NPA : Quelques problèmes... de (politiquement) riches !

, par BORRAS Frédéric, HAYES Ingrid

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Comme on l’a dit et répété avec juste raison, la première phase du processus constituant du nouveau parti anticapitaliste en devenir est un réel succès. L’aspect numérique est sans doute un indicateur insuffisant, notamment
parce qu’il ne donne pas en lui-même d’éléments sur l’implantation du processus, sur le degré d’extension du champ politique et social jusque là
occupé par la LCR. Il est pourtant décisif. Or, sur ce plan, les éléments d’information dont nous disposons, limités par la diversité des rythmes et du
degré de centralisation, indiquent un développement net, avec, à l’heure
où ces lignes sont écrites, environ 300 comités existants, créés pour l’essentiel en avril et en mai, et une centaine encore en constitution, regroupant plusieurs milliers de personnes parmi lesquelles les militante-s de la LCR sont nettement minoritaires. Entre 15 et 20% de comités créés dans des endroits où il n’existait
pas d’implantation préalable de la LCR. C’est un succès incontestable qui valide non seulement notre analyse en ce qui concerne l’attente, la demande d’un tel outil,mais aussi sur la capacité de milliers de personnes à s’engager dans sa construction. Ce développement dépasse largement l’afflux demilitant-e-s arrivés pendant et après la campagne présidentielle, et qui se serait vraisemblablement poursuivi ensuite de manière plus limitée. De nombreux militants du NPA ne seraient pas en tout état de cause entrés à la LCR.
S’il est encore difficile de mesurer dans quelles proportions le processus
du NPA induit une mutation sur le plan sociologique, deux aspects semblent
très significatifs : d’abord, si le projet attire un grand nombre de militant-e-s associatifs, de syndicalistes avec lesquels nous avons souvent partagé des expériences communes, la majorité n’avait pas eu jusqu’ici d’expérience militante organisée. C’est l’accélération d’une tendance qu’on avait constatée pour les générations post-2002 et post-2007 entrées à la LCR. Une tendance liée à notre capacité nouvelle à nous adresser directement aux larges masses,
mais il y a là une spécificité, et pas seulement sur l’ampleur du phénomène
 : cela signifie que le NPA donne envie de s’engager à des gens qui jusque là n’avaient pas trouvé le cadre adéquat. C’est un élément décisif pour la réussite du projet, et c’est la concrétisation, certes à une petite échelle, de la perspective d’offrir à chacun-e la possibilité de se représenter elle/lui-même, de construire l’outil dont elle/il a besoin. D’autre part, l’hétérogénéité des parcours politiques est d’ores et déjà très grande. Il faut regretter qu’il n’y ait pas aujourd’hui de courants politiques nationaux qui se joignent en tant que
tels au processus (et on ne se résigne pas à ce qu’il en soit ainsi pour l’éternité !), mais le fait que la Ligue soit la seule force structurée n’implique pas pour autant l’homogénéité politique qu’anticipaient les thuriféraires d’une « LCR-bis ». Les militantes et militants qui rejoignent le processus sont représentatifs de la diversité des traditions et des expériences politiques des dernières
décennies, ex militant-e-s ou sympathisant-e-s du PS, du PC, de LO ou des
Verts, militant-e-s formés dans le cadre du mouvement altermondialiste,
écologistes radicaux, libertaires, et aussi toutes celles et toux ceux qui
n’ont jamais milité dans un cadre organisé mais que l’évolution de la situation politique et sociale a marqués, d’accord sur l’indépendance vis-à-vis du social-libéralisme, l’anticapitalisme (dont ils soulignent qu’il faut le définir en positif, comme un projet), l’ancrage dans les mobilisations, mais avec toute une gamme de conceptions sur le plan programmatique et stratégique, ou sur la nature et le fonctionnement du parti en construction.
Par ailleurs une série de décantations ont lieu, qui constituent un signe positif,même si elles sont encore limitées. Le fait que le débat sur le NPA rebondisse au sein de la Fraction de Lutte Ouvrière, qu’une partie substantielle
des collectifs antilibéraux s’emparent de la discussion et parfois du projet, que des animateurs du « non » de gauche ou du mouvement altermondialiste, tels Raoul-Marc Jennar ou Clémentine Autain, engagent sérieusement la discussion, prenant acte d’une situation où le projet de NPA constitue la seule initiative à la fois d’envergure et susceptible de réussir, ce sont autant de points d’appui pour que la dynamique se poursuive, s’approfondisse et s’élargisse.

