Devant le grand saut : pseudo-débats et offensive capitaliste

, par VERCAMMEN François

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Celui qui feuillettera dans dix ou vingt ans les journaux des années 2000-2001 ne manquera pas d’être impressionné par l’intense débat sur la construction de l’Union Européenne (UE), qui avait eu lieu à cette époque. Joschka Fischer, ministre allemand des affaires étrangères, l’avait lancé en mai 2000, avec une audace sans précédent, proposant le cheminement par étapes vers une Europe fédéraliste. Jacques Chirac, président français, lui donna la réplique un mois plus tard (juin 2000), en insistant sur le rôle des États-nations. Tony Blair, le premier ministre britannique, s’en mêla, et à partir de Varsovie (le 6 octobre) lança son Europe « superpuissance oui, super-État non ! » et un puissant appel à l’unification historique du continent. Trois semaines après, le premier ministre belge, Verhofstad, lui dama le pion en annonçant la couleur « fédéraliste » de la future présidence belge de l’UE (au second semestre de 2001). Et le débat avait atteint son apogée, lorsque, le 28 mai 2001, Jospin répondît du tac au tac à son camarade Schröder qui, lui, n’avait pas hésité d’utiliser la tribune du congrès du « Parti des Socialistes Européens » pour prendre l’offensive en présentant un organigramme institutionnel à ce point fédéraliste qu’il avait fortement choqué le microcosme politique français.

Sans doute y a-t-il des gens qui, aujourd’hui, pensent également que le débat est riche, polarisé et intéressant. Il n’en est rien. Faisant l’effort de mettre ses différents discours en schémas, et cherchant le contenu derrière les schémas, on constate que chacun des protagonistes évite soigneusement de répondre à l’autre, la terminologie et les définitions varient légèrement d’un texte à l’autre, les propositions sont généralement incomplètes à dessein.

Dominique Moïsi (de l’Institut Français des Relations Internationales), intellectuel « organique » de l’État français de l’UE, écrit sans ambages : le débat « reste délibérément ambigu. Il y a à cela une bonne (!) raison. Ce n’est qu’en emballant les ambitions politiques dans un vocabulaire ambigu qu’on peut arriver à un consensus en Europe . [...] Loin de promouvoir le débat, la préoccupation dominante des dirigeants européens est de ne pas perdre le soutien populaire en étant sincères sur le futur » [1]. En effet, ce pseudo-débat sert à occuper le terrain, se profiler, optimaliser un rapport de force, cacher ses vraies intentions ou simplement « continuer à pédaler » (selon le fameux conseil de Jacques Delors). Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de vraies discussions en haut lieu et à huis-clos. Et que ce qui est dit et écrit publiquement soit arbitraire. « Ils » ne veulent tout simplement pas fixer clairement leur position et la soumettre à la population !

On peut distinguer trois « rationalités » qui expliquent cette opacité volontaire.

Le poids déterminant de la politique intérieure

Il y a, en premier lieu, le poids déterminant de la politique intérieure, en particulier la stabilité gouvernementale et les élections parlementaires. L’exemple le plu cru, c’est Blair. Dès son élection en 1997, il n’avait pas caché son ambition de jouer un rôle déterminant à la tête de l’UE, ce qui n’irait pas sans adhérer à l’union monétaire. Mais devant le scepticisme et l’hostilité de la population (le grand capital britannique et multinational étant nettement pour), il devait temporiser et gagner une seconde législature (c’est fait désormais). Ainsi, pendant quatre ans, il a esquivé la question de l’euro, vilipendé le « fédéralisme européen », refusé toute idée de gouvernement économique, exigé l’épuration de la bureaucratie de Bruxelles et s’est opposé à toute intervention de l’UE sur le terrain des rapports Capital-Travail.

Schröder est plus à l’aise, mais pas sans problème. Dans un texte récent, il semble se prononcer pour une UE outrancièrement fédéraliste : la Commission européenne deviendrait le gouvernement de l’UE, le Conseil des ministres formerait une deuxième Chambre du Parlement, et le parlement européen lui même jouerait pleinement son rôle. Se référant au modèle allemand, il y ajoute une redistribution des pouvoir vers le niveau régional (avec la re-nationalisation de la politique agricole). Les médias feignent d’ignorer que ce texte est une résolution du Parti social-démocrate en vue des élections parlementaires de 2002. Et il vise à couper l’herbe sous les pieds de la CDU/CSU en ratissant large (chez les pro-européens et les « régionalistes » des Länder). En plus, Schröder, chef du gouvernement, n’a même pas défendu ce texte au congrès du Parti des Socialistes Européens, qui par ailleurs n’en a pas fait son « grand débat » sur l’Europe ! [2].

