Les galériens du logement

, par COTTIN-MARX Simon

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Simon Cottin-Marx, étudiant en M2 de sciences politiques, est un des membres actifs du collectif Jeudi Noir. Rencontre au « Ministère de la crise du logement », un immeuble réquisitionné par trois associations — dont Jeudi Noir —, et situé, « un beau symbole », face à la Bourse de Paris.

  • Qu’est-ce que Jeudi Noir ?

Jeudi Noir est le collectif des galériens du logement, un groupe d’étudiants et de jeunes actifs en galère immobilière. Notre technique est d’aller faire la fête dans des logements beaucoup trop chers. Par exemple, il y a un an, on a pointé un appartement de 9 mètres carrés qui était loué 650 €), on fait une fausse crémaillère, on y va à 30/40, on montre que c’est complètement absurde de louer un appartement à ce prix-là et on pointe du doigt le propriétaire et surtout le marché, qui est complètement déréglé. Quand tu es étudiant, tu ne peux pas payer 650 € de loyer, sauf si tes parents sont assez riches ou si tu travailles à côté.

En plus se pose la question des garanties. Tout le monde est obligé de tricher sur ses fiches pour pouvoir avoir un logement à Paris. Déjà que le loyer est exorbitant, en plus ils te demandent mille et une garanties, d’avoir des parents qui gagnent 10 000 € par mois... Et le pire c’est que tu te retrouves en concurrence avec 30 types dans la queue ! Si on s’appelle Jeudi Noir, c’est en partie car c’est le jour de sortie de Particulier à Particulier, et que chaque jeudi quand tu cherches un appart’, tu prends le journal, tu regardes les annonces et tu te retrouves à faire la queue. Et, bien sûr, Jeudi Noir c’est aussi une référence au krach de 1929. Nous sommes pour l’explosion de la bulle immobilière et la régulation des loyers. La bulle immobilière est en train d’exploser, maintenant ce serait bien de réguler les loyers.

  • As-tu un message à faire passer aux étudiants ?

« On est beaux, on est sympas, on est jeunes, on est sexy, on est Jeudi Noir ! » (rires). On milite sur un sujet important et qui touche tout le monde, mais on y va avec des cotillons, avec du mousseux, des verres à pieds... Avec une apparence un peu absurde, mais en même temps on fait passer un message d’experts, vraiment sérieux. On est un mouvement hypermédiatique, on passe par l’opinion publique pour ensuite toucher les politiques. Dans les semaines qui viennent, l’objectif est de mettre la pression sur Christine Boutin, de dire qu’on ne veut pas que la contestation au Sénat de son projet de transformation de la loi SRU –20% de logements sociaux- soit remise en cause à l’Assemblée Nationale. Boutin défend la France des propriétaires, nous on défend la France des locataires. Avec les subprimes, on voit bien qu’il n’est pas souhaitable que tout le monde devienne propriétaire et s’endette sur quarante, cinquante ans. En novembre 2007, Boutin a dit que si la situation le nécessitait, il y aurait des réquisitions. Donc on va lui montrer où sont les bâtiments, et lui dire : « Vas-y, réquisitionne, c’est la crise, la situation le nécessite ! ». Jusqu’ici elle ne fait rien, il y a un vrai manque de volonté politique, et on veut le montrer à tout le monde.

  • Comment entrer en contact avec vous ?

On a un site Internet (http://www.jeudi-noir.org). Parce qu’on n’a pas envie que le mouvement ne reste que parisien, ça s’est créé dans plusieurs villes, Orléans, Lille, Toulouse... On n’est pas là pour se faire chier, chacun apporte ses compétences, comme par exemple des architectes, c’est vachement intéressant, ils ont plein de projets de développement écologique des immeubles à réquisitionner. Parce qu’on fait aussi du concret : on loge des gens, on récupère des immeubles vides. On ne fait pas que les pointer du doigt, on les utilise aussi. Aujourd’hui Jeudi Noir loge une cinquantaine de personnes, c’est quand même pas mal !

P.-S.

Entretien paru dans L’Étudiant autonome, le 4 décembre 2008.

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