Bilan de la révolte et de la politique de la gauche

, par KATZ Claudio

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Le contraste entre la rébellion sociale et le vote en faveur des conservateurs constitue la donnée la plus significative de l’élection présidentielle du 27 avril 2003. Dans le pays des piquets et des casseroles, les partis traditionnels ont une nouvelle fois capturé le gros des suffrages et sont parvenus à neutraliser, pour le moment au moins, la grande exigence de la révolte populaire : « Que tous s’en aillent ! » [1]
Cette fracture entre les assemblées et les charivaris, d’une part, et le résultat électoral de l’autre, a provoqué des réactions symétriques. Certains analystes ont conclu à la fin de la rébellion, alors que d’autres estiment qu’elle resurgira, une fois terminé « l’épisode électoral ». Les deux visions paraissent oublier que la contradiction entre la lutte sociale intense et la faible mobilité politique n’est pas nouvelle en Argentine. L’histoire des mouvements populaires est marquée par ce conflit, qui émerge aujourd’hui dans de nouvelles conditions.

Comment domine la classe dominante

De nombreuses analyses de l’élection prétendent déchiffrer « le message envoyé par la société », en omettant les trois grandes limites qui l’ont encadré.
La première limite est intrinsèque au régime actuel et se fonde sur le pouvoir économique des capitalistes, qui contrôlent les piliers du système politique, structurés autour des appareils des partis et des moyens de communication. Ce manège opère de manière grossière à travers les caciques régionaux — qui achètent les votes et manient les subsides — et de manière plus subtile à travers le marketing politique, qui vend des images, ravive les nostalgies et ressuscite les mythes.
La seconde limite est imposée par les créanciers du Fonds monétaire international (FMI), qui conditionnent le vote par un cadre de catastrophe sociale et de paupérisation massive, en réduisant de manière dramatique les options proposées. La concurrence entre les présidentiables se dissout ainsi dans la question : Qui sera l’artisan du prochain ajustement ? Les principales décisions ne sortent pas des urnes, mais sont imposées depuis Washington, relayé par le ministère de l’économie, avant ou après le vote.
La troisième limite a été spécifique à ces élections, organisées en violation de toutes les règles constitutionnelles. Le gouvernement a décidé arbitrairement de leur date, a empêché le renouvellement de tous les mandats et a monté une chronologie de dépôt de candidatures, d’échéances et de législations adaptées aux convenances de chaque gouverneur justicialiste [2]. C’est pourquoi la menace de la répétition de la fraude — enregistrée lors des élections de Catamarca et de l’élection présidentielle précédente — a plané jusqu’au dernier moment sur le processus électoral.
Analyser ce qui c’est passé le 27 avril sans prendre en compte ces limites conduit à caractériser le résultat de manière arbitraire, en fonction des préjugés en vogue. Tant ceux qui se sont félicité de la « sagesse retrouvée de la société », que ceux qui regrettent la « vocation masochiste » des citoyens, oublient que l’exercice réel de la souveraineté populaire a été une nouvelle fois dénaturé par les mécanismes de la domination capitaliste.

La reconstruction de l’État

Ces dispositifs de contrôle — sérieusement menacés par la révolte des 19 et 20 décembre 2001 — ont a nouveau opéré pleinement le 27 avril 2003. Le résultat électoral s’explique par cette reconstruction, qui a commencé par l’ajournement des élections après le massacre de Avellaneda [3]. Duhalde a réduit la tension sociale en instituant des plans de subsistance pour les chômeurs, a désactivé le corralito [4] en confisquant l’épargne de ceux qui n’avaient pas de protection (et en compensant les pertes des classes moyennes aisées) et a orchestré une répression sélective pour affaiblir l’avant-garde de la rébellion.
Le justicialisme a une grande expérience dans cette tâche de reconstruction de l’État (retour de Perón en 1972, sortie de l’hyperinflation en 1989, remplacement de De la Rúa en 2001) et c’est pourquoi la classe dominante lui a confié l’exercice du gouvernement. Si le Parti justicialiste (PJ) a perdu son rôle dirigeant, sa cohésion et son enracinement populaire, il a préservé un appareil jusqu’à maintenant irremplaçable pour la gestion de l’État, fondé sur les caudillos locaux. Duhalde a reçu les éloges unanimes des capitalistes, parce qu’il est parvenu à tempérer la remise en question populaire des présidents fraudeurs, des législateurs illégitimes et des juges corrompus.
Cette reconstruction partielle de l’autorité de l’État a été possible du fait de l’hégémonie que préservent encore, d’une part le justicialisme sur les travailleurs et les chômeurs, et d’autre part le radicalisme sur les classes moyennes. Un ligotage politique du peuple se maintient au travers des mêmes fonctionnaires qui ont été répudiés par les manifestations. Ce paradoxe est une contradiction dont les racines sont politiques et qui ne peut être expliqué en termes de schizophrénie psychologique.
Le gros de la population mobilisée ne s’est pas dégagé de l’horizon capitaliste incarné par le PJ et les variantes de l’Union civique radicale [5], ne parvenant pas à concevoir une rupture avec le régime social qui l’opprime. C’est pourquoi, lorsqu’ils sanctionnent par leur vote les responsables d’une débâcle, ils s’inclinent en faveur des responsables de la débâcle précédente. Si cette alternance s’est à plusieurs reprises fissurée, le mécanisme n’a jamais été définitivement cassé. Les capitalistes dominent dans le monde entier au moyen de fausses polarisations, mais ce qui est frappant en Argentine, c’est la capacité de survie de ce mécanisme après tant de crises sociales et de défaites politiques. La différenciation fictive continue à fonctionner, les scènes d’insultes se répètent avant chaque élection et sont suivies après par les embrassades entre les prétendus ennemis farouches et par les accords garantissant l’impunité des gestionnaires écartés.
Il est certain que ce bipartisme a cette fois-ci subi une fracture. Pour la première fois le péronisme s’est présenté divisé lors d’une élection présidentielle et le sigle de l’UCR a pratiquement disparu. Mais les cinq candidats qui ont occupé le devant de la scène électorale ne représentent qu’une autre forme des mêmes vieilles polarisations fictives. Et les bases sociales de chaque écurie n’ont pas été modifiées : les classes moyennes aisées ont voté en faveur de Lopez Murphy et de Menem, les classes moyennes basses et les travailleurs urbains en faveur de Carrió et de Kirchner [6], et les segments les plus pauvres de l’intérieur en faveur de Menem et de Rodríguez Saá [7].

