La propagande sur Internet

, par DOLHEN René-Marc

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La propagande est au centre du fonctionnement des mouvements politiques, notamment des mouvements révolutionnaires. Autrefois à la pointe de la propagande notamment grâce à l’édition de journaux, les révolutionnaires se sont progressivement retrouvés à l’arrière garde de la diffusion des informations, avant tout à cause d’un manque d’adaptation à l’évolution des médias.
La communication purement écrite au début du siècle, accessible à tout mouvement se dotant d’une infrastructure correcte, est devenue à la fin de ce siècle totalement minoritaire, dépassée par la radio puis par la télévision. Ces nouveaux médias, contrôlés par de puissants groupes capitalistes, ne sont pas à la portée des mouvements politiques révolutionnaires : ils sont trop chers et il existe suffisamment de barrages lors de la création de ces médias pour bloquer toute tentative d’utilisation véritablement indépendante des pouvoirs économiques et politiques.
L’arrivée d’Internet change cependant la donne : chaque individu, à la condition d’être muni d’un ordinateur, d’un modem et d’un accès internet, peut diffuser des informations sur ce media quasiment gratuitement. Internet peut-il permettre aux révolutionnaires de reconquérir le terrain de la communication, terrain déserté de force au cours des dernières décennies ? Que peut-on y faire ? Qui peut le faire ?
Les sites web. La présence d’une organisation politique sur Internet commence par un site web. Le site web est, comme un journal, la vitrine de l’organisation. C’est le principal canal de diffusion d’informations vers l’extérieur, accessible par n’importe qui, n’importe où. Pour qu’un site web soit attirant, son contenu doit changer régulièrement. Des mises à jour hebdomadaires, voire quotidiennes, sont nécessaires. Si, entre deux visites d’un internaute, le site n’a pas changé, celui-ci ne reviendra pas une troisième fois. La bonne tenue d’un site web nécessite donc autant de rédacteurs que pour un bon journal, par contre la mise en page et la diffusion nécessitent beaucoup moins de moyens.
Enfin, le site web, contrairement à un journal, est de taille potentiellement infinie, il peut mettre à disposition une ou plusieurs années d’archives sans surcoût prohibitif et permettre des recherches dans ces archives, se transformant en véritable mémoire collective.
Les listes de discussion. Une liste de discussion permet de diffuser des informations par courrier électronique auprès de personnes abonnées. C’est un moyen simple et gratuit de diffuser de l’information auprès de gens forcément intéressés, puisqu’ils se sont abonnés volontairement à la liste.
Attac et le Monde diplomatique sont deux organisations utilisant à grande échelle des listes pour la diffusion d’information.
C’est aussi un moyen de diffusion efficace d’information à l’intérieur d’un mouvement politique, puisqu’on peut contrôler les inscriptions à la liste de discussion, et utiliser des logiciels d’authentification et de cryptage des messages afin de garantir leur origine et la confidentialité des contenus. Il existe aussi bien des listes d’annonces (diffusion de l’information du propriétaire et de quelque personnes vers les abonnés) que des listes de discussions entre les abonnés. Le propriétaire de la liste (le « modérateur ») dispose du contrôle total de la liste : il peut exclure des membres et censurer des messages.
L’apparition de fournisseurs gratuits de listes de discussions permet à n’importe qui de créer une liste sur le thème qu’il veut, charge à lui de trouver les abonnés ; il existe maintenant des milliers de listes sur tous les thèmes. [1]
Les forums de discussion. Les forums de discussion (aussi appelés Usenet pour users network, le réseau des utilisateurs) sont des lieux de discussion organisés par thème et par langue et accessibles à tout le monde. Les forums sont organisés hiérarchiquement : par exemple le forum fr.soc.politique est un forum francophone (le fr) traitant d’un thème "société" (soc), la politique. On trouve ainsi plus de 270 forums francophones, de fr.bienvenue.questions pour les questions des débutants dans les forums à fr.soc.sectes en passant par fr.rec.boissons.bieres et fr.lettres.langue.anglaise [2]
Les forums n’ont pas de propriétaire et, pour la plupart, ne sont pas soumis à censure, à part certains forums d’annonces ou pour éviter la présence de discussions hors-sujet. Les forums n’appartiennent à personne : ils peuvent être créés par n’importe qui, suivant une procédure bien précise avec une période de discussion sur le nom et le thème du groupe et une période de vote destinée à mesurer l’audience éventuelle du futur groupe, pour ne pas créer un groupe n’intéressant personne.
Un groupe passant avec succès l’épreuve du vote est ensuite créé et son contenu est diffusé quasiment simultanément sur des milliers d’ordinateurs dans le monde.
De nombreux forums intéressant des militants existent, sur des thèmes extrêmement variés : on trouve des forums politique (fr.soc.politique), religion (fr.soc.religion), féminisme (fr.soc.feminisme), travail (fr.soc.droit), environnement (fr.soc.environnement) accessibles en langue française. Les seuls mouvements semblant avoir investi les forums à des fins de propagande sont les mouvements d’extrême droite et les sectes. L’extrême droite s’en sert généralement pour la diffusion d’idées racistes et négationnistes, les sectes diffusent leurs idées et tentent de se faire passer pour des minorités religieuses. Du côté des mouvements de gauche, il n’existe aucune propagande organisée ; seuls quelques individus contrent systématiquement les propos de l’extrême-droite et des sectes.
Les associations d’internautes. Depuis le début de la médiatisation d’Internet, des associations d’utilisateurs se sont créées, afin de rappeler que ce media est autre chose qu’un moyen de commander une pizza à l’autre bout du monde. Participer à ces associations est donc essentiel, c’est défendre la vision d’un Internet solidaire et indépendant.
Il existe aussi des organismes, tels que l’ICANN [3] (organisme en charge du nommage des domaines internet) permettant aux internautes de donner leur avis.
Que faire ? La plupart des médias décrits ci-dessus sont accessibles à n’importe quelle personne pourvue d’un accès Internet. C’est la seule possibilité de diffuser des idées gratuitement à un grand nombre de personnes, c’est aussi la vraie raison de vivre de l’Internet, progressivement dévoré par une utilisation marchande. Participer aux différentes activités de l’Internet, c’est diffuser des idées, mais c’est aussi rappeler qu’Internet est autre chose qu’un supermarché sur un minitel moderne.

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