Un rapport de forces dégradé

Ce constat extrêmement positif n’annule pas comme par enchantement les difficultés de la situation. Il faut les garder en tête pour se garder du triomphalisme, mais aussi pour construire l’outil adapté.
La presse aime à laisser penser que nous nous réjouissons de la dérive
à droite du Parti socialiste, parce qu’elle ouvre encore un peu plus le
champ qu’il nous serait loisible d’occuper. Il est vrai que l’incapacité de la
gauche dite gouvernementale à incarner même partiellement les intérêts de la classe salariée, par sa large visibilité, contribue à renforcer le sentiment
d’urgence, l’attente, et en ce sens la crédibilité du projet que nous portons. Mais en se plaçant du point de vue de l’ensemble des salarié-e-s, cette évolution est catastrophique. La dérive du Parti socialiste entraîne avec lui, comme forces organisées, ceux qui préfèrent le baiser de l’araignée au risque de l’inexistence institutionnelle, mais aussi, au-delà des partis, des fractions entières de la société. Pour le dire simplement, quand Sarkozy prononce le discours de Dakar (expliquant que les Africains ne sont pas rentrés dans l’Histoire parce qu’ils vivent au rythme des saisons) sans provoquer un tollé, au
minimum une campagne à gauche, c’est le signe d’une très forte dégradation
du rapport de forces et c’est un recul, une défaite pour l’ensemble des salarié-e-s. D’autre part, le champ à gauche du Parti Socialiste est aujourd’hui si vaste et si béant qu’il pourrait laisser penser que le NPA aurait pour vocation de devenir « la » gauche. Ce n’est pas le cas, à moins de penser qu’il n’y a d’espace aujourd’hui que pour une gauche résolument en rupture avec le système capitaliste. En revanche il est vrai qu’au sein de cet espace nous souhaitons mener bataille pour que l’anticapitalisme en occupe la plus grande
partie possible.
Par ailleurs, la dérive à droite du Parti socialiste n’est pas simplement liée à une logique interne à ce parti, à son intégration dans le coeur de l’État et du capital, elle est aussi dialectiquement liée à l’évolution politique globale qu’a subi la société. Nous (comme courant !) ne croyions pas au discours « gauche » d’un Mitterrand dans les années 1970, mais force est de constater qu’alors la situation et le rapport de forces le contraignaient à tenir de tels discours. Il n’est pas indifférent que le Parti socialiste ne s’y sente plus
contraint aujourd’hui. Cette évolution est liée à celle du salariat et du mouvement ouvrier, de son activité et de son niveau de conscience. Sur
tous ces plans la tendance lourde est indiscutable : le salariat a subi une
longue série de défaites, de l’explosion du chômage de masse au développement de la précarité en passant par la mise en cause de la protection
sociale et les privatisations, le mouvement ouvrier s’est affaibli et a perdu beaucoup de sa force d’attractivité. L’Histoire n’est pas pour autant terminée : si le prolétariat moderne est affaibli et privé de contre-projet de société qui le structure et formalise ses espoirs, se manifestent ses capacités de résistance,
concrétisées par la multiplicité des luttes, la persistance de ripostes, d’explosions sociales. Il n’y a pas eu de défaite finale. Cette contradiction est le point d’appui fondamental dans la situation.