Le troisième moment de la rébellion

Alors, il ne se serait rien passé lors de l’Argentinazo ? L’extraordinaire révolte populaire s’est-elle dissipée sans laisser de traces ? En réalité, les transformations générées par le soulèvement suivent leurs cours, mais à un rythme déconnecté du calendrier électoral. Cette déconnexion n’est pas nouvelle, c’est même le modèle fréquent de nombreux soulèvements, auxquels a succédé un climat de « restauration de l’ordre » paraissant diluer l’effervescence précédente. Alors que les effets politiques du soulèvement sont assimilés par la conscience populaire, les phases de stabilité gouvernementale subsistent et cachent la continuité plus souterraine du mouvement. Nous assistons actuellement à l’essoufflement du troisième moment de la rébellion commencée en décembre 2001.
Le premier moment de cette lutte a été marqué par l’échec de l’état de siège et l’irruption des assemblées populaires, par les cacerolazos [8] et les marches de la jeunesse. Le second moment fut marqué par la réaction populaire après les assassinats de Kostecki et de Santillán [9] et a abouti à un record de 17 000 manifestations en un an et à 47 actions de rue par jour, qui ont imposé de fait le droit des piqueteros [10] de couper les routes.
Le troisième moment de la révolte se développe depuis le début du printemps 2003 et est caractérisé par une contre-offensive répressive du gouvernement, qui prétend frapper à la tête le mouvement piquetero, effrayer les assemblées et déloger les travailleurs des entreprises occupées. Mais cette agression doit faire face à une dure résistance populaire et son dénouement n’est pas encore prévisible. Il est par contre notable que la classe dominante a réussi à empêcher que ce lien social ne trouve une expression électorale et les porte-parole de la réaction se sont réjouis de ce succès.

La déroute de la droite

Obnubilée par sa haine de classe, la droite ignore totalement les effets du soulèvement. Elle s’est tranquillisée en se déclarant satisfaite par la « sagesse » d’une « société qui a appris à se préserver » (La Nación). Elle tente d’oublier de cette manière la panique qu’elle exhibait l’an dernier. Mais les Grondona, Botana et Escribano [11] se hâtent trop en fêtant la victoire. Ce n’est pas la première fois qu’ils enterrent une révolte en plein développement, car leur capacité de comprendre ce processus est nulle. Comme ils ne connaissent la lutte sociale que par ce qu’en montre la télévision, ils ne peuvent même pas imaginer l’évolution de l’esprit populaire.
Certains analystes évoquent également « un tournant à droite » sans remarquer que le « vote méfiant » du 27 avril n’a pas introduit de changements significatifs de la carte électorale. Lopez Murphy a capturé une nouvelle fois le vote droitier, qui soutenait traditionnellement les Alsogaray et les Cavallo, mais il n’est pas parvenu à canaliser le même niveau de radicalité réactionnaire. Au lieu de faire appel à l’armée, la droite pondère la démocratie et au lieu de dédaigner les « sales gueules », elle promet de réduire la pauvreté. La droite ne convoque plus ses troupes pour applaudir les privatisations et va jusqu’à appeler des intellectuels pittoresques du vieux progressisme pour colorer ses messages.
Mais aucune de ces manœuvres n’est parvenue à faire dépasser l’isolement social de la droite ni son incapacité congénitale de gouverner sans le soutien du quartier général des militaires, justicialistes ou radicaux. Cette impotence a été aggravée par deux facteurs : la difficulté de la classe dominante pour employer les vieilles solutions putschistes (après l’héritage désastreux laissé par la dernière dictature) et la dissolution de la forte animosité qui opposait traditionnellement la classe moyenne aux travailleurs. A la différence du Venezuela, la droite ne dispose pas de soutien social pour entamer une croisade pro-impérialiste. Voilà pourquoi l’élite capitaliste — qui pense en termes de gouvernabilité — a préféré Menem à Lopez Murphy.

Une carte électorale figée

La défaite de l’establishment telle qu’elle apparaît à la lumière des résultats électoraux est une impression conjoncturelle, parce que la recomposition du régime n’est que partielle. La classe dominante n’a pas réussi à s’unir avant l’élection autour d’un parti, d’un chef ou d’un projet commun, comme ce fut le cas dans les années 1980 et 1990. Le nouveau président, issu d’un ballottage inachevé entre deux candidats justicialistes, débute avec une faible légitimité.
L’espoir d’équilibrer le fonctionnement du régime actuel par une fragmentation de la mosaïque politique en 5 ou 6 fractions est illusoire, car pour appliquer le prochain ajustement la classe dominante a besoin de reconstruire un pouvoir fort et non un réseau de conglomérats parlementaires. D’autre part, cette fragmentation ne rend nullement « transparente » la vie politique, car les décisions significatives continuent à être adoptées au travers des tractations secrètes entre l’exécutif et les cercles partidaires ayant accès au pouvoir réel.
Mais la principale faiblesse du nouveau gouvernement c’est sa faible assise populaire. Si la participation électorale a été très élevée au premier tour de l’élection présidentielle et si elle aurait pu être aussi élevée lors du second tour, tous les sondages coïncident pour indiquer qu’une apathie à l’égard du système et un rejet de ses représentants se maintiennent. Aucun des politiciens du régime n’est parvenu à susciter l’enthousiasme dont avaient bénéficiés, lors de leur élection, les présidents Alfonsín ou Menem, ni même l’acceptation prudente qui avait accompagnée l’élection de De la Rúa à ses débuts. C’est pourquoi le vote a été si incertain et que les électeurs se sont plus orientés en fonction de la nostalgie d’un passé idéalisé qu’en fonction des espoirs d’avenir.
La réapparition de Menem a suscité les interprétations les plus variées. Certains l’ont attribuée à la nostalgie de la classe moyenne pour la convertibilité, d’autres à l’aspiration populaire d’une figure protectrice et beaucoup aux goût des Argentins pour la transgression. Les critiques attribuent par contre la résurgence du baratin ménémiste au « petit fasciste qui dort dans chacun ». Toutes ces hypothèses reposent sur la conviction que la libre élection citoyenne se caractérise en fin de compte par l’émergence de la stupidité, de la fierté et du masochisme. Elles omettent de remarquer que la renaissance de Menem constitue un complément de la restauration du régime incarné par son adversaire Duhalde. Dès que l’exigence de « les expulser tous » fut contenue, le scénario du « retour de tous les précédents » s’est mis en place.
Le retour de Menem est cependant difficile (tant sur le plan électoral qu’à la suite d’un éventuel échec du gouvernement Kirchner), car son crédit est érodé, y compris parmi ses partisans. La confusion est si grande dans ce domaine que, selon les sondages, beaucoup de ceux qui avaient choisi Menem l’ont fait « pour mettre fin à la corruption ». Ces inconsistances s’étendent également à l’électorat de Rodríguez Saá, qui a capté les votes nostalgiques du vieux péronisme que l’actuelle génération ne connaît pas réellement. Que ce résidu du passé resurgisse à chaque élection est une donnée anecdotique ou un aspect du folklore patriotique que doivent périodiquement exhiber ceux qui soumettent le pays.

