Réponse reçue le 15.02.2007
- AMRF : Dès lors qu’il s’agit de services publics d’Etat (Ecole, DDE, DDAF...), quels sont vos engagements pour assurer leur présence effective sur l’ensemble du territoire ?
Olivier Besancenot : L’offensive contre les services publics est considérable et est maintenant une constante quelle que soit la couleur politique des gouvernements successifs. Tout naturellement, nous avons donc été — et nous sommes toujours — partie prenante de toutes les mobilisations (à partir de ce qui a démarré à Guéret en passant par les mobilisations en Bretagne, en Charente et en Midi Pyrénées et en Auvergne) pour défendre le maintien et l’amélioration des services publics partout sur le territoire. Nous nous sommes aussi engagés dans la campagne pour un NON de gauche au Projet de Traité Constitutionnel européen qui visait à ouvrir au marché encore plus de secteurs publics. Nous avons aussi été partie prenante des mobilisations contre les lois Raffarin au nom de la nécessaire égalité entre les quartiers et entre les régions.
Nous n’entendons pas rester là et entendons promouvoir une logique de service public, facteur essentiel d’égalité, de développement et d’aménagement du territoire, que ce soit dans les domaines de l’énergie (retour d’EDF GDF dans le public), de la communication, des transports, du logement social (la mobilisation des Don Quichotte de cet hiver montre la nécessité d’un grand service public du logement), de l’école, de la petite enfance (où un service public de la petite enfance est à créer), de la santé, de la culture et du 4e âge (ce dernier étant en train de devenir la proie d’un certain nombre de sociétés qui y voient un marché juteux).
- AMRF : Envisagez-vous une réforme de la carte scolaire et, le cas échéant, quelles seraient les modalités permettant d’assurer le maintien des effectifs de l’école rurale ?
Avez-vous l’intention de demander l’abrogation de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales concernant la participation obligatoire des communes aux frais de scolarisation des enfants dans une école privée située hors de leur commune de résidence ?
Olivier Besancenot : Nous sommes favorables à un moratoire sur les fermetures de classes rurales, permettant de mettre à plat l’ensemble des problèmes. Dans la même démarche que pour l’ensemble des services publics, nous pensons que le maintien des classes rurales ne doit pas être soumis à une logique de rentabilité. Même avec un nombre réduit d’élèves, l’existence d’une école est souvent vitale pour un village, d’autant que même si le nombre d’enfants augmente on ne rouvre pas une école fermée.
La mise en place des EPEP par le gouvernement (regroupement sous un même label de plusieurs écoles) est une accélération du dessaisissement des communes de la maîtrise scolaire. Dans le cas où le maintien sur une commune s’avère impossible, nous sommes favorables à une intercommunalité de projets (et non sous la coupe de la plus grosse commune du secteur) qui permette que fonctionne un Regroupement Pédagogique Intercommunal dans le cadre d’un syndicat intercommunal. Peuvent se poser alors 2 problèmes : celui du logement des enseignants (il est scandaleux à cet égard que des Préfets aient interdit à des Maires de proposer celui-ci) et celui du financement du ramassage scolaire ; une part de celui-ci devrait pris en charge par l’Etat pour assurer l’égalité entre les départements très confrontés à cette question et ceux qui ne le sont pas ou moins.
Nous sommes favorables à l’abrogation de l’article 89 de la loi du 13 août 2004. Cette mesure revient à faire subventionner l’école privée par des fonds publics. Bien entendu, nous sommes solidaires des maires qui ont refusé d’appliquer ce texte et qui se retrouvent inquiétés par les Préfets qui les somment de le faire.
- AMRF : En matière de santé, quelles dispositions envisagez-vous pour assurer réellement la permanence des gardes et des soins en milieu rural ainsi que le service de transport d’urgence ? Envisagez-vous notamment de revoir, là où c’est nécessaire, la répartition des rôles entre les ambulanciers privés et les SDIS ?
Olivier Besancenot : Cette question est particulièrement sensible pour le communes rurales : la population est souvent âgée, peu de jeunes médecins souhaitent s’y installer et on a un processus de désertification médicale : celui-ci est aggravé par la fermeture de « petits hôpitaux » (hôpitaux locaux) qui implique une dégradation du service public de santé. Les projets de mise en place des Maisons Médicales de Garde où un médecin est accessible le week-end et le soir ne sont pas satisfaisants : cela suppose que la personne malade s’y déplace (ce qui peut être compliqué pour quelqu’un d’âgé et malade) ; enfin la question de leur financement n’est pas réglé.
La question du transport des malades est aggravée elle aussi du fait de l’augmentation des distances liées à la fermeture des hôpitaux de proximité ; les ambulanciers privés jugeant les transports sur des longues distances peu rentables, le SMUR se déplaçant pour les urgences, les SDIS se retrouvent à devoir assurer ce qui n’est pas normalement dans leurs compétences.
Nous devons sortir de cette logique marchande qui se fait sur le dos des patients, (souvent des personnes âgées) en revenant à une véritable logique de service public : réouverture des hôpitaux locaux ouverture de nouvelles structures si nécessaire, mise en place dans ce cadre d’un service public de transport par ambulance ; pour éviter l’engorgement des urgences et effectuer ce qui peut l’être en dehors de l’hôpital l’aide à l’installation de jeunes médecins dans le cadre de maisons médicalisées devrait être envisagée.