Le bilan du siècle du point de vue de la bataille pour le socialisme

Nous disposons d’un impressionnant arsenal pour dénoncer les maux du système capitaliste et les politiques qui s’inscrivent dans ce cadre. Olivier Besancenot le fait avec efficacité dans les meetings ou à la télévision. Les camarades qui racontent parfois tout simplement les soucis de leur vie quotidienne dans les réunions en sont les meilleurs procureurs. Mais nous n’avons hélas pas d’expérience ou de modèle sur lesquels nous appuyer pour décrire les contours d’une alternative crédible. Pire encore, l’existence d’un puissant contre modèle, le stalinisme et ses avatars, donne une arme redoutable aux conservateurs pour nous désigner comme de potentiels dangers. Dans les manuels scolaires, des millions de jeunes dans le monde lisent les atrocités du stalinisme, totalitarisme baptisé de façon usurpée « communisme ». Il nous faut donc travailler sur les mots et sur le projet
pour surmonter cet obstacle. Faire exister l’espoir d’un monde meilleur, c’est incontournable pour cristalliser un courant organisé numériquement important pour le défendre. Nous devons le faire sans rien céder, au contraire, sur notre critique des sociétés bureaucratiques totalitaires, et cela doit être clair pour celles et ceux qui, impliqués dans le NPA, viendraient de courants issus des traditions stalinienne ou maoïste. Sur ce point, nous ne partons pas de rien. Il
existe des critiques libertaire ou trotskiste qu’il faudra utiliser, sans en faire
des dogmes, en les réactualisant et en les complétant. Il faudra en ce sens
élucider le lien entre les conditions de la révolution et la nature de la contre-révolution qui l’a suivie en URSS.
Le socialisme du XXIe siècle que nous voulons contribuer à définir et à
populariser devra être clair sur ce point, mais également s’enrichir des acquis du féminisme et de la critique écologique du capitalisme. Il n’y aura pas de société humaine égalitaire sans régler ces questions décisives. Il en va de la crédibilité de notre courant et de l’efficacité de notre projet de les prendre à bras le corps.
Autre question très importante, le fait que les révolutionnaires que nous
sommes manquent d’un horizon révolutionnaire à court terme, et sont
orphelins d’une stratégie révolutionnaire. Il est pour nous évident que prétendre changer la société par une série de réformes successives est un
choix irréaliste. Mais cela ne résout pas le problème : le débat qui faisait
rage dans les années 1970 sur les questions stratégiques fut torpillé par
l’éloignement de la perspective révolutionnaire et par l’échec de la première
révolution du siècle.
Nous savons que notre stratégie de prise du pouvoir aura pour objectif
de renverser le capitalisme, mais sur la stratégie elle-même le débat est ouvert. Nous pouvons accepter de collaborer au sein d’un même mouvement
politique avec des camarades qui pensent nécessaire de transformer radicalement la sociétémais sans avoir tranché sur la stratégie de prise
de pouvoir qui le permet.
Nous savons que les révolutions du 21e siècle présenteront par définition
un visage différent de celles des siècles précédents. Quel sera t-il précisément
 ? Bien malin qui peut le prédire. Simplement on peut dire que les formes de la rupture doivent impliquer des masses conscientes et déterminées à la mesure des moyens toujours plus importants au plan médiatique, économique, politique, militaire dont disposent les conservateurs pour imposer leur choix de
minorité possédante à l’immense majorité de la population.