Les fictions du centre-gauche

Le centre-gauche a été le principal soutien de l’opération de reconstruction étatique. Il a constitué un « espace progressiste » avec Duhalde, Lavagna, Carrió et la direction de la Centrale des travailleurs argentins [12] qui s’est concrétisé dans leur soutien commun à Kirchner dans la perspective du second tour.
Pour la énième fois, les « rénovateurs » du péronisme et les « transformateurs » du radicalisme ont eu recours à l’argument du « moindre mal » pour étayer un régime qui paupérise la population. Ils ont gonflé le fantôme de Menem pour donner plus de crédit au chantage du « vote utile », recourant une nouvelle fois au soutien accordé à ceux qui détruisent le pays au nom du danger d’une destruction plus grande encore. Cette même justification les avait déjà conduit à voter en faveur d’Alfonsín contre Luder en 1983, de Menem contre Angeloz en 1989 et de De la Rúa contre Duhalde en 1999. Ce même critère les a poussés à engager leur responsabilité dans les politiques de paupérisation et de chômage avec l’appui accordé à Machinea contre Cavallo, à Cavallo contre Lopez Murphy, à Remes contre Pou etc., etc. [13]
C’est encore ce qu’ils ont réitéré cette fois-ci, en avalisant Duhalde-Kirchner contre Menem. Ils oublient simplement qu’il s’agit là d’un réalignement de plus dans le camp du justicialisme. De même que Duhalde a été vice-président de Menem (et donc co-responsable de l’héritage des années 1990), le ménémiste Scioli sera le vice-président de Kirchner, suivi par toute la gamme des ex-ministres et gouverneurs qui changent d’allégeance lorsque l’occasion l’exige.
La prétention « rénovatrice » qui a accompagnée l’ascension de Kirchner est d’autant plus grotesque que toutes les « têtes nouvelles » qui soutiennent l’agent méridional de Repsol-YPF [14] font partie du réseau mafieux des caudillos du Parti justicialiste.

Faux dilemmes et modèles

Le progressisme soutien Kirchner avec deux arguments : éviter l’escalade de la répression que préconise Menem et renforcer le « modèle économique productiviste » contre le néolibéralisme.
L’appel à mettre en échec le « Le Pen argentin » n’est possible qu’à la condition de ne retenir que ce que dit Menem et d’occulter ce que fait Duhalde. En alertant contre l’intervention de l’armée que voudrait Menem, on dissimule la politique du bâton mise en œuvre par le président Duhalde avec l’approbation de son candidat. C’est Duhalde qui est l’instigateur du massacre de Avellaneda et de la répression de Brukman [15]. L’action des commissaires fascistes et des juges issus de la dictature contre les ouvriers de l’usine autogérée ne serait-elle pas l’anticipation du « moindre mal » préconisé par les anti-ménémistes ?
Il convient de rappeler que lorsque les quelques progressistes arrivent dans les ministères, ils ne tardent pas à lancer un appel terrorisé aux forces de la répression pour que ces dernières les protègent du premier soulèvement populaire [16]. Storani a débuté sa carrière dans le gouvernement de l’Alliance avec les morts de Corrientes. De la Rúa s’est enfuis du gouvernement avec un bilan d’assassinats sur la Place de Mai qui dépasse de très loin celui de la décennie ménémiste. Justifier le soutien à Kirchner en affirmant « entre la vie et la mort le doute n’est pas permis » (D’Elia, dirigeant piquetero de la CTA) relève du faux dilemme, car les assassins sont les compagnons de routes des deux protagonistes. C’est du cours de la lutte des classes que dépendra si les Menem et les Kirchner auront recours à la répression.
Le prétendu « affrontement entre deux modèles économiques », mis en avant par les progressistes, relève d’une fiction encore plus grossière. Cette opposition a été soigneusement préparée par une année d’éloges de celui qui porte la responsabilité de la paupérisation, du chômage et de l’indigence. Lavagna n’a jamais appliqué un quelconque programme keynésien de relance, mais il jouit d’un « état de grâce » du fait de son habileté politique et de la complicité de ses courtisans. Comme il attribue tous les malheurs du pays à « l’héritage », il passe pour exempté de l’hécatombe provoquée par le modèle qu’il a appliqué et de la dévaluation qu’il a acceptée. L’artisan du prétendu « modèle productiviste » a pourtant organisé un sauvetage sans précédent des banquiers en puisant dans le trésor public et a appliqué durant plus d’un an une « politique nationale » fondée sur le transfert de millions de dollars aux créanciers du FMI.
L’image industrialiste dont se drape Lavagna vise à souligner les désaccords limités qui le séparent de son adversaire. Les véritables divergences entre les deux tenants du néolibéralisme sont en réalité moins grandes que celles qui existent au sein des deux équipes économiques. Tout comme Lavagna, Melconian parle devant les journalistes du « capitalisme progressiste » et ne promet nullement le retour à un taux de change fixe avec le dollar. Il n’est même pas sûr qu’il diverge d’avec son rival sur le projet états-unien de la Zone de libre échange des Amériques (ZLÉA) et sur le Mercosur.
Le cycle économique arrive actuellement à un point d’inflexion, une reprise semblant succéder à la dépression, comme c’est généralement le cas lors de grands effondrements. Dans ce nouveau cadre, les deux exécuteurs potentiels du prochain ajustement défendent la même stratégie exportatrice, fondée sur les bas salaires et le maintien de la misère, avec les encouragement du gros de la classe capitaliste. C’est pourquoi l’establishment ne s’est pas engagé et maintient des liens avec les deux protagonistes sans manifester clairement ses préférences. Une reprise fondée sur l’augmentation des revenus populaires est un programme que ni Melconian, ni Lavagna n’envisagent. Les deux ministrables se consacrent à la préparation des attaques sociales qu’ils comptent mettre en œuvre pour négocier avec les créanciers la reprise du payement des intérêts de la dette.
Le centre-gauche de l’ARI, qui soutient Lavagna, se console en regardant le résultat électoral acceptable de sa candidate et envisage d’appuyer « tactiquement » Kirchner, pour « gagner du temps », « accumuler des forces » et « tisser des alliances nécessaires pour un projet progressiste ». Mais tout en proclamant cet objectif, il poursuit avec obstination le chemin de frustrations du précédent gouvernement de l’Alliance. De cette expérience, Carrió a déduit qu’il est nécessaire d’anticiper une droitisation et a choisi pour partenaire un homme (Guiterrez) qui n’hésite pas à agresser verbalement les piqueteros et les mobilisations populaires.
Les porte-parole de l’ARI rêvent de la construction du « futur PT argentin », mais ce faisant, ils ont en tête l’exemple actuel de Lula, le président de la République qui met en œuvre les préceptes du FMI, et non le Lula organisateur des travailleurs et constructeur du Parti des travailleurs au Brésil. Voulant « étayer le pays normal », ils facilitent la mise en place d’un gouvernement réactionnaire et se préparent à s’en distancier lors de la prévisible « trahison » du nouveau président. Ainsi le film de la jeunesse péroniste avec Perón, de la jeunesse radicale avec Alfonsín, de Chacho Alvarez avec Menem et de Carrió avec l’Alliance est rejoué une fois encore [17]. Se cogner la tête contre le même mur relève de l’insoutenable destin du progressisme argentin.

