA qui s’affaiblit. Nous proposons aux militants et aux militantes de la LCR de ne pas donner approbation de la manière dont le processus a été conduit ces derniers mois, et d’adresser un autre message.
Il ya longtemps de cela, la LCR a choisi de redéfinir ses objectifs, en sortant du cadre qui posait son existence comme le « noyau » du parti révolutionnaire à construire. Progressivement, elle avait défini l’objectif d’un parti pluraliste large, démocratique, anticapitaliste, luttant pour le socialisme, tourné vers le mouvement ouvrier, participant à sa reconstruction et à une recomposition politique à la gauche d’une social-démocratie en voie de mutation définitive en une force libérale-démocrate.
C’est le meilleur de cette tradition et de ces débats de la LCR, de ce que nous avons appris au long de ces années par l’action et le débat, qu’il convient de transmettre au NPA.
Tel est le sens de nos motions :
- Orienter l’attention et l’intervention en direction de l’ensemble du mouvement ouvrier. Et ce plus que jamais alors que le capitalisme connaît une crise profonde, que les premiers ébranlements secouent toute la gauche, révélant notamment l’impasse durable dans laquelle se retrouve le social-libéralisme à l’issue du congrès socialiste de Reims, que sont mises en cause les démarcations anciennes et que se dégagent de nouvelles forces à gauche du PS. Le schéma prétendant qu’entre la LCR et le NPA et le PS il n’y avait rien est encore plus ubuesque. Proposer une alternative politique en s’adressant aux forces qui se dégagent de cette crise, et pas seulement aux « individus » et « héros du quotidien », cela fait partie du meilleur des traditions de la LCR.
- Se lier et s’enraciner dans le mouvement ouvrier réel, construire des organisations syndicales de masse, défendre l’unité syndicale tout en rassemblant les syndicalistes combatifs, être soucieux de l’indépendance du mouvement social à l’égard du parti, cela fait aussi partie du meilleur de la tradition de la LCR, qui a su s’extraire des conceptions originelles du parti d’ « avant-garde », des « fronts » de lutte autour de lui, des tentations de substituer l’action du parti à celle des organisations du mouvement social. Au vu des débats qui existent dans le nouveau parti, cette question est importante.
- Transmettre l’idée que le NPA n’est pas une fin en soi, comme ne l’était pas la LCR précédemment, mais un levier pour rassembler plus largement dans la perspective d’un parti large qui se donne comme objectif de contester l’hégémonie du social libéralisme porté par le PS au sein de la gauche. Et, pour cela, donner un axe de réorganisation politique à gauche autour de la question d’un gouvernement capable de mener une première rupture avec le capitalisme : combat intransigeant pour chasser la droite tout en refusant l’impasse d’une coalition avec un PS qui imprimerait la marque de son social-libéralisme à un gouvernement et à une majorité parlementaire ou encore celle de l’alliance au centre, défense de la perspective d’un vrai gouvernement de gauche s’appuyant sur les mobilisations pour rompre avec la logique de la gestion du capitalisme.
- Faire du NPA un facteur d’unité est une question décisive. Nous avons appris au cours de notre histoire que, face aux crises du capitalisme, la question de l’unité était vitale, pour se défendre, pour de nouvelles conquêtes, pour rompre avec le carcan de l’Europe libérale, pour combattre les dérives autoritaires, protectionnistes, réactionnaires qui peuvent surgir dans ces situations. Unité de tout le mouvement ouvrier et de toute la gauche dans les luttes, et unité de toutes les forces disponibles pour forger un front politique et social appuyé sur les exigences les plus avancées. La construction d’une alternative à la droite et au social libéralisme doit se nourrir de coalitions, de fronts et de rassemblements, dans les luttes comme dans les élections. La perspective d’une coalition électorale aux européennes est incontournable : autour et avec les forces qui se déclarent disponibles, du PCF aux Alternatifs et aux Cuals, du Parti de Gauche aux forces rassemblées derrière l’appel Politis, le NPA se doit de prendre sa place dans cette entreprise, de peser sur le contenu et la dynamique d’un tel rassemblement. Et non commencer son existence par une affirmation solitaire aux européennes à un moment où les choses bougent à gauche de la gauche.
Nos expériences au sein de la LCR, positives ou négatives, devraient nous amener à transmettre ce message que l’affirmation du seul parti ne saurait résumer la bataille pour faire émerger une alternative de rupture.
Au congrès de dissolution de la LCR, nous devons réaliser un premier pas dans la perspective qui a été la nôtre : proposer un NPA qui soit une première étape pour un rassemblement plus large. Dans ces conditions, nos idées et nos expériences politiques pourront vivre et s’enrichir en respectant courants et militants qui ne sont pas issus de notre tradition politique et organisationnelle.