Délégation, personnalisation et engagement militant sur la durée

L’offensive libérale du dernier quart de siècle, ainsi que le « présidentialisme » des institutions françaises renforcent la logique de délégation. Au cours des dernières années, la logique plébiscitaire et la
« démocratie d’opinion », illustrées entre autres par Royal, ont aggravé
l’atomisation des citoyen-ne-s. La situation dans la jeunesse constitue
une bonne illustration de l’affaiblissement du principe d’organisation collective
sur un mode permanent : fortement réactive et explosive dans les dernières années, la jeunesse n’a pas franchi le pas entre des mobilisations massives et la mise en place d’organisations durables. Le spectacle offert par les partis politiques traditionnels de la classe font supposer aux yeux d’une grande fraction de la population que les partis ou mouvements politiques sont des supports pour la promotion individuelle des dirigeants et futurs dirigeants, et non des vecteurs d’un engagement dont la seule ambition est de changer le monde. Il nous faut faire la démonstration que l’on peut faire le choix collectif de l’engagement sans perdre son identité, que l’on peut déléguer... démocratiquement. Cela suppose une grande exigence en termes de contrôle des directions et d’éventuels élus, de rejet de la professionnalisation des
fonctions politiques de direction, d’autonomie des instances de base. Ces principes doivent constituer le coeur de l’architecture organisationnelle
dont va se doter le NPA.
Nous savons que le projet de NPA est très populaire, qu’il recueille une
forte sympathie dans les classes laborieuses et la jeunesse. Il n’en demeure pas moins que passer de la sympathie à l’engagement concret, cela suppose que des milliers d’individus fassent des choix qui se heurtent à des impératifs de la vie quotidienne. Concilier l’activité politique avec le boulot ou la recherche de boulot, la charge d’une famille, les soucis pour « joindre les deux bouts », ce n’est pas toujours simple, en premier lieu pour les femmes. Le NPA devra prendre à bras le corps cet aspect et proposer des rythmes et des conditions d’engagement qui permettent à chacune et chacun de trouver sa
place et de se sentir utile. Il nous faudra ainsi gérer l’hétérogénéité qui en résultera inévitablement. S’engager, consacrer un temps de son existence
à la lutte, nécessite que l’on puisse raisonnablement en attendre un effet
concret sur sa propre existence. Ou tout au moins sur celle de ses propres
enfants. Nous ne pouvons hélas pas le garantir. C’est pourquoi le congrès
de fondation du NPA devra faire preuve de lucidité pour analyser la situation
politique, émettre un jugement équilibré sur les possibilités qu’elle offre et sur sa propre fonctionnalité dans cette situation. Sans vouloir prédire l’avenir, le plus raisonnable, c’est de penser que le combat contre le système qui nous opprime sera encore long. Cela nécessite que le nouveau parti puisse durer et se renforcer y compris quand il ne sera plus nouveau. Pour durer, il lui faudra
acquérir une culture politique commune solide et une confiance collective
forte. Les affrontements politiques qui font le plus de dégâts au sein des
partis et de leur frange sympathisante portent hélas souvent sur des questions tactiques. Pour pouvoir surmonter ces moments difficiles, il faut que la confiance soit extrêmement forte, considérer que ce qui nous divise tactiquement est infiniment moins important que ce qui nous rassemble. Cela suppose du temps et un contrat politique de départ le plus clair possible. Cela suppose également un exercice de la démocratie interne aussi sourcilleux sur le principe que raisonnable du point de vue de son exercice concret.
Il nous semble indispensable de garantir sans hésiter le droit de
constituer des regroupements ou tendances à celles et ceux qui estiment
nécessaire à un moment donné et aussi longtemps qu’ils le souhaitent de défendre une orientation alternative. Mais il est tout aussi important de ne pas accepter la caricature de tendances qui perdurent et se soudent non sur des enjeux globaux d’orientation mais autour de connivences politiques ou par inertie, au nomd’enjeux qui deviennent flous et qui prennent leur source dans des clivages dépassés. Par ailleurs, il faut que tout le monde soit conscient que la liberté démocratique de toutes et de tous, cela suppose des droits inaliénables mais qui n’ont aucun sens s’ils ne s’accompagnent pas de devoirs et d’une loyauté vis à vis de l’outil commun.