Le profil de la gauche

Dans le contexte des difficultés existantes pour transformer la révolte sociale en un projet politique populaire, on note une petite progression de la gauche. La gauche, par son attitude courageuse dans la lutte, a conquis une place importante dans le mouvement social. A la différence du centre-gauche, qui disparaissait, arrivait en retard ou se dissimulait lors des moments critiques de la confrontation, la gauche était présente dans les blocages des routes, les usines occupées et les manifestations. Lors des affrontements, quand il fallait payer de sa personne, les dirigeants et les militants de la gauche n’hésitaient pas.
Le contraste entre cette attitude et celle de fuite des dirigeants de la CTA s’est encore approfondi après les 19-20 décembre 2001. L’usine Brukman n’est que le dernier exemple de cette différenciation. L’attitude précautionneuse de la direction de la CTA envers la lutte est conforme avec son choix en faveur de Kirchner à l’issue du premier tour de la présidentielle. Ce faisant, la centrale syndicale s’oriente vers un retour dans le giron péroniste et converge avec les bureaucrates des deux CGT dans le soutien au successeur choisi par Duhalde. L’appel de toute la gauche pour un vote blanc en cas de second tour de la présidentielle contraste clairement avec cette attitude. Il s’agit aussi d’une attitude commune qui tranche avec les expériences passées, lorsque les diverses ailes de la gauche n’hésitaient pas à promouvoir des « fronts nationaux et populaires » avec les Kirchner du moment. De telles tendances sont très minoritaires aujourd’hui. Le discours habituel de la gauche conteste, en outre, tout le système capitaliste et non ses seules modalités de gestion néolibérale. Cette position radicale, peu fréquente en Amérique latine, constitue un autre mérite des organisations argentines.
La croissance de la gauche est apparente dans le mouvement piquetero, syndical, étudiant et dans les assemblées des quartiers. Sa présence est palpable dans toutes les grandes manifestations. Pour la première fois depuis des décennies la gauche a atteint une « densité sociale » et non seulement des sièges parlementaires ou un leadership provisoire au sein d’une avant-garde. Cette pénétration sociale exprime l’affaiblissement des préjugés antisocialistes, le développement de l’esprit anti-impérialiste (très présent dans le refus de la guerre contre l’Irak) et un certain progrès de la conscience anticapitaliste. Lorsque les analystes de droite de La Nación interprètent le vote du 27 avril comme « une réaction contre les manifestants de la gauche », ils reconnaissent à leur corps défendant le poids d’un courant qu’ils pouvaient se permettre d’ignorer jusqu’à maintenant.
Cette influence a été également enregistrée par les porte-parole du progressisme. Si leurs critiques du « sectarisme » et du « dogmatisme » de la gauche ressemblent aux objections formulées par beaucoup de secteurs, dans leur cas ce questionnement a un objectif bien défini : permettre une nouvelle fois la dissolution de la gauche au sein des alliances bourgeoises. Les critiques des « scénarios virtuels » (J. C. Portantiero), des « dogmes religieux » (J. M. Pasquín Durán), des « luttes narcissiques » (L. Brushtein) ou des « musées paléolithiques » (H. Verbistky) lancées contre la gauche, signalent la volonté de voir resurgir un nouveau FREPASO. Pour les critiques du centre-gauche, « la largeur d’esprit et la flexibilité » sont synonymes du soutien à Kirchner et de la remise à flot de l’Alliance sous la direction, cette fois-ci, d’Elisa Carrió. D’autres critiques du même camp ressuscitent le langage maccarthyste (D’Elia, dirigeant piquetero de la CTA) et tous voient dans la gauche l’unique responsable du recul des assemblées de quartiers. Mais les critiques ne se rendent pas compte que cette accusation contredit le caractère insignifiant dont ils affublent les partis critiqués. Si la gauche est si insignifiante, comment, à elle seule, pourrait-elle affaiblir le mouvement social ? Et comment est-ce possible que la majorité de centre-gauche n’ait pas pu opposer une résistance efficace aux actions si nuisibles qu’elle dénonce ?
En réalité, le prêche à la mode contre les « appareils » suit une orientation curieusement inégale. Toute manipulation orchestrée par l’ARI ou la CTA est présentée comme une action légitime d’une organisation sociale, mais lorsque des militants de la gauche sont impliqués, elle est automatiquement diabolisée. Ce qui contrarie le plus le progressisme, c’est la dissolution du stéréotype adoubant la nation argentine d’une identité invariablement antisocialiste.
Le réel progrès de la gauche a toutefois manqué d’expression électorale le 27 avril. Tant l’appel à l’abstention que celui à voter en faveur des deux courants qui ont présenté des candidats (Gauche unie et Parti ouvrier) ont été peu suivis. Cette déconnexion entre l’avancée politique et la frustration électorale est le fruit du succès de l’opération gouvernementale de reconstruction de la domination capitaliste. Duhalde est parvenu a transformer le « vote coup de gueule » en « vote utile » et à dissuader les votes positifs que la gauche pouvait espérer.
Il faut également prendre en compte que l’élection présidentielle est particulièrement défavorable pour la gauche, qui généralement y perd des voix obtenus lors des élections législatives. Le poids des mythes et des croyances y est plus grand en ce qui concerne les messages programmatiques.
Cela dit, on doit se garder d’accorder une indulgence particulière au bilan de la gauche ni occulter les très grandes difficultés sur le chemin de la construction d’une gauche de masse et crédible. De nombreux intellectuels font des incursions à distance dans ce débat. Depuis leurs chaires pontificales, ils questionnent « les conflits fractionnels », « l’impatience fébrile », « les attitudes dogmatiques » et les « slogans préhistoriques » de la gauche, comme si ces défauts étaient étrangers à leur propre activité et pouvaient être corrigés par un simple sermon. Cette prise de distance cyclique, à l’image du désengagement (« ce pays est péroniste, croit en Dieu et se soumet aux vigiles »), s’avère contre productive pour dépasser les écueils qui bloquent la construction de la gauche. Ces difficultés se concentrent actuellement autour de trois questions : l’abstention électorale, l’unité et la caractérisation de l’étape actuelle.

