Une candidate parisienne de la Ligue aux élections régionales

, par DEMARCQ Sandra

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Sandra Demarcq a 32 ans. Elle est grande, brune, les cheveux courts.
Elle travaille depuis 5 ans comme formatrice sur un plateau de téléopérateurs, à Boulogne. Sandra vit dans le XVIIIe arrondissement de Paris, après avoir longtemps habité dans le XIIIe.

« J’ai eu la chance d’avoir des parents communistes »

Je milite depuis bébé ! J’ai eu la chance d’avoir des parents communistes, et même des grands parents communistes... Mon père est d’une famille basque espagnole, déjà engagée dans la CGT espagnole et le parti communiste. Ma mère a épousé la cause communiste avec mon père, mais elle venait d’une famille bourgeoise du pays basque français.
Avec mon frère, on suivait mes parents partout. À 13 ans je suis rentrée aux jeunesses communistes. Mais j’en ai été virée à 15-16 ans : je posais des questions qu’il ne fallait pas poser... À propos de l’Afghanistan... Du stalinisme… Et avec des amis nous faisions des réunions secrètes et nous lisions des livres « interdits », comme ceux de Trotski... Du coup on nous a fait partir en nous traitant d’« anti-communistes primaires ».
J’ai été carrément dégoûtée. Du coup j’ai fait un gros break de 10 ans pendant lesquels je ne me suis pas engagée en politique.
J’étais quand même active : j’étais engagée dans le syndicalisme déjà au lycée, pour le mouvement de 1986 on a fait une grève collective. Je suis devenue membre du collectif Sans-Papier sur Paris. À la fac je militais dans le syndicat UNEF-SE. Mais là encore j’ai été traitée d’anticommuniste primaire !
J’ai fait un DEA sur l’histoire du mouvement ouvrier. Et puis j’ai loupé mon agrég d’histoire à l’oral, mais je n’ai pas eu envie de la représenter. Je suis rentrée dans ma boîte un peu par hasard. Au début je n’y travaillais que 24 heures par semaines. Mais en 6 mois on avait monté le syndicat, et je ne pouvais donc plus imaginer de partir.

« J’ai sauté le pas... Et je n’ai jamais caché mon engagement »

Mon premier contact avec La Ligue s’est fait via l’UNEF, en 90-91. mais à l’époque je ne me sentais pas prête , j’étais encore assez dégouté de mon expérience des jeunesses communistes. Et puis la Ligue était hostile à toute forme d’alliance avec d’autres organisations de l’extrême gauche, ce qui n’était pas dans mes idées.
Ce n’est qu’en 1999 que j’y suis revenue, avec les Européennes. Ce n’est qu’à ce moment-là que je me suis sentie prête à militer. J’avais fini de monter le syndicat dans mon entreprise, [le syndicat SUD, que Sandra a monté, est désormais le syndicat majoritaire de son entreprise, ndlr] et j’ai réalisé que le syndicalisme c’était bien, mais pas suffisant.
J’ai hésité entre LO et la Ligue. La Ligue me convient en fait parfaitement. C’est lors du dernier meeting des Européennes que j’ai enfin décidé. C’est Alain [Krivine, ndlr] qui m’a convaincue. La Ligue est en effet beaucoup plus ouverte, même si les deux organisations sont parallèles, et partagent souvent la même analyse. Mais la Ligue est plus large sur tous les problèmes concrets et actuels, comme la lutte pour les Femmes, l’antimondialisme, la lutte contre le racisme. Et puis l’aspect positif de la Ligue, c’est son fonctionnement démocratique.
Quand j’ai franchi le pas, c’est parce que je me sentais prête, mais c’est aussi parce que la Ligue elle-même avait évolué. Politiquement, il y a eu un tournant en 1998. Elle n’a plus appelé à voter pour la gauche dans son ensemble, elle est devenue plus critique vis-à-vis du PS.
Moi je suis rentrée à la ligue par la TR, la Tendance Révolutionnaire. L’idée de ce courant, c’était de faire des alliances politiques avec d’autres organisations de l’extrême gauche ; de développer une analyse très critique de la Gauche, PC, PS et verts (Le PS a trahi, je lui en veux beaucoup, avec d’autant plus d’amertume qu’avant 99 je votais souvent pour eux...) ; et de privilégier une implication dans les entreprises. Aujourd’hui la TR n’existe plus, elle s’est dissoute lors du congrès de 2000 pour rentrer dans la majorité.
On est présent dans les entreprises à travers le syndicalisme, mais aussi par la distribution de feuilles de branche ou de feuilles de boîtes. Il y a aussi la diffusion de lettres, Le courrier Rouge dans La Poste, et Le fil Rouge dans les télécommunications.

Prendre le pouvoir par les urnes ne suffit pas

C’est un tout le militantisme. C’est pas ma vie, mais ça fait partie intégrante de ma personnalité. Ça m’a aidé à devenir ce que je suis. Je suis totalement épanouie dans le militantisme syndical et politique. Tu te bats pour tes idées. Mon engagement est une véritable foi, j’y crois complètement. Je crois dans la possibilité d’une autre forme de société.
Mais je ne crois pas à la prise de pouvoir par les urnes. Les élections, c’est utile pour faire passer nos idées à une large partie de la population. Mais je pense que le capitalisme ne sera pas renversé via les élections.
J’étais suppléante d’Olivier [Besancenot, ndlr] pour les législatives. Mais je n’étais pas sur les listes pour les municipales.
Concrètement, quand tu milites pour ton organisation, il y a des critères pour être candidat. Et il se trouve que je cumule tous les critères : jeune, femme, et je travaille dans le privé ! Il n’y a pas assez de copines, on cherche les femmes.
Il y a des moments de découragement. Notamment les batailles en interne, souvent entre deux générations, les anciens et les jeunes. On n’a pas eu la même formation, et du coup on n’a pas toujours les mêmes idées. La première génération de la Ligue, ils avaient vécu 68. La deuxième génération, elle arrive 30 ans plus tard.
Mais il y a aussi des grandes joies. Comme la possibilité de s’exprimer. Ce que je recherche c’est de développer mes idées, sur mon lieu de travail ou auprès de sympathisants. Et le plus grand bonheur c’est quand j’amène des militants aux congrès. Mais mon but ce n’est pas d’être une élue politique. Je ne peux pas imaginer la politique comme un métier parce que je refuse d’être payée pour faire de la politique. Je pense même qu’il faut lutter contre cette pratique.

Garder un pied dans « la vraie vie »

J’essaie d’avoir des amis qui ne soient pas du tout militants, ni syndicalistes. C’est pour rester dans la vraie vie. D’abord ça fait un bien fou, c’est un bol d’air frais. Et puis les vrais gens ça me permet de discuter réellement de leurs problèmes et de voir également que nos idées sont malheureusement pas toutes comprises. Mais en réalité on reste beaucoup entre nous, c’est une question de temps, le militantisme ça prend du temps, et encore, je dors très peu, c’est une chance. J’ai des journées de dingue, je commence à 8h et je termine rarement avant 11h du soir. Mais le fait de voir peu de gens « extérieurs », c’est un petit regret.

Pour citer cet article

Sandra Demarcq, « Une candidate parisienne de la Ligue aux élections régionales ».

Source

Quatre jeunes candidats dans la course aux régionales, « Sandra Demarcq candidate de la LCR », mars 2004. URL : http://jeunesencampagne.free.fr/LCR.htm

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