Il y a d’autres exemples qui montrent à quel point des futilités politiciennes peuvent l’emporter sur les besoins fondamentaux des classes dominantes. Ainsi, Jospin était franchement contrarié par la publication de cette « position de l’Allemagne », extravagante, à la veille de sa propre déclaration sur l’UE. Celle-ci est réfléchie, cohérente et assez complète, certainement la plus « sérieuse » de toutes. C’est une vraie tentative de tracer un organigramme institutionnel en phase avec le degré actuel d’européanisation” des sociétés et les grands problèmes à résoudre immédiatement. S’il n’y pas de « vision » comme se plaignent les journalistes euopéanistes, il est pertinent. D’ailleurs, dès avant (!) les élections britanniques du 7 juin, Denis Mac Shane (député et conseiller de Blair sur les affaires européennes) déclare que « du point de vue politique et institutionnel Tony Blair est sur la même longueur d’onde que Jospin » ! [3] Et il entre dans le concret d’un accord possible : « une étroite collaboration des États-nations » comme base de l’UE ; le renforcement des conseils des ministres qui mènent la politique européenne ; l’association des parlements nationaux à la surveillance des politiques — « une idée de Blair reprise par Jospin ». Le mot « Constitution » fâche en Grande-Bretagne, mais si, au lieu « des mots à la française », on l’appelait par exemple « une Charte de compétence », il n’y aura plus de problème. Cela n’a pas empêché Blair de faire une demande discrète à Jospin pour qu’il reporte son discours après le 7 juin, tant la formule de « Fédération (!) des États-nations » l’insécurisait quant au résultat des élections !

Tout cela interdit évidemment un débat objectif, ample et soutenu, le dégagement d’une vision, et, surtout, la participation de l’opinion publique.

Les rivalités entre États et leurs clientèles

La deuxième rationalité qui trouble le débat, ce sont les rivalités entre (grands) pays, et leur besoin d’imposer en pratique les intérêts de leur État ou bourgeoisie respectifs, tout en protégeant le cadre acquis de l’UE. « Nice » est l’exemple qui restera dans l’histoire de l’UE. Partager équitablement, entre pays-membres, la représentation dans la Commission, le Conseil des Ministres et le Parlement est indispensable pour aboutir à des décisions équitables. A partir de critères objectifs clairement annoncés, discutés publiquement et adoptés démocratiquement, la démarche est tout à fait légitime. Cela devient sordide à partir du moment où tout se marchande dans l’opacité, tant les règles du jeu que les critères. De fait, le rapport de force est la règle fondamentale. Les gouvernements des différents pays (surtout les grands) se musclent par un cocktail de « nationalisme » et d’ « européanisme ». Et il faut des alliances pour gagner des majorités ou, plus difficile encore, l’unanimité. Jusqu’en 1989-90, le fameux axe franco-allemand, légitimé par l’histoire calamiteuse du XXe siècle, avait constitué un centre de gravité stable dans l’UE, reconfirmé au pied du Mur de Berlin par l’accord Kohl-Mitterand sur l’euro. Mais depuis la moitié des années 1990, il tangue. La cause en est le nouveau dynamisme de l’UE et le début d’une vraie supranationalité, c’est-à-dire d’un abandon de souveraineté nationale (la gestion du marché unique et de l’euro). D’où une question nouvelle qui parcourt désormais tout le développement de l’UE : qui contrôle la supranationalité ? Et, par conséquent, quelle extension lui donner ?

Ainsi, s’est ouverte l’ère des coalitions ponctuelles entre gouvernements. Avec ce paradoxe : les enjeux croissent, et avec eux, l’instabilité.

Blair a battu en brèche cet axe apparemment inoxydable en nouant une alliance avec Schröder, sous l’égide de « la troisième voie ». Certes au départ, elle constitue un document idéologique. En réalité, il visait autant la constitution d’un axe intergouvernemental anglo-allemand dirigé contre la France et Jospin. « L’isolement européen » de Jospin, durant quelque deux années, a servi à une nouvelle poussée du néolibéralisme dans l’UE, car le gouvernement français devait se garder d’un mouvement social en éveil. Le nouveau rapprochement franco-allemand poussait Blair à former une alliance néolibérale offensive avec Aznar (Espagne) et Guttierrez (Portugal), Amato (Italie) les soutenant plus discrètement ; Schröder approuvait mais sans s’engager ; Jospin « faisait de la résistance ». Cela permettait l’adoption de l’agenda du big business au sommet de Lisbonne. Blair triomphait à son retour à Londres (et, plus discrètement, dans les conseils d’administration des grandes multinationales). L’Allemagne est toujours obligée de cacher sa puissance économique derrière des masques. Celui du « fédéralisme européen » lui va bien : il cache l’ambition nationale-allemande et permet d’entraîner les pays moins forts. Le comportement chaotique et arrogant de Chirac à Nice a porté aux nues un Schröder, maître d’œuvre des orientations futures de l’UE, lui permettant paradoxalement d’entraîner les pays les plus petits (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas...). Chirac se vantant pathétiquement que la France avait réussi à conclure un traité « historique ».