Abstention tactique

Reconnaître le recul observé sur le terrain électoral est indispensable pour avancer dans l’analyse. Le vote blanc est tombé à un niveau jamais vu lors d’une présidentielle depuis 1946 (0,99 %), le taux de participation enregistré a été élevé et le vote nul (1,73 %) a été insignifiant en comparaison avec le « vote coup de gueule » de 2001.
Nier ces faits en affirmant que « 22 % des inscrits n’ont pas voté » (comme le fait le mouvement des chômeurs MTD) manque de sens, car il est évident que cet « abstentionnisme technique » n’a pas la signification du rejet du vote d’il y a deux ans. Constater que ce type de vote nul a été supérieur aux suffrages reçus par Menem (J. C. Alderete) est plus trompeur encore, car on accorde à la première désertion une signification politique qu’elle n’a pas. Comparer les grandeurs incomparables est aussi inutile qu’omettre les millions de voix qui ne se sont pas portés sur le ménémisme.
Exiger le « débat » et la « révision » de ce qui s’est passé n’est positif que si l’on reconnaît cette réalité et si l’on garde à l’esprit que la réflexion ne peut se limiter au seul résultat électoral. Le bilan doit aussi dépasser la description (« la classe dominante a pu s’imposer ») et se garder de vouloir remplacer la caractérisation du présent par la prévision des crises futures. En avertissant, par exemple, que « les illusions vont tomber » ou que « la confrontation arrive », on n’éclaire nullement ce qui s’est passé. En outre, le fait que « la crise s’approfondit » n’implique nullement que le débouché sera favorable au peuple si nous ne parvenons pas à corriger les faiblesses de notre gauche. C’est pourquoi il n’est pas non plus utile d’éluder la réflexion en rejetant la faute sur la classe moyenne (« une fois le corralito passé, ils nous oublient ») et en oubliant par là même que la sympathie des classes moyennes a empêché, jusqu’à maintenant, l’isolement du mouvement piquetero.
Le point de départ d’un bilan doit reconnaître que l’appel à l’abstention fut une erreur (16). S’il est certain que l’élection a été manipulée, elle n’a ressemblé d’aucune manière à la « fraude patriotique de 1930 » ni à « l’interdiction du péronisme » (PTS), parce qu’une élection manipulée n’équivaut nullement à une élection imposée. Ce n’est que dans ce dernier cas qu’une force politique significative est explicitement interdite, comme cela c’est passé durant des décennies dans le cas du justicialisme.
Personne ne met en cause le fait que la convocation de l’élection a été perçue par un large secteur de la population comme une escroquerie. Mais après quelques mois, il est devenu évident que cette attitude se décomposait, en partie parce qu’elle n’a pas trouvé de canal d’expression organisée. L’espoir de provoquer l’échec de l’opération gouvernementale — en imposant une autre convocation incluant le renouvellement de toutes les charges électives — n’était plus d’actualité à la fin de l’année passée. Les arguments abstentionnistes — qui ne sont justifiés que lorsque l’opposition semble être en condition de faire apparaître une option supérieure du conflit électoral — ont alors perdu leur force. Si le terrain électoral favorise les partis de classe capitaliste, son abandon laisse le terrain libre aux représentants de la bourgeoisie.
Pour rejeter le terrain électoral il faut disposer d’instances de pouvoir alternatives, qui en Argentine ne se sont pas développées. En l’absence d’une telle option, l’abstention signifie seulement un renoncement au combat et conduit à identifier la gauche avec l’impotence. Les proposition de « vote programmatique » sont encore plus énigmatiques pour la population, qui regarde comment la gauche est capable de lutter contre les partis patronaux et non comment elle bavarde au sujet d’alternatives. Si la gauche ne participe pas aux élections elle se prive aussi d’évaluer quelle est la perception de ses messages et ne peut corriger ce qu’ils comportent d’incompréhensible ou d’inadéquat. C’est pourquoi, malgré toutes ses limites, le cadre électoral est plus efficace pour la politisation du peuple que la critique de ce cadre.
Tous ces inconvénients de l’abstentionnisme ont été de fait reconnus par les partis, qui finalement se sont résolus à tourner le dos à la présidentielle mais ont fait le choix de se présenter aux élections provinciales. Cette incohérence s’est avérée incompréhensible pour la population, qui a du mal à différencier les pièges acceptables dans un cadre de ceux « intolérables » dans l’autre. Il suffit par exemple de rappeler que dans l’élection la plus favorable à la gauche (2001), deux députés de gauche élus ont été frauduleusement privés de leurs mandats, ce qui apparemment n’est pas considéré comme un piège suffisant pour appeler à l’abstention lors des prochaines législatives… Pour construire d’autres règles du jeu, il faut d’abord convaincre la majorité, qui a l’habitude de prendre part aux élections et qui craint par dessus tout les fantômes des « urnes bien gardées » de l’époque dictatoriale.

Abstention stratégique

Il existe un autre type de justification de l’abstention, qui ne se fonde pas sur l’analyse concrète de la dernière conjoncture électorale, mais sur la stratégie politique de la « construction en dehors du système ». Qu’une telle vision n’est pas synonyme d’une orientation révolutionnaire conséquente, la politique du PCR (maoïste) le prouve. Ces appels invariables au vote blanc coïncident depuis les deux dernières décennies avec les accords passés avec le péronisme et les politiques d’alliance avec D’Elia contre la gauche du mouvement piquetero.
L’abstentionnisme par principe est nourri de vieilles thèses anarchistes favorables à l’érection d’une société plus égalitaire par le développement d’organisations en dehors de l’État. Le problème des assemblées ou des coopératives qui suivent cette orientation est qu’à un moment donnée de leur développement elles sont confrontés à l’État. Le rêve de l’isolement se rompt à chaque fois qu’une négociation exige de reconnaître la réalité omniprésente de l’État.
Cette approche, dont les racines sont aussi autonomistes, tend à élargir la distance qui sépare le gros de la population de l’avant-garde éclairée. Au lieu de construire des ponts elle élève des murs, spécialement lorsqu’elle méprise les croyances de millions d’individus. Par exemple, l’organisation d’un « piratage électoral » pour se moquer de la « farce » du 27 avril a été un acte dédaigneux, tant envers la population qu’envers l’ennemi capitaliste, qui a pris très au sérieux l’opération de reconstruction de sa domination.
Il existe aussi l’impression erronée que la « citoyenneté insurgée » s’affirme uniquement dans l’action directe et qu’elle n’est que peu altérée par la « distraction » électorale. On oublie ici que l’expérience politique populaire passe par les deux terrains, car ceux qui combattent votent aussi et que cette participation n’invalide pas, ni même n’affaiblit pas nécessairement le combat mené dans les usines et les piquets. C’est pourquoi le défi pour la gauche ne consiste pas à déprécier la « déviation » électorale, mais à s’avérer capable de l’utiliser pour tenter de réduire la fracture qui existe entre les comportements de classe et le bas niveau de conscience politique dont de nombreux travailleurs font preuve.
Certains courants qui réclament le « vote pour personne » font aussi une lecture erronée de la signification des assemblées populaires. Ils tendent à les assimiler à des modèles de démocratie directe, dont l’expression permettrait de dépasser les défauts de l’actuel système représentatif. C’est pourquoi ils revendiquent cette forme de « contre-pouvoir » et tournent le dos aux élections. Une telle vision trace de manière incorrecte la ligne de séparation car, sous le capitalisme, aucune des deux modalités ne permet l’expression libre de la souveraineté populaire. Si le système indirect inclut tous les filtres dont la bourgeoisie a besoin pour dénaturer la volonté populaire, les modalités directes ne permettent pas non plus de transformer en faits les désires populaires parce que le pouvoir est dans les mains des capitalistes. La démocratie directe est en outre soumise à l’oscillation de la participation et ne peut, de ce fait, constituer l’unique mécanisme d’organisation d’un système de décisions fondé sur la souveraineté populaire.
Ce n’est que dans un cadre de dépassement du capitalisme et de dissolution progressive du rôle oppresseur de l’État que la démocratie directe et indirecte pourrait commencer à acquérir une véritable signification et un contenu réel. Le socialisme permettrait de mettre fin au système de séparation entre un pouvoir économique inamovible et des structures politiques qui recréent automatiquement la domination bourgeoise. Il n’y a pas de saut magique vers ce futur, qui exige une construction complexe incluant l’expérience du vote dans les élections actuelles et de mise à l’épreuve des législateurs de gauche, tant en ce qui concerne leur attitude envers la lutte que leur pratique spécifique.