2- Le congrès du NPA sera la deuxième échéance majeure. L’enjeu sera de clarifier quelques points essentiels dans les textes qui sont soumis à adoption.
Il en va ainsi de la conception du parti telle que définie maladroitement par ses statuts provisoires : « Notre parti est un instrument au service de notre projet, un outil au service des militant-e-s qui adhèrent à ce projet ». Cette définition fait tourner le parti autour de lui-même, semblant oublier que son combat est au service des salariés et des opprimés afin d’aboutir à un autre type de société. Le but du parti n’est pas le parti en soit, il n’est pas avant tout « un instrument au service de « son » projet », ni même « au service des militants ». S’il fallait résumer son but, ce serait plutôt d’être un des outils favorisant la prise de conscience politique et l’organisation de la classe des travailleurs et des opprimés.
Une autre discussion touche aux relations entre parti et mouvement social. En effet, s’organiser, agir pour l’émancipation, cela recouvre deux dimensions. Premièrement, développer les luttes sociales, l’auto-organisation des salariés, depuis le mouvement élémentaire de construction syndicale, jusqu’à un syndicalisme de masse interprofessionnel, en lien avec le mouvement associatif, pour des luttes cordonnées à l’échelle du pays tout entier, voire des grèves généralisées posant dans toute la société des problèmes de choix fondamentaux. Deuxièmement, construire un parti politique, pour défendre un programme général pour l’émancipation, et agir sur le terrain politique, afin que ses propositions acquièrent une force grandissante dans le pays, conquièrent l’hégémonie face aux classes dominantes, notamment dans les moments de crise politique et sociale.
Ces deux dimensions ne s’opposent pas, mais ne se confondent pas non plus. Elles nécessitent une activité coordonnée, régulière, avec un suivi d’expériences, de bas en haut et de haut en bas.
Les militants et les militantes d’un parti pour l’émancipation sociale doivent donc soutenir la construction d’un syndicalisme efficace de lutte de classe, mais aussi toutes les formes d’organisation collective (associations, mouvements…) qui permettent aux salariés, à la population, de s’organiser, de créer un rapport de force, d’apprendre à construire des outils démocratiques, et de réfléchir au prolongement politique de leur action. L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes : il n’y a donc nulle frontière qui imposerait des limites a priori, dans les organisations du mouvement social, à la réflexion politique sur les revendications et l’émancipation sociale. La seule contrainte est la nécessité de respecter l’indépendance des forces syndicales ou associatives, le pluralisme, la liberté des courants d’expression, les choix démocratiques. Un mouvement social, une lutte, doit viser à être majoritaire pour gagner, donc obtenir l’unité la plus large. Le socialisme que nous voulons sera le mouvement de l’immense majorité de la population ou alors il échouera.
Un parti peut, quant à lui, prendre des initiatives (manifestations, débats publics), qui ouvrent une perspective aux luttes et faire des propositions. Son rôle est prioritairement, en s’inscrivant dans chaque combat partiel comme dans toutes les mobilisations sociales, et en y défendant ses propositions, de dessiner une visée politique générale, de défendre un programme, et de lui donner une force sur le terrain de la représentation politique (dans les élections et, au-delà, en changeant la donne et les consciences, par des campagnes et une action permanente d’éducation populaire). C’est par cette action politique que la question du pouvoir et d’un gouvernement de rupture pourra être posée, à la plus large échelle possible, dans le cadre d’un mouvement populaire se dotant de ses propres formes d’organisation et reposant sur la démocratie la plus complète. C’est cette conviction que nous voudrions faire partager aux militants et aux militantes du NPA.
Enfin, dernier débat et non des moindres, celui qui touche au socialisme et à la démocratie. Comme écrit plus haut, l’ambition politique que nous portons doit s’appuyer sur une vision stratégique qui fait appel à l’action consciente de la majorité des salariés et de la population pour porter un projet de société dont la démocratie politique et sociale « jusqu’au bout » est un point cardinal. De ce point de vue, il faut clarifier deux choses dans les conceptions portées par le NPA. La première sur le rôle de la violence dans un processus de transformation sociale. La seconde, intimement liée à la précédente est celle de la démocratie et de son expression.