Un but inavouable

La troisième rationalité qui bloque un vrai débat public et démocratique, c’est que le vrai but de l’UE est inavouable devant les peuples et les classes ouvrières d’Europe : créer un appareil d’État supranational au service des grands groupes capitalistes européens. L’élite européaniste le regrette ! Du coup, les classes dominantes ont un gros problème pour imposer des sacrifices à leurs peuples qui devraient procurer les moyens matériels à la mise en œuvre de cette politique. Une tentative dans ce sens avait pourtant débuté dans la foulée de la guerre « humanitaire » aux Balkans. A l’époque, « l’Europe-puissance » semblait un bon substitut au slogan de « l’Europe sociale », totalement contredite par la brutale politique néolibérale. Mais l’UE n’est pas les États-Unis ! Sur ce plan Blair, le va-t-en-guerre contre l’Iraq et la Serbie, est certainement le plus à l’aise. D’où son leitmotiv : « oui à l’UE super-puissance, non au super-État ! ». La France est déjà moins affirmative et se cache volontiers derrière ses valeurs universelles, jouant militairement sur la corde anti-américaine. Alors, que dire de l’Allemagne ? : elle a réussi, grâce au soutien des ministres Verts, la première sortie de son armée hors frontières. Mais de là à se lancer dans une remilitarisation assumée, il y a du chemin. Son histoire la hante. Avec son poids économique énorme, revendiquer une puissante Europe sonne suspect...

Le problème de légitimité populaire pour l’UE telle qu’elle existe et se projette, est lancinant. La preuve par l’Irlande : son « miracle » économique débouche sur un désastre. Inondée de subsides, d’investissements technologiques de pointe, d’exemptions et d’exceptions qui en ont fait le pays le plus dynamique de l’UE avec une croissance économique faramineuse. C’est aussi le pays de la flexibilité à outrance, d’une inégalité sociale galopante, du déracinement des communautés. Le peuple irlandais a utilisé le référendum que le gouvernement irlandais (et toute l’UE) pensait gagné d’avance, pour rejeter la politique néolibérale, défendre la tradition pacifiste, défendre son mode de vie. Ce rejet spectaculaire provoquait la réaction arrogante des sommets de l’UE, attendue, comme dans une pièce de théâtre : « le train ne s’arrête pas, on continue ! ». La logique despotique et manipulatrice de l’UE est infernale : incapable d’en appeler aux peuples pour trancher démocratiquement, elle ne peut qu’avancer par la manipulation médiatique, les mensonges, et la diplomatique secrète.

L’accord que l’UE cache ce sont à la fois les vrais désaccords et conflits sur de vraies questions de pouvoir et d’intérêts matériels, mais aussi les vrais accords sur les grandes lignes du cadre institutionnel de l’UE et son évolution souhaitable.

L’élite éclairée et les populations qui « ne comprennent pas encore »

Tout d’abord, il y a un accord de fond, non dit, pour exclure les populations du droit démocratique de décider sur l’UE de sa nature sociale et politique, et de sa structure institutionnelle. Le « maximum démocratique » qui serait octroyé, sera un référendum en fin de parcours. Et même cela dépendra du pays, car en général ce sont les parlements nationaux qui tranchent, rapidement et sans faire de bruit à l’extérieur. A la place il y aura des campagnes publicitaires et une démarche pédagogique : l’élite éclairée expliquera aux populations qui « ne comprennent pas encore ». De toute façon, on ne mettra pas la vraie question constitutionnelle et constitutive en débat : comment les peuples d’Europe veulent-ils vivre ensemble ? C’est tout à fait conforme au texte de Joshka Fischer, ministre allemand des affaires étrangères, de mai 2000. Il prévoyait une sorte d’assemblée démocratique (plus ou moins décisionnelle) après l’achèvement de la construction européenne (dans 10 à 20 ans). Jospin, dans son texte, mentionne deux fois le mot « démocratie » dans un sous-titre, une fois comme « valeur européenne » et une autre, pour porter cette valeur « dans le monde ». Mais dans le chapitre décisif « les institutions européennes doivent gagner en cohérence et en efficacité », rien sur la démocratie ! Ce qu’il prévoit, c’est une « convention européenne » (désignée parmi les gouvernements, les parlements nationaux et européens, la société civile) pour débattre, la décision restant dans les mains des États avec « ratification par les peuples » (c’est-à-dire par la voie plébiscitaire, « oui » ou « non »). Le texte du SPD (attribué un peu rapidement à Schröder) se propose d’organiser « un débat public sur des objectifs politiques [excluant les autres, sociaux par exemple ?] de l’UE, sur les structures et les mécanismes de décisions ». Où et comment ? « Au sein des parlements nationaux et au parlement européen dans une véritable parlementarisation ».

