- Marianne2.fr : Dimanche, à la tribune du Zénith de Paris (voir vidéo ci-dessous), vous avez expliqué qu’en refusant de participer au « Front de gauche », le NPA avait commis « l’irréparable » ?
Christian Picquet : C’est une faute politique majeure, gravissime. Nous sommes dans une conjoncture économique telle, avec une faillite du modèle libéral de construction de l’Europe, un gouvernement qui s’obstine et une colère sociale qui monte. Ce qui se passe en Guadeloupe, à la Martinique et à la Réunion ne sont peut-être que des prémices. Il faut une réponse à tout ça. Et le PS n’est pas à la hauteur des attentes, des craintes des gens. Aucun parti ne peut incarner seul une alternative crédible. J’ai essayé de les dissuader de faire cavalier seul, mais Olivier Besancenot a fini par confirmer que les portes étaient fermées.
- Ce refus n’était-il pas prévisible parce qu’inscrit finalement dans les gènes de la LCR ? Et à cela, c’est sans doute ajouté une question d’ego de la part Olivier Besancenot ?
Ce n’est pas dans les gènes de la LCR. En 1988, nous avons renoncé à avoir un candidat à l’élection présidentielle et nous avons soutenu Pierre Juquin. C’est pourquoi, pour moi qui milite depuis quarante ans, c’est une rupture historique. Ce n’est pas non plus une question d’ego puisque Olivier Besancenot a annoncé qu’il ne se présentera pas aux élections (en position éligible, ndlr). Simplement, le NPA est en train de s’enfermer dans une bulle médiatique sondagière. Ils font tout pour croire qu’ils détiennent les clés. Mais c’est une position mortifère. Le NPA ne compte que 9 000 militants. Et au final, quoi que disent les sondages, ils feront 5 à 6%. Plus grave, ils disaient vouloir renouveler les pratiques politiques. Mais en fait ils font valoir les intérêts de boutique plutôt que l’intérêt général...
- Mais la décision du NPA était prise depuis longtemps. Les conditions qu’ils fixaient pour participer au « Front de gauche » (position claire sur le nucléaire et « Front durable » allant au-delà des Européennes) le laissaient entendre...
Ce n’étaient que des arguties. La question du nucléaire n’est pas la question clé des Européennes. La preuve aussi qu’il ne s’agit que d’arguties : ils disent garder la porte ouverte aux Alternatifs. Mais il y a beaucoup d’Alternatifs qui sont élus au niveau local grâce à des maires socialistes. Il y a deux poids deux mesures. Si vous vous dérobez au nom des échéances suivantes (les élections régionales et les probables alliances entre PCF et PS, ndlr), c’est que vous n’êtes pas dans une démarche unitaire...
- Vous avez formé pour l’occasion un mouvement politique baptisé « Gauche unitaire ». Cela signifie-t-il que vous allez rendre votre carte du NPA ?
Ce n’est pas à moi mais à mes camarades de décider. C’est en tout cas une rupture politique, une rupture de démarche. C’est la première fois de ma vie que je vais faire campagne en dehors de mon parti. C’est un acte symbolique fort. Mais ce n’est pas mon problème du moment de savoir si je dois quitter le NPA, si je dois oui ou non déchirer ma carte. En politique, il ne faut jamais insulter l’avenir. Mais j’espère, avec cette décision, rouvrir le débat au NPA. Il y a dans ce parti des militants de valeur qui incarnent une dynamique.
- Quels ont été les termes des négociations avec le PCF et le PG pour les rejoindre ? Combien de places sur les listes, par exemple, avez-vous obtenues ?
Notre décision date de dimanche. La seule chose qui nous a été dite, c’est « bienvenue », « bienvenue » en tant que « troisième force politique ». On sera des partenaires loyaux et exigeants sur le contenu, exigeants aussi sur la volonté d’aller au-delà des trois organisations. Pour ce qui est des listes, nous serons à des positions où nous pourrons insuffler une dynamique. Nous avons rendez-vous demain avec la direction du Front de gauche pour en discuter.