- Marianne2 : La thèse développée dans Besancenot, l’idiot utile du sarkozysme [1] doit vous déplaire. Mais dans son livre, Renaud Dély rappelle que c’est Nicolas Sarkozy lui-même qui dit vouloir « faire de Besancenot le Le Pen de la gauche comme [Mitterrand] s’était servi de Le Pen pour attiser le désordre à droite » ?
Samuel Johsua : Renaud Dély fait comme d’autres avant lui. Il a sans doute lu Hegel pour ne retenir que la loi de l’unité des contraires. C’est une thèse vieille comme le monde, mais qui, là, ne tient pas. La crise du capitalisme que nous connaissons est la plus grave depuis la crise de 1929. Et avec qui travaille Nicolas Sarkozy ? Dominique Strauss-Kahn au FMI et Pascal Lamy à l’OMC et non pas Olivier Besancenot. Si Olivier Besancenot est responsable de quelque chose, c’est de gêner la recomposition au centre de la vie politique. Et l’on comprend pourquoi Marianne mène cette campagne contre lui depuis longtemps.
- En citant les noms de ces deux socialistes, ne faîtes-vous pas exactement ce que Renaud Dély décrit dans son ouvrage ? En « [tapant] sans relâche sur la gauche de gouvernement [...] comme le leader d’extrême droite a passé sa vie à se faire les crocs sur la droite républicaine », Olivier Besancenot, explique-t-il, sert d’abord Nicolas Sarkozy...
Le NPA mène un combat contre Nicolas Sarkozy. Mais imaginez s’il n’y avait pas Olivier Besancenot : le PS serait déjà passé au centre. Les critiques à l’égard du Parti socialiste ne sont pas systématiques. Prenez le référendum sur La Poste. NPA et PS sont ensemble. Nous sommes toujours favorables à ce que tout le monde parvienne à se mettre d’accord. Notre modèle, c’est le LKP qui regroupe tous les partis. Dire que nous agissons contre un parti, c’est faux. Que je me souvienne, lors de l’élection présidentielle Olivier Besancenot n’a pas appelé à voter Sarkozy...
- Mais avant le premier tour et aujourd’hui encore ?
Le premier tour permet de dire ce que l’on pense. Le NPA est là pour que se maintienne une politique de gauche. Si on ne critique pas le Parti socialiste, ce qui nous attend, c’est l’Italie. Pour ce qui est de la comparaison entre Le Pen et Besancenot, c’est ignoble. Ils n’ont rien à voir. Ça s’appuie sur la thèse qui voudrait que les extrêmes se nouent. Mais il faut rappeler que Le Pen se bat au nom d’un fascisme, même si pour Marianne, Olivier Besancenot se bat au nom d’un autre totalitarisme. Le souhait de Marianne et de Renaud Dély, c’est qu’il faut une alliance au centre-gauche ou au centre-droit. Mais si on peut l’empêcher...
« Besancenot n’est pas un gendre idéal que l’on a propulsé »
- Peut-être acceptez-vous d’avantage le parallèle fait entre Olivier Besancenot et Marine Le Pen ? Pour Renaud Dély, tous deux offrent un visage plus fréquentable de leurs partis, servent des discours plus policés que leurs aînés ?
Pour Marine Le Pen, on ne sait pas encore. D’ailleurs, si le FN survit, il n’est pas sûr qu’il mute. Quant à Olivier Besancenot, son discours n’est pas spécialement plus policé. La LCR avait déjà beaucoup changé avant Olivier Besancenot. Si l’on regarde les discours tenus en 1967-1968, ils n’ont rien à voir avec ceux tenus aujourd’hui. C’est dû à une évolution de fond qui date de 15-20 ans, depuis la chute du Mur.
Ce qu’amène Olivier Besancenot, c’est un langage totalement différent, beaucoup plus proche de ce que les gens vivent.
- Le fameux « parler vrai ». Dans Besancenot l’idiot utile du sarkozysme, il est montré que Nicolas Sarkozy et Olivier Besancenot ne font pas que se servir mutuellement, ils se ressemblent aussi. Ceux que Renaud Dély appelle les « jumeaux de Neuilly » partagent notamment ce « parler vrai »...
Il n’y a aucun exemple de populisme chez Besancenot. « Parler vrai » ? Non, il parle de ce que, nous, nous pensons. Ce n’est pas un discours calibré pour s’attirer la sympathie de la population. Ce n’est pas un discours élaboré par des spin doctors. Il y a « parler vrai » et « parler vrai »...
- Ils ont, en tout cas, tous deux succombés aux joies du storytelling. Ils ont abandonné les grands récits fondateurs de leurs courants de pensée pour les remplacer par de petits récits dans lesquels tout le monde est censé se reconnaître. À Nicolas Sarkozy, les fait-divers, à Olivier Besancenot les drames sociaux, les ouvriers mis sur le carreau par des patrons-voyous ?
Chez Olivier Besancenot, ça n’a rien à voir avec un choix ou une posture. Il s’est prononcé sur le trotskisme vers 2002-2003. Pour lui, c’est un espoir qui fait partie du XXe siècle. Au NPA, ils sont nombreux à penser comme ça. Et des références, il en a : Louise Michel, la Commune de Paris, Che Guevara. Le Che, ce n’est pas ma référence, mais c’est la sienne — il a écrit un livre sur lui — et il la défend vigoureusement.
Ce qui m’ennuie c’est que tout ça serait fait pour masquer une partie de l’idéologie du NPA. Mais qu’est-ce qu’Olivier Besancenot aurait à cacher ? Il est seulement plus en adéquation avec les gens. C’est le seul politique qui est un travailleur. Peu savent exprimer des souffrances populaires comme lui sait le faire. Ce serait un choix ? Mais Olivier Besancenot, ce n’est pas un jeune gendre idéal que l’on a propulsé. Il a apprivoisé la télé, on ne lui a pas appris ! C’est Besancenot qui nous donne des conseils en communication, ce n’est pas nous !