Un consensus se dégage néanmoins en « haut lieu », sur l’urgence d’un traitement de ce qui est appelé pudiquement le « déficit démocratique ». Les institutions devraient être plus transparentes et démocratiques. Mais il ne s’agit nullement d’un décalque de l’actuel parlementarisme national quant à ses prérogatives. Les propositions avancées reconnaissent de fait l’indigence de ce parlement européen où on ne « parlemente » (c’est-à-dire discute) même pas. L’astuce serait de flanquer l’actuel parlement européen d’une deuxième Chambre composée (d’une sélection) de parlements nationaux. La proposition du SPD qui prévoit la transformation du Conseil des ministres en deuxième Chambre du parlement européen, paraît hautement farfelue. Ce que Jospin propose n’est pas un Parlement qui adopte des lois, vote le budget, sanctionne le pouvoir exécutif, débat de tous les problèmes fondamentaux et actuels des sociétés et intervient dans la vie quotidienne. Il s’agirait d’une fusion entre le parlement européen directement élu et les parlements nationaux dans leur entièreté, formant une sorte de congrès européen qui définirait les grandes orientations de la politique européenne, et qui se réunirait une ou deux fois pas an !

À la recherche d’un leadership supranational

Le vrai problème pour les classes dominantes européennes c’est de créer une structure de leadership supranationale, capable de décider et d’agir vite dans un monde dangereusement instable dans les domaines essentiels d’un État. Donner cette tâche à la Commission (par définition supranationale !) est en contradiction avec la nature inter-étatique de l’UE. Il est vrai que le Grand Capital insiste sur le rôle de la Commission, car celle-ci est son interlocuteur privilégié (pour le lobbying, notamment l’écriture des directives européennes) et elle est directement en charge du bon fonctionnement du marché unique. Mais, le vrai objectif de l’UE, y compris des grands groupes capitalistes, c’est de renforcer sa capacité politique-étatique quotidienne dans l’UE et dans le monde. Cela implique nécessairement un pouvoir supranational à partir d’un mécanisme intergouvernemental. C’est la voie que le Conseil (des ministres) et les grands États ont récemment empruntée en désignant Xavier Solana, comme leur Haut représentant pour les affaires étrangères (« Monsieur PESC », pour politique extérieure et de sécurité commune). Cela donne des frictions avec Patten, membre de la Commission qui s’occupe du même terrain. Récemment, le ministre belge des finances, Reynders, a (re)proposé, par analogie, la désignation d’un « Monsieur euro », haut représentant du Conseil des Ministres, comme interlocuteur de la Banque Centrale Européenne et porte-parole du Conseil des ministres de « l’Euroland ». Bien entendu, si ces deux personnages étaient aussi membres de la Commission (comme Prodi l’a proposé, tactiquement ?), tout en restant responsables devant le Conseil qui décide, et si ces types de nominations se multiplient (par exemple pour la défense et la future armée européenne), la Commission serait absorbée ou au moins dominée par le Conseil. Elle aurait une composition bizarrement hybride.

Le problème n’est plus abstrait : la première épreuve, et elle est de taille, c’est la conduite de la politique économique dans sa globalité, en temps agités. Sur ce plan, le vide est inquiétant du point de vue de la bourgeoisie. Celle-ci pourrait intervenir plus vite qu’on ne le pense si l’euro était en difficulté. La BCE se limite formellement à la maîtrise de l’inflation. Elle est une structure supranationale forte, strictement indépendante des structures politiques de l’UE. Ce qui signifie aussi sans répondant sur le plan politique institutionnel. Il y a bien l’Ecofin (Conseil des ministres des finances), qui veille et peut sanctionner les gouvernements qui s’écartent des critères de Maastricht et du pacte de stabilité. Mais du point de vue légal, elle n’a rien à voir avec la BCE qui ne concerne que les seuls membres de l’Union monétaire (où ne participent pas la Grande Bretagne, le Danemark, la Suède). D’où la création à l’improviste d’un « conseil de l’“Euroland” ». Mais la politique économique reste décentralisée. Certaines de ses parties, telles les politiques concurrentielle et commerciale, relèvent du domaine communautaire (où la Commission veille). D’autre part, le Conseil des ministres de l’Économie avait décidé, (en 1997, suite aux manifestations à Amsterdam contre le nouveau traité) d’instaurer une coordination sur l’application des réformes du marché du travail (les GOPE, grandes orientations de politique économique) et par un mécanisme de vérification fort (la « peer pression », c’est-à-dire l’accord de se plier volontairement à la pression des collègues-ministres). Mais cantonné dans la vérification des réformes, elle n’est pas assimilable à un gouvernement économique pouvant répondre à une cohérence d’ensemble.

Une « petite constitution », non soumise à une Assemblée constituante ?

