Entretien d’Olivier Besancenot pour l’association “Pour la République sociale”

, par BESANCENOT Olivier

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PRS : Un an après la victoire du non, quel bilan politique tires-tu ?

Cela a redonné du poil de la bête et du courage à tous le monde. Je me souviens du forum social européen d’Athènes qui a été un succès certain alors que certains pensaient que ça allait être un plantage.

Il y a aussi ce qui s’est passé avec une victoire sur une mesure libérale française qu’était le contrat première embauche. Ce qui veut dire qu’un an après, le libéralisme est rejeté majoritairement en France, et ça c’est essentiel.

Maintenant on a toujours un rouleau compresseur libéral en face qui s’assoit sur les revendications sociales des consultations démocratiques, l’agenda de la commission qui est resté le même, la directive Bolkenstein à peine relookée qui est passée, avec Clearstream qui montre que les paradis fiscaux sont toujours là. On est dans une course de vitesse qui continue.

PRS : Penses-tu que la gauche anti-libérale peut être majoritaire dans les urnes en 2007 ?

Je sais pas, je ne lis pas dans le marc de café. Elle n’aura de succès politique que si elle assume son indépendance totale vis-à-vis de la direction du Parti socialiste. Je suis pour des candidatures unitaires, pas que pour un calcul arithmétique car à l’heure actuelle je ne sais pas si nos voies s’additionnent. Mais je suis pour car je pense à l’après élection : si on a une droite dure au pouvoir, il faut autre chose qu’une gauche mole en face d’elle, et si on a une gauche mole, il faut une gauche bien indépendante qui la fasse avancer à coup de pied dans le cul.

PRS : Qu’est-ce qui fait que la ligue n’a pas rejoint l’appel à des candidatures unitaires ?

On l’a déjà dit, il faut dire clairement que l’on refuse toute participation gouvernementale ou tout accord parlementaire avec la direction du parti socialiste.

PRS : Penses-tu que les différentes composantes du Non de gauche ont une responsabilité commune ?

Oui, je crois que l’on a une responsabilité commune. On a appris à se connaître. Moi et les socialos on se connaissait peu dans le meilleur des cas et dans le pire des cas j’avais une mauvaise image parce que je ne connaissais pas ce secteur là du peuple de gauche que j’ai connu lors du référendum. Donc on a une responsabilité commune par rapport à l’espoir d’une autre gauche plurielle, une autre gauche que la gauche plurielle. Maintenant, on a aussi des désaccords, et notre responsabilité c’est aussi de traiter ces désaccords. Il ne faut pas faire comme s’ils n’existaient pas. Ce soir c’est bien, nous étions tous sur la photo mais ça faisait un peu photo muette et une photo muette ça ne suffit pas à faire un film.

PRS : Comment traduire politiquement le vote populaire du 29 mai 2005 ?

Le prolongement, au de-là d’une échéance électorale, ce serait de rassembler sur des bases anticapitalistes, une nouvelle force dans l’espace politique qui est laissé à la gauche de l’ex gauche plurielle. C’est cet espace là qu’il faut occuper avec tous ceux qui ont participé à la campagne du Non de gauche et les nouvelles générations qui arrivent avec leur expérience de la lutte contre le CPE. Notre projet c’est ça. Quand je dis anticapitaliste ce n’est pas pour prendre un mot supérieur à antilibéralisme c’est que pour proposer tout ce que l’on propose dans la charte antilibérale (l’augmentation des revenus, le développement du service public, des législations efficaces contre les licenciements) il faut s’en prendre aux multinationales et ça à ma connaissance, mais je suis sûr que Jean Luc Mélenchon pense la même chose, la direction du PS ne va pas le faire.

PRS : La ligue sera-t-elle favorable à l’émergence d’une force nouvelle ?

Je ne pose pas le problème en terme de coalition parce que je pense que les jeux de mécanos ce sont des jeux casse-gueule. Je pense que ce n’est pas la peine de chercher d’autre modèle ailleurs. Il y a des expériences super intéressantes au Portugal, en Grande Bretagne, en Italie, en Allemagne, en Uruguay mais il n’y a pas de modèle exportable. Je le dis car la politique de la ligue pendant 15 ans c’était de trouver le bon modèle soit de refondation communiste en Italie, soit du bloc de gauche au Portugal, soit du PT brésilien. C’était des expériences qui n’avaient rien à voir. Il faut faire avec ce que l’on a, avec des courants et avec des gens qui ne sont pas organisés. Il faut pour cela des expériences fondatrices. La campagne du 29 mai en a été une. Mais il y a des expériences que l’on a loupées depuis, celle des quartiers notamment. La réactivité des collectifs du 29 mai, je m’excuse. Mais pas seulement la réactivité car il y avait aussi des désaccords entre nous sur la façon d’aborder les choses. Il y a des gens qui durant cette campagne (que l’on continue encore à voir ce soir à la tribune) qui persistent à penser que ce qui s’était passé dans ces quartiers c’était d’abord des actes de délinquance. Moi je croie qu’il y avait de la politique.

P.-S.

Article paru sur le site de l’association Pour la République Sociale , dossier « 29 mai 2006 : un an après la victoire du non ».

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