- Le Temps : Vous reprochez au Conseil fédéral d’avoir entravé vos recherches. Comment ?
Sébastien Guex : Du côté suisse, nous n’avons eu accès à pratiquement aucune information intéressante datant d’après 1970. Le Conseil fédéral a interdit l’accès à tous les documents contenant des noms d’entreprises suisses, pour les protéger d’éventuelles plaintes contre les sociétés ayant soutenu le régime raciste en Afrique du Sud. À ma connaissance, c’est la première fois que le Conseil fédéral a pris une telle décision. Elle est particulièrement grave parce qu’elle s’applique au-delà du délai légal permettant la consultation des archives et couvre aussi la période des années 60. Mais nous avions déjà récolté beaucoup de documents sur ces années-là lorsque la décision a été prise.
- Quels nouveaux éléments avez-vous découverts ?
Ce qui est nouveau provient des données de la banque centrale sud-africaine sur les exportations de capitaux suisses en Afrique du Sud. Ces exportations se sont faites sous forme d’investissements directs, de placements et d’emprunts. Les chiffres montrent que le volume de ces capitaux est sensiblement supérieur à ce que l’on pensait jusqu’à présent, de l’ordre de 30 % (ndlr : selon l’étude, les exportations de capitaux suisses en Afrique du Sud représentaient 10,3 % de l’ensemble des investissements directs et 13,1 % de l’ensemble des investissements indirects pour l’économie sud-africaine en 1990). On peut dire que la Suisse a ainsi financé de façon importante l’économie sud-africaine, et que ce rôle est devenu plus important à l’époque des sanctions économiques internationales contre le régime de l’apartheid (ndlr : dans les années 80). Nous confirmons aussi le rôle de la Suisse comme plaque tournante des exportations d’or sud-africain.
- Craignez-vous qu’on vous reproche vos opinions de gauche pour discréditer votre travail ?
Je réponds toujours la même chose à ce sujet : j’attends qu’on me montre que j’ai tort, ou plutôt que nous avons tort car cette étude est le fruit d’un travail d’équipe. Je ne conteste pas être de gauche, et d’une gauche tout à fait conséquente, mais ceux qui nous critiquent doivent se placer au même niveau que nous, en présentant une analyse rigoureuse des faits et des chiffres.