Autre point qui fait consensus, c’est qu’il faudra une Constitution pour la bonne marche des affaires. Soudainement, un tabou est tombé. Les Britanniques avaient horreur de l’idée, eux qui avaient toujours vécu sans texte écrit. Pour les Français, une Constitution n’a de sens qu’en rapport avec l’existence d’une nation, inexistante sur le plan européen... Le pragmatisme semble l’emporter. On opérerait une « rationalisation » de ce que le jargon de l’UE appelle « l’acquis communautaire ». Cet ensemble de règles en vigueur dans l’UE — 80 000 pages ! — va des règles fondamentales de l’UE jusqu’aux mesures d’application de la politique agricole et du marché unique. Cette « petite constitution » ferait la part des choses : « les valeurs », le partage des pouvoirs entre les différents niveaux de décision, et, plus généralement, une mise en cohérence de ces milliers de normes. Il n’est pas évident que « les valeurs » soient assimilées à des « droits inaliénables », avec toutes ses implications ! Mais il est déjà entendu par le chef de ses défenseurs néophytes que cette Constitution européenne — une première historique, en fait ! — ne devrait pas être démocratiquement soumise à un vaste débat dans une Assemblée constituante, élue par tous les peuples d’Europe, qui envoient leurs mandaté(e)s pour débattre et prendre position sur le plan européen et ensuite décident chacun dans son pays de l’adhésion définitive à la Constitution proposée pour l’Europe.

Le pseudo-débat public, les aspects chaotiques de certains Sommets, les incohérences de la structure institutionnelle européenne, un consensus très embryonnaire entre gouvernements qui ne parvient pas à se concrétiser en un projet institutionnel, et une légitimité limitée et précaire, tout cela ne doit pas induire en erreur : l’UE a créé la surprise en constituant le plus grand marché unique au monde, flanqué d’une union monétaire. Sa construction supranationale n’est qu’à son début. Elle n’est ni achevée ni consolidée. Mais elle n’est pas non plus fragile au point de faire naufrage à la première tempête, comme une partie de la gauche radicale le pense encore.

Il faut dès lors prendre la mesure du saut que l’UE s’apprête à faire dans les deux ans qui viennent : l’élargissement à l’Est (à partir de 2002 ou 2004), la mise en circulation de l’euro (début 2002), la mise en place et l’activation possible de la Force d’intervention rapide, l’achèvement du marché unique financier, la continuation des privatisations de grande ampleur dans les secteurs de l’énergie, télécommunications, de la poste, des transports... C’est cette évolution qui sera déterminante pour trancher les conflits entre gouvernements et faire évoluer les institutions de l’UE. A moins que le mouvement social s’en mêle.

Ce nouvel élargissement et approfondissement de l’UE aura lieu dans une situation économique et socio-politique nettement différente de celle des 10 dernières années. La conjoncture économique ralentit et pourrait se transformer en récession, « la première de l’économie globale » selon l’hebdomadaire anglais The Economist. Déjà — et plus vite que par le passé dans le cycle — les grandes entreprises passent aux restructurations et à des licenciements massifs pour protéger leurs profits et défendre leurs capitalisations boursières. La résistance sociale est plus vive, visible et consistante que dans les années 1985-1995. Assistera-t-on à la répétition de la séquence 1980-1990 : récession économique internationale (1980-81), lancement du marché unique (1987-1993) et l’euro (1992-1995) ?

L’euro sera la toute première priorité pour les classes dominantes et l’appareil de l’UE, quels que soient les serments à propos de l’élargissement à l’Est. Il s’agit ni plus ni moins de la plus grande opération monétaire de l’Histoire : dans les 12 pays-membres 14 milliards de billets et 50 milliards de pièces (24 fois le poids de la tour Eiffel) vont être distribués. L’enjeu est colossal pour l’existence même de l’Union Européenne et sa crédibilité, à l’intérieur et à l’extérieur. L’argent représente un pouvoir matériel et symbolique très important pour un État et pour ses citoyens. Abandonner une monnaie nationale pour une autre est un facteur d’incertitude, voire d’instabilité. Déjà la réforme d’une même monnaie, avec un changement de parité, crée une onde de choc qui ne s’éteint que très progressivement. Il y a la difficulté technique de calculer et de « sentir » les « nouveaux » prix, avec la crainte de se tromper. D’où le risque d’une perte de confiance plus générale, touchant plus fortement les couches marginalisées et pauvres de la population. Les comportements bizarres des consommateurs peuvent se manifester : acheter moins ou les produits bon marché par crainte d’erreur ; aller plutôt dans les grandes surfaces et éviter les petites commerces, etc. L’épargne « dormante » (illicite, illégale ou criminelle), qui représente de toute évidence des sommes colossales, tend à être dépensée plutôt qu’échangée, ce qui engendrerait un « boom » avant le premier janvier 2002, suivi d’une dépression de la consommation pendant l’année 2002.

Pour l’UE, la mise en circulation des billets et des pièces constitue une énorme opération publicitaire : 300 millions d’habitants seront « euroïsés » ; au sommet de l’UE, ils espèrent qu’ils seront aussi « européanisés ». C’est un pari : dans l’histoire, c’est généralement un pouvoir d’État doté d’une légitimité populaire qui crée une monnaie. Dans l’ UE ce sera l’inverse. L’euro devrait (c’est l’espoir) donner une légitimité à un État qui existe à peine dans la représentation populaire. L’introduction de l’euro coïncide avec un ralentissement économique marqué. Elle risque de poser plus vite qu’on ne le pense, le problème du « gouvernement économique ».