Nous n’avons pas de modèle pré-établi mais nous savons au moins une chose, c’est que le type de tentative de changements politiques et sociaux qui ont eu lieu au vingtième siècle, même s’ils ont parfois soulevé d’immenses espoirs, se sont terminés soit en faillite soit en cauchemar bureaucratique. De ce point de vue, le fait même qu’il n’y ait aucune mention du suffrage universel dans le texte qui établit les principes fondateurs du NPA pose un très sérieux problème. La rupture avec le système dans des pays où existe une vie démocratique, aussi encadrée par les institutions de la classe dominante soit-elle, ne se fera probablement pas selon le schéma d’une généralisation des luttes qui amènerait à un unique et bref affrontement avec le pouvoir central. Si elle veut être une expression consciente et démocratique des classes populaires, elle s’appuiera inévitablement sur un double processus de mobilisations sociales et d’élections permettant à chaque pas de renforcer, de légitimer et d’exprimer pleinement les aspirations majoritaires du peuple et son contrôle à chaque niveau et à chaque étape de la transformation. Dans ce cadre, il ne peut y avoir de doutes, ni d’ambiguïtés sur le fait que la violence minoritaire et arbitraire, avant ou dans le cours du processus, n’a aucune place dans le projet porté par le NPA. En tout état de cause, elle ne saurait se confondre face à la violence dont peuvent faire preuve les classes possédantes lorsque leurs intérêts sont menacés, avec la défense intransigeante, par la population elle-même et les institutions dont elle se dotera, de ses nouveaux acquis et de la démocratie.
Sur ces différents points (conception du parti, lien avec le mouvement social et enfin socialisme et démocratie), il faut souhaiter que de nombreux amendements émaneront des comités.
Mais le premier test politique dans la vie du NPA sera les élections européennes. Nous l’avons déjà dit, pour nous, il s’agit d’un moment clé. Le projet de résolution pour les élections européennes proposé au débat des comités ne répond pas aux défis du moment. Il y a pourtant, une opportunité qu’il serait impensable de laisser passer : la possibilité de listes unitaires sur des bases anticapitalistes à l’occasion des européennes de 2009. Ces élections peuvent être porteuses, à l’échelle européenne, d’un piège mortel dans le contexte de la crise capitaliste : que ne se présente qu’une seule alternative : soit le ralliement à l’Europe libérale, soit le refus de celle-ci au nom d’un populisme réactionnaire et de replis nationalistes. Il est vital que s’affirme la seule réponse conforme aux intérêts des travailleurs et des peuples : un projet pour une Europe sociale et démocratique, dont les axes seraient en rupture totale avec le Traité de Lisbonne.
La reconstitution d’un arc de forces rappelant celui qui s’était affirmé pour la défense d’un non de gauche au TCE est possible. Avec l’Appel Politis, les prises de position du CN du PCF, du Parti de gauche, les réactions des Communistes unitaires, des Alternatifs, des Collectifs antilibéraux cette possibilité se dessine. Le NPA doit venir renforcer ce mouvement, contribuer à sa dynamique militante et populaire, favoriser dans le cadre de ce regroupement tous les débats sur les alternatives nécessaires à la crise du système. L’impératif qui doit nous guider dans les débats qui s’ouvrent est en effet de permettre l’affirmation d’une force crédible défendant un projet anticapitaliste de portée européenne. Un rassemblement d’une gauche porteuse d’un tel projet serait porteur d’une dynamique de réorganisation et de réarmement politique à gauche, d’autant plus décisive que les affrontements de classe à venir vont se faire de plus en plus violents avec les développements de la crise du capitalisme. Dans ce contexte, le premier acte politique du NPA ne peut pas, ne doit pas être un geste de fermeture.
Pour toutes ces raisons, dans le congrès du NPA, nous appelons à soutenir partout, dans les comités, l’amendement rédigé par le comité de Clermont-Ferrand :
« Les élections européennes seront un moment important de l’apparition du tout nouveau NPA. Le congrès décide d’y participer malgré leur caractère profondément anti-démocratique qui ne permet pas la représentation des positions politiques présentes, et notamment ne permet l’envoi au parlement que de très peu de députés opposés à la proposition de constitution européenne. Pour cela il se prépare d’ores et déjà à constituer des listes dans chaque région en cas d’échec de notre démarche unitaire.
Il faut agir de telle sorte que les forces de la gauche anticapitaliste qui se sont retrouvées unies au moment du référendum sur le TCE, qui ont refusé le traité de Lisbonne, puissent s’y exprimer d’une seule voix. C’est pourquoi dès maintenant le NPA contacte tous les partenaires (PCF, gauche des Verts, courants gauche du PS, le Parti de Gauche, LO, POI, collectifs antilibéraux) afin de leur proposer des listes communes dans toutes les régions.
Ces listes devront se constituer sur un programme anticapitaliste, tel qu’initié par les élaborations programmatiques effectuées dans les cadres unitaires de la campagne contre le TCE ; programme sur lequel le travail fut poursuivi au-delà du referendum. »
Il serait bon, pour empêcher la catastrophe que constituerait un vote de fermeture, que le maximum de délégués se fassent élire sur cette démarche et la porte au congrès fondateur du parti.