- AMRF : Lorsque les services publics sont assumés dans un cadre concurrentiel, la couverture de l’ensemble du territoire, en absence de rentabilité commerciale, passe par des fonds de péréquation alimentés par des ressources pérennes, venant des opérateurs dispensés de la mission de service public d’aménagement du territoire, ou du budget de l’Etat. Vous engagez-vous à ce que ces fonds de péréquation, du type « fonds postal national de péréquation territoriale », soient créés là où ils n’existent pas encore et financés de manière pérenne et suffisante quand ils existent ?
Olivier Besancenot : Nous sommes opposés à ce que les services publics soient soumis à la concurrence et à la notion de rentabilité commerciale. La collectivité doit assurer à tous un service équivalent quels que soient son lieu de résidence et ses moyens. La notion de péréquation territoriale est un palliatif financier qui ne remplace pas la proximité ou la qualité du service public. Les habitants d’une commune pourront certes bénéficier d’une meilleure dotation de leur commune, mais ils devront se débrouiller pour aller loin chercher l’ensemble des services postaux dont ils ont besoin, aller beaucoup plus loin pour se faire soigner, etc. Nous sommes opposés à une logique de financement par des allégements fiscaux aux entreprises.
- AMRF : Comptez-vous renouveler une forme de « pacte de croissance » des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales afin d’assurer aux communes rurales les ressources leur permettant de faire face à leurs charges et d’assumer leurs compétences ?
Olivier Besancenot : Il y a une contradiction entre la politique de « décentralisation » qui a tendance à transférer des compétences vers le niveau local et la perte d’autonomie des communes qui disposent de moins en moins du pouvoir de fixer le volume de leurs recettes par la fiscalité. Les structures intercommunales à fiscalité propre ayant dessaisi les communes d’une bonne partie de leurs prérogatives en ce domaine ont donc conduit à ce que la plupart des communes deviennent d’avantage dépendantes des subventions d’Etat qui peuvent fluctuer au gré des majorités politiques et de la conjoncture. Derrière les discours sur la nécessité d’être au plus près, se cache un encadrement de fait de plus en plus fort des communes au niveau financier.
Nous sommes favorables à une intercommunalité de projets et non à des structures intercommunales qui décident sur des dossiers importants, fixent les taux de la Taxe Professionnelle et qui sont constituées d’élus au 2e degré, donc plus éloignées des citoyens.
Dans ce cadre, le rôle de l’Etat doit être d’assurer l’égalité entre les territoires en y développant un réseau de services publics conséquents et en dotant suffisamment les communes à l’aide de mécanismes de péréquation entre les plus riches et les plus pauvres.
- AMRF : Avez-vous l’intention de renforcer la législation contre le cumul des mandats et des fonctions ?
Face à la complexification et à la judiciarisation croissante de la gestion locale, quelles dispositions comptez-vous prendre pour améliorer le statut de l’élu local, notamment en matière de disponibilité, de responsabilité pénale, d’indemnité, de formation et de retraite ?
Olivier Besancenot : Nous sommes bien sûr opposés au cumul des mandats et des fonctions. Nous sommes également favorables à ce que ceux-ci soient limités dans le temps (ne pas dépasser un certain nombre de mandats) : la politique ne doit pas être une affaire de professionnels de la politique, mais devrait être incitative pour beaucoup plus de femmes, de jeunes à s’engager. Cette nécessité de renouvellement et de plus grande proximité de la vie des « gens normaux » est aussi un peu le sens de notre candidature.
Nous comprenons l’agacement, voir la colère de nombreux maires de communes rurales qui se démènent pour maintenir un bureau de poste ou une classe et qui, en lien avec la commune voisine, mettent en place un service public municipal de distribution de repas pour les personnes âgées ou une médiathèque pour les jeunes et qui par ailleurs subissent une politique gouvernementale qui tend à faire tout le contraire. Ceci demande un investissement personnel extrêmement important. Il faudrait donc réfléchir à ce que pour celles et ceux qui travaillent dans le public ou de grosses entreprises, ils puissent avoir une décharge partielle professionnelle afin d’assurer leur fonction ; pour les autres, la seule solution est une indemnisation (pour un agriculteur permettant par exemple de payer un remplaçant sur une journée par semaine).
En terme de formation, les collectivités importantes ont un budget qui leur permet de financer des stages aux élus, ce qui n’est pas le cas des petites communes. Pour rétablir l’égalité, on pourrait envisager des aides de l’Etat ou la région permettant aux élus des communes à petites ressources d’en bénéficier.
Enfin, il faudrait rediscuter d’un partage plus important des responsabilités du maire dans une commune avec les adjoints, voir les conseillers municipaux. La présidentialisation de la vie politique devient une réalité au niveau local aussi : de ce point de vue, nous sommes opposés à la loi sur la prévention de la délinquance qui vise à transformer les maires en quasi shérifs locaux et va encore augmenter la pression.