Loi Grenelle 1 : l’écologie bradée sur l’autel du marché

, par GAY Vincent

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Que faudra-t-il retenir du Grenelle de l’environnement ? Sans doute, dans un premier temps, une habileté politique de la part de N. Sarkozy qui a réussi à attirer à lui et dans un cadre très consensuel, la majeure partie du champ associatif environnementaliste.

Si les confédérations syndicales, essentiellement CFDT et CGT, étaient aussi parties prenantes des négociations, c’est bien les nouveaux rapports entre le gouvernement et les associations qui a constitué l’atout majeur de Sarkozy, au moment où pourtant il relançait avec vigueur l’industrie nucléaire, en multipliant les contrats de ventes à l’étranger et en annonçant la construction d’un second réacteur EPR. Un an après, les désillusions peuvent être aussi fortes que les espoirs placés dans le Grenelle en 2007. Mais le bilan médiatique demeure : le gouvernement actuel a été capable de faire ce qu’aucun avant lui n’avait fait. Si on entre dans le détail des mesures adoptées par les parlementaires, on peut mesurer l’écart entre celles-ci et les promesses passées, et encore plus entre le texte de loi Grenelle 1 et les nécessaires ruptures à apporter dans le domaine des transports, de la production, de l’énergie, de l’aménagement du territoire ou de l’agriculture.

Sans pouvoir être exhaustif, pointons un certain nombre de problèmes.

Au cœur de la politique énergétique du gouvernement se trouve la relance massive du nucléaire. Alors qu’AREVA négocie de nouveaux contrats au Niger, il faut assurer que l’industrie nucléaire trouve les débouchés nécessaires, au point que les taux de consommation énergétique pour les bâtiments neufs sont devenus modulables en fonction de la source d’énergie, selon les émissions de CO2 de cette source. Autrement dit, les bâtiments qui seront équipés de chauffage électrique seront soumis à des normes bien moins contraignantes, ce qui tourne le dos à une politique d’économies d’énergies. En clair cela est un encouragement très fort à installer du chauffage électrique dans les constructions neuves afin d’offrir des débouchés à l’industrie nucléaire. Le développement des énergies renouvelables ne peut alors être vu que comme un moyen de diversifier les sources d’énergie, avec éventuellement des profits à la clé, mais pas comme une alternative permettant d’envisager la sortie du nucléaire.

Les discours gouvernementaux concernant les transports avaient médiatisé en 2007 le gel des constructions d’autoroute et d’aéroports. Cette promesse est un marché de dupes puisque si l’Etat s’est engagé à ne plus augmenter significativement les investissements dédiés au développement de nouvelles capacités routières et aéroportuaires, cela est soumis à un certain nombre de conditions : contournement d’une agglomération, nécessité liée à un problème de sécurité, d’intérêt local, etc. Les projets autoroutiers en cours illustrent cette hypocrisie, puisqu’au nombre de 80 (comprenant les contournements d’agglos et les 4 voies), ils équivalent à une augmentation de 40 % des capacités autoroutières de la France. Dans le même ordre d’idée, une écoredevance sur les poids lourds pourrait être prélevée, mais avec en contrepartie des exonérations de taxes pour les entreprises, ce qui annihilerait son caractère incitatif. Quant au transport routier, alors que le plan fret de la SNCF supprime 260 gares, la priorité est donnée au TGV avec 2000 km de nouvelles voies mais rien n’est prévu pour la réhabilitation des petites lignes, ce qui a des incidences sur l’organisation du territoire qui accentue les privilèges donnés aux grands axes, contre la possibilité d’une vie sociale et économique plus locale.

Si tout le monde se fait défenseur de l’agriculture biologique, c’est en laissant en place le fonctionnement de la PAC et son système de subventions qui aide en priorité les gros producteurs ; on abandonne ainsi le sort de la filière bio aux lois du marché alors qu’elle n’est pas compétitive. A une certaine échelle, deux modèles agricoles s’opposent, mais celui-ci qui demeure largement soutenu est celui, productiviste, pollueur et énorme consommateur d’eau, que défend la FNSEA, dont l’alliance de très longue date avec la droite française n’est un secret pour personne. De plus, la loi OGM adoptée au printemps, si elle a fait l’objet de multiples rebondissements, a aboutit finalement à la « liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM », ce qui autorise de fait la dissémination des OGM dans les campagnes, autorisation qui s’accompagne d’autres mesures de la loi favorables aux défenseurs des OGM.

La place manque pour décrypter l’ensemble du texte de loi Grenelle 1, qui sera bientôt complété par un second texte pour les applications concrètes, mais ces quelques exemples illustrent le vide sidéral des mesures gouvernementales, et met d’autant plus en lumière l’inconséquence des organisations qui ont cautionné le processus du Grenelle et sont aujourd’hui incapables de mobiliser pour populariser des alternatives à Sarkozy. Pourtant, les négociations sur les changements climatiques — parmi d’autres problèmes — chargées de définir la suite du protocole de Kyoto, et qui doivent aboutir fin 2009, ne changeront rien à la situation sans l’intervention des peuples et des classes populaires, pour des modes énergétiques, de transports et de production sobres, afin de, à terme, décarboniser l’économie.

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