L’élargissement, à l’ouest !

« La Grande Bretagne ne peut échapper à cette vérité élémentaire que sa prospérité et sa sécurité sont intimement liées aux décisions qui sont prises sur le continent européen. Elle doit y prendre toute sa place pour donner forme à ces décisions » [4]. Quelques jours avant les élections britanniques, la voix de la haute finance anglaise annonçait ainsi la couleur à Blair, qui allait se succéder comme premier ministre. Il ne s’agissait pas de lui forcer la main. La campagne de Blair est déjà dans les limbes : le slogan (« Mieux vaut toucher un salaire en euro, qu’une allocation de chômage en livre sterling »), un directeur de campagne, les argumentaires, la panoplie de soutien, la tactique pour diviser le parti conservateur, etc. existent. Reste la date du référendum : sans doute en automne 2002, au plus tard début 2003 (la mise en circulation de l’euro sur le continent aura eu lieu). Blair n’a pas le droit à l’échec : ce serait reporter l’échéance pour une décennie ! Un désastre pour la classe dominante !

On mesure mal, aujourd’hui, l’évolution de la situation économique et « le climat » politique futur. En revanche, on ne peut avoir de doute si le « oui » l’emporte : il s’agirait d’un véritable basculement ! Avec une puissante impulsion pour l’UE : une victoire considérable pour les bourgeoisies européennes avec une montée en puissance de l’UE impérialiste, un renforcement de l’euro (le poids de la livre sterling) et de l’union monétaire en général, une impulsion puissante à la concentration économique, financière (la City de Londres) et monétaire, et une concentration du pouvoir politique accrue à la tête de l’UE. A la veille de la nouvelle Conférence Intergouvernementale (CIG) de 2004, la refonte projetée des institutions de l’UE se fera dans un contexte tout à fait différent de celui de Nice (et de Bruxelles). Ceci étant dit, il y aura de nouvelles contradictions qui se manifesteront, ou les mêmes mais dans ce cadre renouvelé. Pour commencer, l’entrée de la Grande-Bretagne renforcerait certainement le caractère confédéral de l’UE. Ce sera certainement l’occasion d’une réforme de la BCE (si celle-ci n’a pas eu lieu auparavant). D’autre part, ce pays occupe une place très particulière en Europe de par son histoire, sa structure économique, sa place dans le monde : moins intégré économiquement dans l’UE, la Grande-Bretagne a, de tous les pays de l’UE, les liens les plus étroits avec les États-Unis. Le renforcement de l’UE s’accompagnera donc d’une plus forte hétérogénéité dans les cercles du pouvoir de l’UE. Là, où il y aura — il y a déjà — une très forte synergie entre « les Trois » (Allemagne, France, Grande-Bretagne), c’est sur le développement du marché des services financiers. La présidence suédoise, mise officiellement sous l’égide de « élargissement, éducation, écologie », est surtout marquée par un élargissement considérable pour le développement du capital financier ainsi qu’une nouvelle poussée sur les privatisations.

La percée est spectaculaire. Des projets qui étaient en discussion depuis 15 à 20 ans, aboutissent aujourd’hui. Ainsi, le statut légal de la « société anonyme européenne » et les modalités de son activité : la structure de la société, les normes de comptabilité, la régulation des fusions et acquisitions entre entreprises, le contrôle des groupes financiers, le régime des impôts selon le lieu d’établissement, ainsi que la création d’un marché intégré des valeurs mobilières (actions, obligations). Ce dépassement du morcellement des marchés financiers en Europe facilitera tout de suite des regroupements et de nouvelles fusions d’entreprises. Il vise aussi à baisser radicalement les coûts et attirer des capitaux qui préfèrent aller aux États-Unis où les marchés financiers sont mieux organisés et moins coûteux. Sous l’égide de Lamfalussy, la structure de direction de ce marché est mise à l’abri de toute velléité de contrôle : c’est entre la Commission et le Conseil des Ministres que tout se règle, le Parlement européen étant totalement exclu ! Le capital financier, ainsi libéré de toute « inquiétude », est d’autant plus pressé qu’il a enregistré une autre « bonne nouvelle » : en fin de compte, Schröder a réussi, le 11 mai, à battre en brèche le système des pensions d’État (par répartition) en introduisant pour la première fois une dose de capitalisation dans leur financement. Le social-démocrate Schröder détricote ainsi la première grande conquête de l’État-providence introduite par... le chancelier Bismarck, celui même qui avait poussé la glorieuse social-démocratie allemande dans l’illégalité à la fin du XIXe siècle ! Les prestations de vieillesse et de survie constituaient, en 1998, près de la moitié (45,7 %) de l’ensemble de la protection sociale, soit 12 % du PIB de l’UE ! Une aubaine pour les banques et les compagnies d’assurances !

Et l’élargissement à l’Est ?