Le problème de l’unité

Les organisations qui ont pris part à l’élection ont été d’accord pour évaluer que la Gauche unie (IU) a eu une activité acceptable (multipliant par deux le nombre des voix obtenus par rapport à la présidentielle précédente), que le Parti ouvrier (PO) n’est pas parvenu à avancer (obtenant un quart de voix de plus que lors de la précédente présidentielle) et que l’absence d’un front a été déterminante en ce qui concerne la faiblesse des résultats.
Les négociations en vue de forger un front ont été une répétition de la comédie d’embrouilles qui ressurgit tous les deux ans. IU propose généralement un accord avec une certaine anticipation, le PO temporise jusqu’au dernier moment et les négociations sont rompues dans un climat de reproches mutuels. Comme une telle situation se répète depuis vingt ans, il conviendrait d’en tirer une conclusion évidente : l’unité est nécessaire (et c’est pourquoi on en reparle), mais il n’est pas possible de trouver un accord au dernier moment. En constituant, par exemple, une liaison plus permanente entre toutes les organisations, il serait possible de discuter des mécanismes de choix des candidatures (des élections primaires, des assemblées, le calcul des suffrages obtenus antérieurement, etc.) qui rendent si difficile la constitution d’un front. Il ne faut pas traiter ce sujet de manière honteuse, ni dissimuler ce conflit, car il s’agit en fin de compte d’un conflit légitime de la vie politique. Ce n’est pas l’existence de telles divergences qui scandalise le plus les partisans de l’unité, mais leur camouflage par des divergences politiques inexistantes.
A cette occasion, par chance, tant les dirigeants d’IU que ceux de PO ont expliqué dans de multiples interviews publics qu’il n’y avait pas de véritables différences politiques. Un climat d’animosité moins grand que lors des élections précédentes (la préoccupation d’empêcher un vote en faveur de camarades semblait alors plus forte que celle de progresser en commun) et l’assimilation de la présidentielle à des « primaires de la gauche » constituait également un progrès.
Il serait regrettable que ces avancées se dissipent à la lumière du résultat et que l’emphase de la « différenciation » refasse surface. Cette possible régression s’insinue dans certains bilans de PO, qui attribuent la performance supérieure de IU à l’incompréhension populaire des différences entre les deux courants. Une telle conclusion est erronée, car à la suite de tant de présentations, les électeurs qui sympathisent avec la gauche connaissent déjà les candidats et ont écouté leurs messages. S’ils choisissent de voter en faveur de IU ce n’est pas par ignorance ou par incompréhension, mais parce que l’existence de cette coalition génère une attraction plus grande. Du fait du profil unitaire qu’ils peuvent afficher, ses membres reçoivent une plus grande approbation. Et ce profil peut être constaté à partir d’un fait simple : la préservation du cadre de l’accord entre deux partis malgré les divergences importantes qui les séparent. Comme ils parviennent à préserver leurs identités et le cadre commun, leur revendication unitaire s’avère plus crédible.
La clé d’une avancée collective de la gauche réside dans le rapprochement et non dans la séparation pour deux raisons évidentes. Premièrement, l’unité est un instrument — pour le moment incontournable — pour lutter contre le grand obstacle que représente l’influence durable que maintiennent le péronisme et les variantes du radicalisme sur les masses. Deuxièmement, à la différence d’autres époques, l’absence d’un front n’obéit pas à des raisons programmatiques, du moins si l’on observe ce que chaque courant expose publiquement dans sa propagande à destination des masses.
En recherchant dans un récent article l’existence des « tendances pro-impérialistes » dans IU et en concluant que ce regroupement est soutenu par « un secteur des banquiers », le PO se laisse aller à la dérive. L’erreur se situe autant dans l’accusation que dans l’absurdité de ses conséquences. Quel sens en effet peuvent avoir des propositions unitaires adressées à un groupement pro-impérialiste lié aux banques ? Si la main de Lopez Murphy et de Menem manipule IU, lui proposer des fronts électoraux était un contresens dans le passé et n’aura pas de fondements dans l’avenir. En outre, il est évident que des réflexions de ce genre sont un obstacle à la création d’un cadre propice pour un travail en commun.

Le problème de l’unité II

L’unité est-elle une conspiration contre la construction du parti révolutionnaire ? Ce fantasme érode également les tentatives de l’extension au plan électoral des accords conclus sur le terrain social (piqueteros), syndical ou étudiant. S’il saute aux yeux qu’il n’y a aucune incompatibilité entre les deux objectifs — l’unité est un instrument pour le progrès de chaque parti et inversement —, il est également vrai que la formation de fronts érode l’autovalorisation.
Les expériences de fronts permettent le développement des organisations partie prenantes, mais elles illustrent en même temps les limites de chacune et rendent plus difficile l’autojustification. Une construction collective permet de réduire le nombrilisme et d’évaluer de manière plus réaliste les progrès accomplis. Elle permet par exemple de baisser les décibels de fantaisie en ce qui concerne le nombre de suffrages qu’il était possible d’obtenir (seulement 15 % de ce qui était attendu à de nombreuses occasions) et aussi d’éviter des découvertes post-électorales surprenantes : « nous n’avons pas encore conquis une identité parmi les masses » ! Aucun des partis de gauche n’a une telle identité et c’est pourquoi la question d’un front revient sans cesse à l’ordre du jour depuis si longtemps.
L’unité contribue à prendre conscience que la construction révolutionnaire est un échange d’expériences et non un transit ascendant vers la reconnaissance de ceux qui s’autoproclament prophètes. Si une telle conviction peut constituer une source d’enthousiasme et permettre de dépasser les adversités du militantisme, elle a l’inconvénient majeur d’aveugler et de bloquer la perception de certains faits évidents de la réalité.
En facilitant une convergence des forces, un front peut aussi contribuer à accroître la crédibilité populaire de la gauche. Ce pas en avant n’apparaîtra pas comme la rétribution du succès sur le terrain des caractérisations et des prévisions, mais comme le résultat de la conquête progressive des masses. Certains camarades valorisent de manière exagérée l’incidence que peuvent avoir certaines prémonitions, oubliant que l’attitude prophétique ne produit pas de grands dividendes. Les travailleurs récompensent essentiellement la capacité de la gauche à réaliser des avancées pratiques et ne se rappellent de ce que « nous avons dit » qu’en relation avec ces réalisations. La certitude d’une prévision importe peu si on ne parvient pas, par exemple, à rompre avec la malédiction du 1 % dans les élections successives.
Il ne faut pas attendre, non plus, la confluence des masses avec la gauche comme un processus « inévitable ». Ce n’est qu’une des possibilités et aucune force de l’histoire ne compensera notre incapacité à avancer dans ce sens. Sur le terrain électoral un tel progrès implique d’accorder le développement de la gauche avec le saut réalisé sur les autres terrains. Le bilan du 27 avril doit servir pour comprendre ce qui a failli et non pour précipiter les catharsis et les flagellations inutiles. Il faut avancer dans l’unité et assumer avec plus de conviction l’identité politique de la gauche.
Certains camarades remettent en question l’utilité de cette référence, soulignant à quel point la signification du terme même de « gauche » s’est diluée. Cette remarque pourrait être appliquée à toute autre dénomination. En Argentine actuelle le terme « gauche » est clairement associé avec un profil de lutte et il permet une différenciation positive avec celui du « progressisme ». Les symboles sont importants, mais non suffisants. Il faut aussi forger un espace d’attraction populaire et d’organisation ouverte, ce que, par exemple, IU n’est pas encore parvenue à faire.

