Même les quartiers populaires boudent le NPA…

, par SUZE Gilles

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Gilles Suze est un militant du NPA qui était déjà très critique à l’égard de la direction actuelle. Les résultats de dimanche, notamment ceux enregistrés dans les « quartiers populaires », ne l’ont pas vraiment fait changer d’avis. Au contraire...

Mettez-vous bien ça dans la tête. Prenons une commune qui est en soi tout un symbole : La Courneuve dans le 93. Abstention : 71,49 %. La gauche y reste dominante : 21,59 % pour le PS et juste derrière le Front de Gauche avec 20,87 %. L’UMP culmine à 15,03 %, les Verts à 9,85 %, le Modem à 5,18 %, le Front national à 5,18 %... Et le NPA dans tout ça. Tête de liste, Omar Slaouti et un programme antiraciste et anticapitaliste à tout crin. Résultat : 4,64 %, un tout petit peu plus que Dieudonné ! Cruel bilan pour un parti qui axait une partie de son activité sur les quartiers.

Des résultats approchants à Saint-Denis, mais aussi à Pantin ou Bagnolet, trois communes où ce sont les Verts qui arrivent en tête, ou encore à Montreuil, et ici dans des proportions (29,08 %) qui illustrent bien ce phénomène – que l’on avait déjà vu avec les scores du Modem en 2007 – qu’une partie de l’électorat de gauche (certes pas le plus « populaire ») cherche une issue hors du PS. Hier via le Modem, aujourd’hui chez des Verts élargis, accessoirement dans ces communes de l’ancienne ceinture rouge avec le Front de gauche, mais qui délaisse un NPA, qui pour sa part est totalement impuissant à mobiliser « son » électorat. Ainsi 73 % des personnes ayant voté pour Olivier Besancenot au premier tour de l’élection présidentielle de 2007 n’ont pas participé à ce scrutin.

L’unité de la « gauche de gauche » : pas la panacée mais...

Et pour cause. Il y a en réalité deux électorats pour le NPA. Le premier « existant », plutôt jeune (mais il y a aussi une bonne proportion de « vieux » dans l’électorat du NPA), révolté, sans attache sociale précise, peu syndiqué. Si le discours d’un Besancenot le flatte, les élections européennes ne lui apparaissent pas comme un objectif. Et puis il y a l’autre électorat, le « potentiel », le vrai électorat populaire, celui des « quartiers », qui a voté à plus de 60 % pour Royal en 2007. Pourquoi cet électorat, peu politisé et peu syndiqué, exclu d’à peu près tout, irait investir sa confiance dans un parti qui n’accorde aux élections qu’une importance relative et distante ? Le discours du NPA, aussi abscond pour ces gens-là que celui de LO qui n’a de succès que lorsque son porte-parole médiatique est à l’avant-poste, n’a aucune chance de le séduire. Il est sans perspective de changements à court terme.

Voilà pourquoi, le NPA ne pouvait pas faire d’autres scores dans ces élections sur fond de résignation sociale. L’unité de la « gauche de gauche » n’était pas la panacée, mais elle aurait entrouverte une fenêtre et mobilisé bien plus largement que ce qu’ont pu comptabiliser séparément le NPA, le Front de gauche et LO. Hélas, les premières déclarations de la direction du NPA, s’appuyant sur un parti qui vit majoritairement ce résultat comme s’il était une « forteresse » assiégée, ne sont guère encourageantes. En gros, vu le contexte, « nous nous en tirons pas si mal ! ». L’Europe s’enfonce dans l’abstention, laisse aux oligarchies libérales le soin de gérer la crise à leur manière, et ouvre les bras à l’extrême-droite, mais le NPA du haut de ses 4,9 %, résiste. Brave petit soldat !

P.-S.

Article paru sur le site Marianne2.fr, le 9 juin 2009.

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