Oui, l’élargissement à l’Est aura lieu, c’est entendu ! Kohl et Chirac, en leur temps, avait promis que la Pologne en serait en l’an 2000. Aujourd’hui encore, il y a un flou persistant, voire une ambiguïté volontaire. Le sommet de Stockholm indique que la « feuille de route » des négociations pourrait aboutir « d’ici la fin de 2002 ». Cette déclaration permet aux gouvernements des pays de l’Est de continuer la campagne pour l’adhésion. Mais comme Jospin et Schröder l’ont indiqué, il ne s’agit pas d’une « date-butoir ». Le critère décisif reste « la capacité des pays-candidats de se conformer à l’acquis communautaire ». Or, ce problème est immense [5]. D’abord, parce que les négociations sur les quelques questions essentielles (agriculture, environnement, régime de propriété, régime démocratique et État de droit) n’ont pas encore commencé ! Ensuite, l’application des critères d’adhésion (c’est-à-dire la transition au capitalisme mondialisé sous les contraintes d’une politique néolibérale) débouchera sur une inégalité sociale accrue, lourde de crises sociales et politiques. Finalement, pour amortir un tant soit peu une telle menace, il faudra d’autres moyens que ceux du budget actuel de l’UE (selon certains calculs, il faudra multiplier par 5 à 8 le budget de l’UE qui, aujourd’hui, est en réalité à 1,1 % du PIB de l’UE).

Dans un sens plus général, l’élargissement (qu’il réussisse ou échoue, ou reste quelque part entre ses deux extrêmes), aura un impact « en retour » sur les rapports de force entre États-membres actuels, sur leurs exigences (cf. la peur de l’Espagne de perdre en partie ses subsides du fonds régional) et sur les institutions de l’UE comme telles (cf. le chaos au sommet de Nice). Le Grand Capital européen est tout à fait gagné à l’élargissement, car ces pays adhèrent aux règles du marché unique. Il y a aussi des raisons géopolitiques, notamment la rivalité avec les États-Unis qui jouent l’OTAN contre l’UE, et la perspective des grands groupes européens de participer en « pole position » au programme de privatisation qui est à l’ordre du jour en Russie. Mais est-ce que cet élargissement implique l’adhésion à l’union monétaire ? Et quand ? En réalité, on assiste déjà à l’”euroïsation” (monétaire) : l’euro étant la devise de référence dans la plupart des pays et le mark la monnaie concrète. Mais quelle place occuperont-ils dans la BCE, par exemple ? L’élargissement de l’UE vers l’Est pose des questions redoutables quant à l’appareil d’État de l’UE à cause du nombre de pays et de leur hétérogénéité économique et sociale. Alors, on doit se poser la question : comment l’élargissement qui est un processus prolongé, y compris après l’adhésion formelle, influencera-t il l’UE qui est en premier lieu concernée par la réussite de l’euro et l’insertion de la Grande Bretagne dans l’union monétaire ? Et tout cela dans un contexte économique international fortement instable.

Plus que par le passé, l’UE aura besoin d’un leadership pour affronter cette nouvelle « crise de croissance » inéluctable, programmée par le calendrier.

Quand la classe dirigeante dirige

Ce n’est pas par hasard qu’on assiste à la montée en puissance sur la scène politique de la classe dominante. S’il n’existe pas de véritable bourgeoisie européenne, comparable à celles qui existent sur le plan national, celles-ci disposent d’un instrument performant : la Table ronde européenne des Industriels ou l’ERT [6]. Elle avait déposé un programme en 10 points, lors du sommet de Stockholm : développement de nouvelles qualifications pour les « nouveaux Européens » (sic !) ; introduction de l’expérience des entreprises dans l’éducation ; élévation du niveau des enseignants et de leurs salaires ; réduction des impôts pour financer les coûts de l’éducation permanente ; stimulation du capital à risque ; amélioration de la performance de la démocratie et de l’efficacité des gouvernements et des administrations publiques ; parachèvement du marché unique. l’ERT exige aussi la poursuite de « la réforme » des systèmes actuels de retraites (c’est-à-dire le développement des fonds de pensions au détriment des systèmes par répartition). Cette activité est devenue plus forte et visible à partir du sommet de Lisbonne. Déjà le Forum Économique Mondial, tenu en janvier 2000 à Davos, avait symbolisé le triomphe de l’e-économie (terme mystérieusement disparu depuis dans les médias et les articles spécialisés) et des États-Unis, notamment par la présence de Clinton. A Lisbonne la social-démocratie européenne, sauf Jospin, qui fit de la résistance durant une nuit, adoptait intégralement l’agenda néolibéral : créer toutes les conditions dans l’UE pour qu’elle devienne « l’économie la plus performante du monde » (grâce aux nouvelles technologies) et le « plein emploi », grâce à « l’État social actif ». Depuis lors, les mesures d’application de ce sommet font l’objet d’un suivi sans faille de l’ERT et d’autres regroupements patronaux européens (EuroChambers, Eurobanks). Cette intervention trouve son répondant dans les organisations patronales qui se mêlent ouvertement dans le jeu politique, chacune selon ses traditions nationales. En France, le Medef se comporte sans retenu comme un véritable parti politique « extraparlementaire », descendant dans la rue, attaquant les syndicats et le gouvernement, etc. En Italie, les réunions de la Confindustria ressemblent à une assemblée politique, parallèle au parlement italien. En Grande Bretagne, les entreprises sont entrées en campagne, ont fondé des comités de campagne, signent des pétitions (en particulier, autour de l’adhésion à l’euro). Récemment, on a vu « les dirigeants des trois principales organisations du monde des affaires [British Chambers of Commerce, Confederation of British Industry et l’Institute of Directors] entreprendre une tentative commune sans précédent pour imposer au gouvernement » de nouvelles règles financières, et plus largement « pour maximaliser leur influence politique » (Financial Times, 22 mars 2001). Et le vicomte belge, Davignon, figure-clé de la classe capitaliste européenne (diplomate « atlantiste », ex-commissaire européen de la politique industrielle, dirigeant de la holding Société Générale, véritable maître de la Belgique pendant 150 ans jusque dans les années 1980) s’est fendu d’une tribune libre dans plusieurs journaux européen (notamment dans Le Monde) pour annoncer aux patrons dans l’UE que désormais il existait un statut de l’entreprise anonyme européenne et terminer par un appel : « Patrons, mobilisez-vous ! ».

