Entretien avec Fadwa Barghouti

, par BARGHOUTI Fadwa, COURT Mireille, DEN HOND Chris

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Fadwa Barghouti, avocate et compagne de Marwan Barghouti, dirigeant de la deuxième Intifada, nous explique les raisons pour lesquelles Marwan s’était présenté et ensuite retiré de la course à la présidence palestinienne.

Cet entretien s’est effectué dans les bureaux de « Free Marwan Barghouti campaign », à deux pas de la Mouqata’a à Ramallah.

Marwan Barghouti à Ramallah

Fadwa Barghouti : Il y a eu beaucoup d’ingérence dans nos élections de la part des Américains, des États arabes, des États européens, d’Israël : tous ont fait des déclarations en faveur d’un candidat et contre un autre. Tony Blair a annoncé une conférence de paix, mais seulement si Abou Mazen gagne les élections. Il est clair qu’ils mettent les Palestiniens sous pression. Colin Powell a fait une déclaration dégoûtante quand Marwan était candidat aux élections.

  • Chris den Hond : Pas mal de gens étaient déçus quand Marwan s’est retiré de la course électorale. Même au nom de l’unité de Fatah. N’est-il pas temps d’avoir une clarification politique au sein de Fatah en remerciant la vieille génération pour les services rendus et en laissant des opportunités à la nouvelle génération ?

F. B. : Quand Marwan était candidat pour les élections, il a ouvert la discussion sur la démocratie au sein du Fatah. Le choix pour Abbas ne s’est pas fait d’une façon démocratique ; c’est le comité central du Fatah qui a fait ce choix. Seulement 16 personnes. Il n’y a pas eu d’ élections primaires au sein du Fatah pour désigner un candidat. En se posant candidat, Marwan a stimulé la discussion sur la démocratie au sein du Fatah et la façon dont Mahmoud Abbas a été désigné. Marwan a toujours oeuvré pour la démocratie au sein du Fatah et il considère que si le Fatah, le parti le plus fort en Palestine, veut gérer la société palestinienne d’une façon démocratique, le Fatah lui-même doit se convertir en un parti démocratique.

Pendant ces élections, Marwan a voulu dire : « Vous avez ignoré les bases du Fatah. Vous n’avez pas consulté la base ». Nous croyons que la jeune génération a parlé pour la première fois. La démocratisation du Fatah est devenue un sujet de discussion important : à quel niveau la démocratie devrait être appliquée et la vieille génération remplacée par la nouvelle. En devenant candidat, c’est Marwan qui a ouvert cette discussion.

  • C. D. H. : Beaucoup de médias et politiciens occidentaux ont déclaré que la mort d’Arafat est une chance pour la paix, comme si Arafat était un obstacle à la paix.

F. B. : C’était l’une des raisons principales pour lesquelles Marwan a décidé de se porter candidat pour les élections. Il sentait que certains pays occidentaux, comme des pays de la région et Israël parlaient d’un ton enthousiaste de la mort d’Arafat, en considérant l’époque d’Arafat comme une époque de terrorisme et en prédisant qu’une nouvelle ère s’ouvrira maintenant.

Cela enrageait beaucoup Marwan, parce que condamner Yasser Arafat, c’est condamner toute la lutte palestinienne, donc aussi l’Intifada palestinienne. En même temps, ils embrassaient Sharon en oubliant sa responsabilité dans l’occupation. Marwan voulait mettre l’accent sur l’époque d’Arafat ; c’est une époque envers laquelle nous sommes fiers en tant que Palestiniens et que nous voulons perpétuer.

  • CDH : À quoi doit s’attendre Mahmoud Abbas après sa victoire ?

F.B. : Il y a beaucoup de défis pour Abbas dans la prochaine période. Le premier est d’élargir la démocratie et d’arrêter la corruption comme, évidemment, l’occupation israélienne. Les Israéliens sont toujours dans la même position. Sur le terrain, rien n’a changé. Yasser Arafat est mort, maintenant il y a des élections, mais du côté israélien rien n’a changé.

Alors pourquoi tout le monde s’exhalte soudain pour la paix ? Rien n’a changé dans la mentalité des occupants israéliens. Le deuxième défi concerne la communauté internationale. Ceux qui essaient de voir la nouvelle époque comme une nouvelle époque de paix, comme si Sharon avait aussi changé, n’ont rien compris.

Fadwa Barghouti
Le 26 novembre 2004, Fadwa annonce les intentions de Marwan pour la campagne.

C’est la responsabilité de la communauté internationale de réellement jouer son rôle, en augmentant la pression sur Israël, pas sur les Palestiniens. Les Palestiniens ont fait de leur mieux en organisant des élections d’une façon démocratique. Nous sommes disposés à renouveller les négociations et le processus de paix, mais c’est aux Israéliens de donner maintenant quelque chose de substantiel aux Palestiniens. Ca c’est le vrai défi pour Mahmoud Abbas.

Je suis optimiste. Les Palestiniens gagneront finalement parce que nous nous battons pour nos droits élémentaires. Mais, à court terme, je suis pessimiste. Les Israéliens et la société palestinienne demandent à Mahmoud Abbas beaucoup de choses qu’il ne pourra pas accomplir. Il sera vite bloqué et ce sera à la communauté internationale de l’aider en augmentant la pression sur Israël.