Les éditions Le temps des cerises ont pris la suite des Éditions sociales du PCF. Elles représentent une de ses tendances « rouge » qui croit encore en la possibilité de changer la société.
Il y a peu elles ont annoncé qu’elles allaient s’associer avec d’autres pour former une nouvelle structure, Libredit, ayant pour but de diffuser les ouvrages d’un certain nombre d’éditeurs indépendants. La lettre annonçant cette nouvelle était signée de Francis Combes pour Le temps des cerises et de Hugo Franssen pour les éditions EPO.
Or que sont les éditions EPO ? Il s’agit d’une société d’édition belge truffée de maoïstes à l’ancienne. A l’annonce commune de la naissance de Libredit est jointe une pub pour les livres publiés par EPO et que l’on doit commander au Temps des cerises. Parmi des dizaines de titres tout à fait honorables sur l’Algérie, la mondialisation ou le rêve africain du Che, deux nous ont interpellés de par le petit commentaire qui les accompagne. Un autre regard sur Staline [1] est signé Ludo Martens, président du Parti du Travail de Belgique et commenté ainsi : « Le cinquantième anniversaire de la mort de Staline imposait aux éditions EPO une réimpression de cet ouvrage fondamental . L’auteur y démonte scientifiquement, avec des sources « occidentales » inconnues du grand public, les grands média mensonges déversés depuis des décennies contre la construction du socialisme en URSS ».
Quant à Trotskisme ou léninisme ? [2] il est signé Harpal Brar, dirigeant de l’Association des travailleurs indiens de Grande-Bretagne, avec le commentaire suivant : « Les leaders politique du trotskisme se sont mis au service de la contre-révolution pendant la guerre froide, déstabilisant les pays qui construisaient le socialisme au nom d’une « lutte contre la bureaucratie », applaudissant les « révolutions démocratiques » d’Eltsine et consorts. Pourquoi ? ».
Nous avons acheté ces deux livres pour avoir une idée des positions que le Temps des cerises acceptait pour le moins de parrainer (même si la déclaration initiale stipule que les maisons d’édition respectives « gardent évidemment leur ligne éditoriale propre »). C’est en effet au Temps des cerises qu’il faut s’adresser pour commander un livre d’EPO.
Un autre regard sur Staline aurait pu paraître en 1953, date de la mort du petit Père des peuples. C’est en effet un très ancien regard sur Staline qui nous est offert. C’est incroyable ! On y retrouve tous les poncifs célébrant son génie. Certes, l’auteur ne prétend pas avoir rédigé une biographie de Staline mais simplement avoir voulu « aborder de front les attaques contre Staline auxquelles nous sommes le plus habitués ». Et il en énumère huit : le testament de Lénine ; la collectivisation imposée ; la bureaucratie étouffante ; l’extermination de la vieille garde bolchevique ; les grandes purges ; l’industrialisation forcée ; la collusion Staline-Hitler ; l’incompétence dans la guerre.
Nous ne pouvons dans ce court article que résumer quelques-unes des idées du stalinisme triomphant que l’on est quand même interloqué de retrouver dans un ouvrage paru en 1994 et republié en 2003 :
— Trotski, sans aucune restriction, serait toujours monté en premières lignes pour combattre les idées de Lénine, notamment avec son « verbiage gauchiste » sur la révolution mondiale, alors que Lénine aurait toujours exprimé sa confiance en la construction du socialisme dans la seule URSS ;
— La collectivisation aurait été un mouvement spontané repris mais non pas imposé par Staline. La grande famine de 1932 a été en grande partie causée par « le sabotage et les destructions effectuées par les koulaks » ;
— Les purges de 1937-1938 ont été critiquées de façon identique par les nazis et les trotskistes mais elles ont permis de liquider les contre-révolutionnaires qui se seraient mis au service des hitlériens, comme l’ont fait ceux qui malheureusement avaient été épargnés. Remarquons que le fait que les nazis aient dénoncé certains aspects de la répression en URSS ne signifie pas obligatoirement qu’ils mentaient : ce sont eux qui ont dénoncé en 1943 le massacre de Katyn, après avoir retrouvé dans la forêt près de Smolensk les corps de 6 000 officiers polonais disparus ; les lettres et les différents objets retrouvés avaient permis aux experts d’affirmer qu’ils avaient été fusillés en 1940, alors que les Soviétiques occupaient la région. Bien entendu Goebbels et sa propagande en tirèrent le plus grand profit. L’Union soviétique refusa que la Croix-Rouge enquête et rompit ses relations avec le gouvernement polonais de Londres. Actuellement personne ne doute plus de la nationalité des assassins (il suffit de consulter le Petit Larousse) ;
— Trotski a calomnié le PC allemand en prétendant que c’est lui qui avait refusé le front unique avec le PS et était donc responsable de l’arrivée de Hitler au pouvoir : ce sont les sociaux-démocrates qui ont « refusé toute unité antifasciste et anticapitaliste » ;
— En défendant la thèse selon laquelle pour bien se préparer à la guerre d’agression nazie il fallait abattre Staline et les bolchéviks, Trotski est devenu un instrument au service des hitlériens ;
— L’URSS a triomphé des nazis grâce à la lucidité dont Staline fit toujours preuve, de la signature du Pacte germano-soviétique en 1939 aux innombrables décisions qu’il dut prendre pendant la guerre.
Cet Autre regard sur Staline est un regard que connaissent bien les anciens du PCF et s’il utilise certains témoignages d’occidentaux naïfs de l’époque il ne tient aucun compte des nombreux documents inédits que l’on peut puiser dans l’ouverture (partielle) des archives soviétiques.
Ceux qui veulent comprendre ce qu’a été véritablement la période stalinienne doivent à tout prix lire le Staline de Jean-Jacques Marie [3] qui utilise les nombreux témoignages actuellement disponibles et est autrement convaincant que la triste production qu’accepte de diffuser Le temps des cerises.
Quant à Trotskisme ou léninisme ? c’est un gros ouvrage de 575 pages, fort bien présenté, qui développe toutes les antiennes du livre précédent. Pour le définir il suffit de scruter son annexe 3. On y trouve avec une présentation élogieuse, un extrait d’un livre publié en 1947 par deux auteurs américains, Sayers et Kahn, La grande conspiration contre la Russie et paru en français aux éditions du PCF « Hier et aujourd’hui ». Ce livre était considéré à l’époque comme le meilleur condensé des mensonges staliniens depuis deux décennies. L’annexe 3 est intitulée « Trotski a été assassiné par un trotskiste ». L’auteur commence ainsi : « Le meurtre de Trotski par un de ses propres disciples offrait l’occasion aux trotskistes d’attribuer un crime imaginaire de plus aux agents de Staline — l’assassinat de Trotski. Comme toujours la réalité est très différents de sa représentation par le trotskisme ». Et l’annexe 3 se termine par la phrase finale du chapitre « Mort à Mexico » de Sayers et Kahn : « La mort de Trotski ne laissait plus qu’un candidat vivant au rôle de Napoléon en Russie : Adolphe Hitler ».
Pour commander ce livre il faut s’adresser au Temps des cerises.
Vous avez dit Le temps des cerises ? Ce serait plutôt « Le temps des noyaux » !