Progrès de l’UE sur le dos des travailleurs

En dix ans, depuis 1991, l’UE a énormément progressé. Elle a marqué une victoire importante et imprévisible (sur le dos de la classe ouvrière de surcroît) : constituer le seul vrai marché unique dans le monde qui a réussi à se doter d’une monnaie unique. Elle s’est lancée dans une bataille pour transposer sa puissance économique sur le plan politique-étatique, au service des grands groupes capitalistes multinationaux. Dans la foulée de ce succès, les coordinations inter-étatiques (conseils de ministres) se sont multipliées et renforcées. C’est ainsi que l’UE se construit entre deux « crises de croissance ». Les conflits parfois chaotiques entre États-membres, lors des Sommets de l’UE, escamotent l’ampleur et la cohérence croissantes de ces coordinations politiques — néolibérales, bien entendu — au travers de ce que le jargon de l’UE appelle « les processus », lancés lors de ces sommets. Peu ou pas visibles, elles forment aujourd’hui le centre de gravité de la politique quotidienne dans l’UE qui influence de plus en plus les politiques nationales. Pour n’en citer que deux : celui du Luxembourg, qui s’occupe de « la réforme du marché du travail », et celui de Lisbonne qui a imposé « l’État social actif ». Une fois décidée, l’application suit en mettant en place des critères, des rapports, des décisions, sous la surveillance de la Commission. Le sommet de Nice fut chaotique et a discrédité l’UE. Mais en même temps, les classes dominantes ont été servies : l’élargissement vers l’Est a été voté (et les structures de l’UE adaptées en conséquence) et l’application des « coopérations renforcées » facilitée (permettant, légalement, à des pays-membres d’avancer plus vite dans la collaboration sur certains terrains ou sujets, évitant les blocages et renforçant le noyau central de l’UE). Le sommet de Stockholm a permis de relancer les privatisations dont une nouvelle vague arrivera dans la deuxième moitié de 2001. Celui de Göteborg a buté sur les difficultés de l’élargissement à l’Est. Mais désormais la voie est ouverte pour une intégration des marchés financiers. Les classes dominantes vont se mobiliser pour une nouvelle offensive d’envergure, sachant que des tournants politiques et économiques se pointent à l’horizon.

Notes

[1Financial Times du 4 juin 2001.

[2Voir la description colorée mais déçue dans Démocratie et Socialisme, le bulletin du courant Gauche Socialiste du PS français.

[3Cité par Le Soir, 29 mai 2001.

[4Éditorial du Financial Times, 1er juin 2001.

[5Cf. le dossier très complet dans The Economist, “Europe’s magnetic attraction, Survey”, 19 mai 2001.

[6L’ERT (European Round Table of Industrialists) se compose aujourd’hui des 46 principales entreprises d’Europe, qui exploitent 5 millions de travailleurs en Europe et ailleurs, et ont un chiffre d’affaire total de 950 milliards d’euros. Fondée en 1983 à cause la faiblesse de l’UNICE qui, à l’instar de la Confédération européenne des syndicats (CES), est un regroupement de confédérations patronales nationales, l’ERT permet une intervention directe des grands groupes. Comme Jacques Delors l’a déclaré : « Si je voulais que la création du marché unique devînt la colonne vertébrale de ma présidence (de la Commission), j’avais besoin de l’appui du monde des affaires. L’UNICE était incapable de jouer ce rôle. Discuter avec l’ERT fut simple et direct » (Interview au Financial Times, 20 mars 2001).

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