L’étape

Le 20 décembre 2001 a-t-il ouvert une situation révolutionnaire ? Après le 27 avril 2003 cette période a-t-elle été close ? Ne serait-il pas plus juste d’employer le terme d’étape pré-révolutionnaire dans les deux cas ? Une révolution a-t-elle éclatée d’abord et une contre-révolution opère-t-elle depuis ?
Chacun de ces concepts a été employé dans les débats de la gauche à différents moments, sans que soit clarifiée sa signification précise. Les références à l’idée léniniste d’une période caractérisée par « des crises aiguës en haut et des irruptions historiques en bas » ne paraissent pas suffisantes pour éclairer le caractère d’une étape, marquée d’abord par une fissure de l’État et l’effondrement d’un régime politique sous l’impact d’une rébellion populaire et caractérisée depuis par la reconstruction partielle des mécanismes de domination capitalistes.
Ce qui par contre s’avère indiscutable, c’est qu’aucun changement du contexte objectif ne sera suffisant pour permettre une sortie favorable au peuple, si dans le même processus ne mûrissent pas les acteurs subjectifs de la transformation sociale. Pour le moment, un découplage net persiste entre l’ampleur de la catastrophe socio-économique et le sous-développement de la gauche. Tant que cette discordance subsistera, la crise peut atteindre un statut pré-révolutionnaire, révolutionnaire ou hyper-révolutionnaire sans jamais aboutir à un processus socialiste. C’est pourquoi il est si important d’enregistrer nos faiblesses et nos erreurs.
Le dépassement de ces difficultés ne sera pas un produit spontané de la débâcle économique, de la désintégration du système politique ou de l’intensification de la lutte sociale. L’histoire argentine est infestée de grands impacts sur chacun de ces trois plans. Mais ni l’hyper-inflation, ni la guerre des Malouines, ni les soulèvements ouvriers et piqueteros n’ont conduit au surgissement d’un pôle massif de la gauche. La rébellion commencée à la fin de 2001 a créé une nouvelle opportunité pour résoudre la grande contradiction argentine et avancer dans la construction d’une alternative socialiste. Mais comme cette option ne tombera pas du ciel, ni ne pourra être édifiée en redoublant seulement nos efforts, nous devons comprendre quelles sont nos insuffisances.
La croissance de la gauche exige aussi de préciser notre vision du pouvoir. Il est vital de souligner la nécessité de le conquérir, car la lutte est une recherche de solutions qui exigent d’accéder au gouvernement, de transformer le régime et de changer la nature sociale de l’État. Tous les messages lyriques en faveur d’un « changement du monde sans prendre le pouvoir », n’expliquent pas comment on peut modifier concrètement la réalité en faisant abstraction du principal instrument politique de cette transformation. Pour augmenter les salaires, prélever les impôts progressifs, freiner l’hémorragie de la dette ou arrêter les confiscations des banquiers il est nécessaire de conquérir le pouvoir et d’avancer vers l’objectif d’un gouvernement des travailleurs.
Si l’on oublie ces objectifs, la construction de la gauche perd son sens. Mais parler allègrement du pouvoir sans avoir la possibilité de le prendre constitue un défaut symétrique non moins pernicieux. On affirme souvent que « la question du pouvoir est posée » ou que « l’alternative de pouvoir se profil » sans prendre conscience du long chemin qui reste à parcourir pour transformer ces désirs en réalité. Tant que la gauche n’aura pas une influence plus grande et une autorité populaire, ces caractérisations seront des slogans qu’il convient de diffuser avec précaution, parce que les mots doivent toujours être adaptés aux faits et les messages à leur faisabilité. Dans le cas contraire, la réalité de la longue distance du chemin vers le pouvoir finira paradoxalement par renforcer l’illusion de sa proximité immédiate.

Scénarios

Deux scénarios sont possibles en ce qui concerne la prochaine période : ou le nouveau gouvernement renforce la reconstruction de l’État initiée par Duhalde, enfourche une reprise et affaiblit la résistance populaire ou le cadre opposé prévaut et le nouveau président se noie dans un marais économique sous le double poids de la classe dominante fragmentée et de la résistance sociale. Dans les deux cas, la gauche a une vaste marge pour progresser, mais dans le cadre d’un scénario de l’effondrement, l’exigence initiale (« Que tous s’en aillent ! ») pourrait ressusciter, y compris en atteignant une formulation plus positive sous la forme de l’exigence de la convocation d’une assemblée constituante.
Il est important de noter que même dans ce cas les difficultés auxquelles la gauche fait face ne disparaîtront pas comme par magie. Si par exemple, au lieu du président, le 27 avril nous devions élire l’assemblée constituante, la représentation de la gauche n’aurait pas pour autant la majorité. Il est vital d’avoir cela à l’esprit pour comprendre qu’aucun mot d’ordre ne remplace la construction unitaire. Les prochaines élections provinciales (en particulier à Buenos Aires et dans le district fédéral) ouvrent une possibilité pour corriger les problèmes apparus lors de l’élection précédente. Dans la nouvelle séquence électorale le chantage du « vote utile » sera moindre et le contexte peut évoluer de manière favorable à la gauche.
Un grand pas vers la formation d’un pôle unitaire a été accompli lors de la manifestation du 1er Mai. Pour la première fois depuis longtemps cette commémoration a permis de rassembler tous les courants de la gauche, dans une journée de mobilisation et avec un accord autour de trois mots d’ordre : « Impérialisme hors de l’Irak ! », « Ni Menem, ni Kirchner ! » et « Brukman appartient aux travailleurs ! ». Cette convergence illustre comment peut avancer un projet commun. Les jeunes, les travailleurs et les chômeurs s’approchent aujourd’hui de la gauche avec une charge d’enthousiasme qui renouvelle nos espoirs. Ceux d’entre nous qui ont déjà accumulé une certaine expérience doivent surveiller de près les obstacles, réviser leurs erreurs et ouvrir la voie vers le succès.

Buenos Aires, mai 2003

Claudio Katz, professeur à l’Université de Buenos Aires et chercheur au CONICET, est un des animateurs du réseau argentin Economistas de Izquierda (EDI, Économistes de gauche). Ses écrits peuvent être consultés sur le site web : <https://katz.lahaine.org> .
Cet article, écrit au début du mois de mai, est centré sur le bilan de l’élection présidentielle du 27 avril. Les événements vont vite et, depuis la formation du gouvernement Kirchner, l’Argentine connaît une situation nouvelle, qui apparaît tant au niveau de la politique de l’administration Kirchner qu’à celui des attentes populaires envers le gouvernement. L’article n’inclut pas l’analyse de cette nouvelle situation. Il éclaire par contre le bilan de la révolte populaire et de la politique menée par la gauche argentine.

LES RÉSULTATS DU 27 AVRIL

Dix huit candidats briguaient la présidence le 27 avril 2003. Trois d’entre eux étaient issus du Parti justicialiste (péroniste) — Carlos Menem (qui fut président de 1989 à 1999) a obtenu 24,45 % des suffrages exprimés, Nestor Kirchner (gouverneur de la province pétrolière de Santa-Cruz), qui a obtenu 22,24 % des voix, et Adolfo Rodríguez Saá (président éphémère qui a succédé à Fernando de la Rua en décembre 2001), qui a obtenu 14,11 % des voix. Ricardo Lopez Murphy, dissident du Parti radical, néolibéral de choc, a obtenu 16,37 % des voix (le candidat officiellement investi par l’Union civique radicale n’a obtenu que 2,34 %). Le centre-gauche — l’ARI (Association pour une République des égaux) — a présenté Elisa Carrió, députée de la province du Chaco, opposée à la liberté de l’avortement, qui a obtenue 14,05 % des suffrages exprimés. Notons enfin les scores des candidats de la gauche argentine : Patricia Walsh de la Gauche unie (IU, formée par le Parti communiste et le Mouvement socialiste des travailleurs), a obtenue 1,72 % et Jorge Altamira du Parti ouvrier 0,72 % des voix.
La participation a atteint 78,22 % des inscrits (19 930 111 votants). Il y eut 2,72 % de votes blancs et nuls.
Le 14 mai, Carlos Menem s’est retiré de la compétition pour le second tour, laissant la présidence à Nestor Kirchner.

