Si la LCR a heureusement rompu avec le simplisme de la dénonciation des élections comme piège, il reste du chemin à faire en matière de maîtrise de la tactique électorale, ce qui implique de mieux connaître les
modalités électorales et bien analyser leur maniement.
Dans le Puy-de-Dôme s’applique depuis plusieurs années une tactique électorale longtemps mal connue dans la Ligue, tactique pourtant d’une
grande efficacité politique.
Elle s’appuie sur une particularité du mode de scrutin municipal que nous retrouvons aujourd’hui dans le scrutin régional. Ce mode conjugue une
représentation démocratique des différents courants et la construction d’une majorité d’exécutif. Il consiste en une surreprésentation de la majorité (qui a obtenu plus de 50% des voix au premier tour, ou une
majorité relative au second). La liste majoritaire empoche un bonus (50% des sièges aux municipales, 25% aux régionales), l’attribution des sièges
restants se faisant à la proportionnelle. Il faut 10% pour se maintenir au second tour et 5% pour prétendre fusionner pour le second tour.
La conséquence politique est qu’avec le potentiel électoral qui est celui de la LCR, il nous est possible au 2e tour d’avoir des élus – sous notre propre bannière –, et ce sans abandonner une once de notre indépendance politique (le choix est entre user de cette tactique ou disparaître au second tour et ne pas avoir d’élus). Tel fut le cas lors des
élections municipales à Clermont en 1995 et en 2001. Dans les deux situations la liste à laquelle nous participions a fusionné avec celle de la gauche majoritaire en négociant et imposant une totale indépendance
politique.
En 1995, nous participions à une liste avec les Verts et les Alternatifs, la majorité sortante était menée par l’ex-ministre Roger Quillot, et la droite représentée par Giscard d’Estaing. La liste Verts, Alternatifs, LCR a
obtenu 6%. Pour battre VGE, R. Quillot avait besoin des voix s’étant portées sur notre liste. Avec ces éléments de rapport de force, nous avons obtenu que la fusion du 2e tour n’implique pas l’obligation de voter le budget. Acte signé par Roger Quillot en personne. Nous étions formellement membres de la majorité, mais en réalité liés en rien. Les
Verts et les Alternatifs ont rejoint l’exécutif municipal et, à la première
occasion, ont voté le budget. Pas nous. Puis, quelques années plus tard, le conflit « Michelin », et son débat sur l’impuissance de l’Etat chère à Lionel Jospin, nous amena à quitter officiellement la majorité municipale.
En 2001, un scénario semblable s’est reproduit. Mais depuis 1995 notre activité politique nous a permis d’améliorer notre score ; et avec une liste
« LCR-100% à gauche », nous avons obtenu 8,6% (et LO, 5,4%). Lors de l’ultime négociation de fusion, le futur maire, Serge Godard, a déclaré :
« Vous me demandez d’inclure sur ma liste, ma future opposition ? ». « C’est exactement cela, et dès le lendemain des élections nous constituerons l’opposition de gauche », lui fut-il répondu. Quelques heures après cette discussion nous étions intégrés sur la liste du
second tour, avec accord explicite quant à notre indépendance.
A noter que dans les deux situations la liste unifiée a vu son score amélioré au deuxième tour par rapport à la somme des scores du premier tour, en pourcentage et en nombre absolu de voix. A noter aussi que cette tactique produit encore aujourd’hui des débats dans le PS. Un
article de Puy-de-Dôme hebdo – défunt hebdomadaire proche
du PS – annonçant l’arrivée au Conseil communautaire en
juillet 2004 d’un élu LCR, fait dialoguer deux conseillers municipaux
du PS, précisément sur cette tactique. Un récent livre, Cours camarade !, de Serge Lesbre, et traitant de la succession de Roger Quillot, (disponible à la Brèche), fait lui aussi état de l’âpreté de ce débat dans le PS et la gauche toute entière.
Nous avons ainsi apporté la preuve qu’une fusion au deuxième tour, sur la base de l’indépendance politique complète, est une aide à la mobilisation et à la défense de la population. Ce que démontre l’exemple de la mobilisation contre l’incinérateur, mais qui pourrait être aussi
illustré par les luttes victorieuses que nous avons menées contre la remise en cause de l’admission des enfants les plus défavorisés dans les cantines scolaires, et contre la destruction d’un quartier d’immigrés
avec relogement aléatoire.
G. B. et A. L.