- Quelles sont les raisons de votre présence au côté des
sans-papiers ?
La Ligue est présente depuis des années maintenant, à toutes les manifestations. Mais ce sont des années beaucoup trop longues : Je trouve qu’on a là un scandale qui n’a rien à voir avec des problèmes économiques, qui est un problème politique. Vous avez aujourd’hui 60 000 personnes qui ont été rejetées dans la clandestinité, qui mènent une vie épouvantable parce qu’ils n’ont pas de papiers ou qu’on les leur a retirés. Je trouve que c’est inadmissible de la part de la gauche. Malgré les promesses, cette question, qui pourrait être réglée en cinq minutes — je ne dis pas dans l’indifférence, mais personne ne peut vraiment s’y opposer en France — est toujours en suspens. Et malheureusement, à la veille de l’élection présidentielle, j’ai peur que ce ne soit pas réglé, parce que quand on voit les clins d’oeil que la gauche fait à la droite depuis pas mal de temps, on peut avoir toutes les craintes que le problème des sans-papiers passe à la trappe.
- La question ne sera donc pas au centre des débats présidentiels ?
Malheureusement, aussi bien le problème des sans-papiers que par exemple le problème de la double peine — qui est aussi un problème moral, politique, éthique — ne seront pas réglés avant la présidentielle. Ces manifestations sont un peu une interpellation aux candidats, pour qu’ils prennent position. Parce que la situation est totalement intolérable, insupportable pour des milliers de gens qui se retrouvent dans la clandestinité, qui doivent travailler au noir... Je le répète, le problème a été pacifié et peut être réglé en cinq minutes.
- Alors que faut-il : une nouvelle circulaire ?
Bien sûr. Je précise que la première circulaire, qui a permis quelques dizaines de milliers de régularisations, a été faite en dépit du bon sens, à la tête du client. On ne voit pas quels sont les critères de régularisation, d’où un sentiment d’injustice chez les sans-papiers : « Pourquoi moi et pas d’autres ? » Donc aujourd’hui, il faut une nouvelle circulaire, qui soit la négation de la fameuse circulaire Chevènement qui appelait, en quelque sorte, à faire du chiffre. Cette circulaire doit simplement demander aux préfectures de régulariser tous ceux qui ont eu le courage de sortir de la clandestinité. Car on l’oublie : ces 60 000 sans papiers étaient sortis de cette illégalité qui leur avait été imposée pour se présenter dans les préfectures. Aujourd’hui ils sont rejetés dans la clandestinité, n’osant pas aller au travail le matin parce qu’ayant peur d’une rafle dans le métro... C’est inadmissible.
- Avec cette manifestation, la LCR menace-t-elle le gouvernement ?
Disons qu’en ce qui concerne le second tour, au lieu de se désister automatiquement comme on le fait depuis des années, on trouve qu’aujourd’hui trop c’est trop et on dit à Jospin : à vous d’aller chercher les voix, méritez-les. Et une bonne façon de les mériter serait de régulariser les sans-papiers...
- Que pensez-vous de l’attitude des Verts sur ce problème ?
Les Verts, c’est leur contradiction ! Je dois dire en toute franchise que les Verts sont systématiquement là aux manifestations. Par exemple aujourd’hui Alain Lipietz est là. Les Verts sont aux manifestations, mais ils doivent assumer une contradiction invraisembable. C’est qu’ils sont en même temps solidaires d’un gouvernement qui fait l’inverse de ce pourquoi ils sont dans la rue... À eux d’assumer ça.