Notes

[1Rappelons qu’à la suite des manifestations contre le blocage des comptes bancaires par le gouvernement, le président Fernando De la Rúa (radical, élu en 1999 à la suite d’un accord constituant l’Alliance, entre l’Union civique radicale, UCR, et le centre-gauche regroupé dans le Front pour un pays solidaire, FREPASO) a tenté d’imposer l’état de siège et a fait ouvrir le feu sur les manifestants. Incapable de stopper la révolte, il a démissionné, laissant la place à Adolfo Rodríguez Saá (péroniste) qui, après avoir pris la décision de suspendre le paiement de la dette extérieure, a été également incapable d’arrêter les mobilisations et a été forcé de se démettre. Le congrès a alors élu Edouardo Duhalde (péroniste) à la présidence. Pour une analyse de la révolte populaire argentine, on se reportera aux articles parus dans Inprecor, n° 466-467 de janvier-février 2002, n° 468-469 de mars-avril 2002, n° 470-471 de mai-juin 2002 et le n° 474 de septembre 2002 ; Pour une présentation des élections, cf. Inprecor, n° 482 de mai-juin 2003.

[2Le Parti justicialiste (PJ), fondé en 1945, est aussi appelé « péroniste » du nom de son fondateur, Juan Domingo Perón (dictateur de 1946 à 1955, puis président en 1973-1974, remplacé par sa troisième femme après sa mort, jusqu’au coup d’État militaire de 1976). La bureaucratie péroniste contrôle, avec le recours à des méthodes mafieuses, les centrales syndicales CGT et CGT rebelle.

[3Brutale répression contre les manifestants, qui s’est soldée par deux morts, 190 blessés et 160 arrestations le 26 juin 2002.

[4Le nom de corralito » — petit enclos pour les animaux de basse cour ou parc pour les bébés — a été donné à l’ensemble des mesures de restriction draconiennes des retraits bancaires et du change des devises (provoquant une véritable confiscation de l’épargne populaire) qui fut à l’origine de la révolte de décembre 2001.

[5L’Union civique radicale (UCR) est le parti traditionnel de la bourgeoisie argentine (fondé en 1890). Raúl Alfonsin (président de 1983 à 1989) et Fernando de la Rúa (président de 1999 jusqu’à sa démission sous la pression de la révolte le 21 décembre 2001) sont issus de l’UCR, qui a connu une crise après la démission de De la Rúa.

[6Nestor Kirchner, qui a obtenu seulement 22,24 % des suffrages exprimés le 27 avril, a finalement été déclaré élu à la suite du retrait le 14 mai de Carlos Menem, arrivé en tête avec 24,45 % des voix. Kirchner entame ainsi son mandat en tant que président le plus mal élu de l’histoire argentine (le seul précédent est celui du radical Arturo Illia, élu avec 24 % en 1963, renversé par un coup d’État militaire en 1966).

[7Adolfo Rodríguez Saá a été élu président par le Congrès à la place de De la Rúa, démissionnaire, le 23 décembre 2001. Devant la reprise des manifestations les 28 et 29 décembre, il a été contraint par ses pairs à la démission le 30 décembre 2001.

[8Manifestations bruyantes, marquées par les concerts de casseroles.

[9Maximiliano Kostecki [et non Costequi comme nous l’avions écrit dans Inprecor, n° 472-473] et Dario Santillán, jeunes militants piqueteros, furent assassinés le 26 juin 2002 (cf. Inprecor, n° 472-473 de juillet-août 2002) par les policiers et les gendarmes de la préfecture maritime. 190 autres militants furent blessés et 160 arrêtés et torturés dans les commissariats. La CTA (Centrale des travailleurs argentins), le Bloc national Piquetero, les organisations de quartiers et les partis et mouvements de gauche avaient appelé à une grève générale le lendemain. Ces événements ont passé dans l’histoire sous le nom de « Massacre de Avellaneda ».

[10Les piqueteros (du terme piquete : barrage de route) sont les travailleurs sans emploi qui se sont organisés pour la satisfaction de leurs revendications.

[11Grondona, Botana y Escribano sont des porte-parole médiatiques de la droite.

[12La Centrale des travailleurs argentins (CTA), issue de la crise de la bureaucratie syndicale péroniste, est celle qui a pris le plus de distances avec la tradition péroniste. Après avoir joué un rôle important dans le développement du mouvement piquetero (cf. Inprecor n° 461-462 d’août-septembre 2001) et dans les mobilisations sociales qui ont précédé les élections provinciales, législatives et municipales d’octobre 2001, sa direction a pris peur de la radicalité de la révolte populaire et, depuis la fin décembre 2001, tente de la canaliser, voire de le diviser.

[13Il s’agit des ministres des Finances successifs, qui ont tous poursuivi la même politique néolibérale.

[14Repsol-YPF, entreprise pétrolière privatisée, qui a largement profitée des magouilles de l’endettement.

[15Les travailleurs de l’usine textile Brukman ont repris la production dans l’usine occupée à la suite de la fuite du propriétaire. Le 21 avril 2003, 53 d’entre eux ont été délogés par les forces de police et les quelques 7000 manifestants accourus en solidarité furent sauvagement réprimés.

[16Les phénomènes de radicalisation ont souvent été captés par les partis traditionnels avec l’aide des directions de centre-gauche (jeunesse péroniste, jeunesse radicale...). La dernière expérience gouvernementale du centre-gauche, celle de l’Alliance du FREPASO avec l’UCR s’est conclue par la démission du président De la Rúa (UCR). Chacho Alvarez, vice président du FREPASO a gouverné avec De la Rúa et a démissionné peu avant lui. Le FREPASO a éclaté à la suite de cette expérience gouvernementale, laissant Elisa Carrió reconstruire un nouveau centre-gauche...

[17La gauche argentine est apparue divisée lors de l’élection présidentielle. Alors que l’an dernier les sondages donnaient jusqu’à 20 % des voix à Luis Zamora, député de Autodétermination et Liberté, s’il se présentait à l’élection présidentielle, ce dernier a décidé d’appeler à l’abstention (tout en présentant des candidats aux élections législatives à venir !). De nombreuses autres organisations plus petites issues de la crise du MAS historique (principale organisation de la gauche argentine à la fin des années 1980, dont Luis Zamora fut alors député), tels le Mouvement pour le socialisme (MAS), le Parti des travailleurs socialistes (PTS), etc. ont fait le même choix. Le PCR maoïste fut pour sa part fidèle à son refus traditionnel de participer aux élections. Seuls le Parti ouvrier (PO) et la Gauche unie (IU, qui regroupe le PC argentin et le Mouvement socialiste des travailleurs, MST, scission majoritaire du MAS historique) présentaient des candidats, séparément l’un de l’autre.

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