La lente impatience

Il faudra donc apprendre à gérer les temps longs. Mais sans éroder la
compréhension des accélérations de l’Histoire et la nécessité de savoir saisir
les opportunités qu’elle génère.
Apprendre à gérer les temps longs parce qu’on sait que pour pouvoir peser sur le réel, il faut une force de masse, implantée dans les entreprises et les quartiers. Pour y parvenir, il faut être identifié et lisible. Cela nécessite patience et ténacité. La dernière étude de l’IFOP consacrée à notre porte parole montre comment sa popularité ou celle d’Arlette Laguiller n’ont pas été acquises du jour au lendemain. Pas plus que l’identification à une échelle de
masse du nom, du profil et des principaux axes défendus par la LCR ou LO.
Et une fois installée, cette popularité résiste y compris à des moments difficiles.
Malgré les effets négatifs pour LO de son orientation politique dans l’entre deux tours de la présidentielle de 2002 ou de son choix de faire cavalier seul lors de la campagne contre le TCE en 2005, la popularité d’Arlette Laguiller demeure très élevée, et celle d’Olivier Besancenot ne parvient à la surclasser que depuis trois mois (depuis l’après présidentielle auprès des sympathisants de gauche). Reste évidemment le volant essentiel de notre réflexion : comment transformer
cette sympathie en force militante de masse afin de la rendre complètement
utile ? LO, pour n’a-voir pas su construire cet instrument, n’a pas pu sortir de la dépendance et transformer cette popularité en outil efficace. Quelles en sont les causes ? LO a cherché à se construire à son image, c’est-à-dire avec une exigence sur l’engagement de très haut niveau, à la fois en termes de formation politique et de sacrifice personnel. Nous ne tomberons toutefois jamais dans l’excès pratiqué par ceux qui, au nom de ce constat, raillent l’inutilité de LO. Nous pensons pour notre part que si LO n’a pas réussi sur le parti, sa présence a permis d’installer et de crédibiliser dans l’opinion politique des thématiques précieuses, la dénonciation de la misère, de l’oppression, de
l’exploitation, l’exigence de satisfaire les besoins sociaux, d’interdire les
licenciements etc. Nous n’avons pas fait encore la démonstration de la
supériorité de nos choix sur le terrain de la construction du parti. Mais l’enseignement de cet échec, que LO reconnaît elle même, a été utile pour
nous et nous a aidés à faire un choix radical, celui de construire un outil
politique d’une nature différente. Ceci suppose d’accepter l’hétérogénéité
des parcours, d’offrir à celles et ceux qui n’ont pas bac +10 de trotskisme
(ou d’un autre courant politique) un cadre qui leur permette de se situer
dans le débat politique et d’agir. C’est la condition pour réussir le pari d’une
véritable implantation au coeur des quartiers populaires et des entreprises.
Un parti par et pour les classes populaires.
Ce patient travail de construction, d’identification politique ne doit toutefois
pas faire muter le parti au point de lui faire perdre son sens de l’accélération
de l’Histoire, sa spontanéité. Nous ne cherchons pas à construire une PME de la politique en surfant sur la popularité de notre porte parole. Nous voulons faire grandir nos capacités pour peser sur le cours des événements chaque fois que la situation nous en offre l’opportunité. L’Histoire ne bégaie pas,mais elle donne à comprendre. Puisque nous fêtons le quarantenaire, il faut se souvenir qu’entre le 27 et le 30 mai 1968, alors que la direction bourgeoise, avec De Gaulle à sa tête, était en plein désarroi, il manquait un parti pour saisir l’opportunité de l’instant, prendre l’initiative. La multitude n’est rien si elle n’est
pas consciente d’elle-même, de sa force,mais également si aucune force
en émanant ne sait proposer des perspectives. En 68 pourtant, il y avait
bien un parti de masse, défendant (même mal), les intérêts des travailleurs,
le PCF. Lors des commémorations télévisuelles, une journaliste a interrogé deux dirigeants communistes d’alors : quel était l’état d’esprit de la direction du parti au moment du départ de De Gaulle à Baden-Baden ? Avez-vous pensé à
chercher à prendre le pouvoir ? Et nos duettistes de répondre que cela ne
leur avait jamais traversé l’esprit, d’expliquer, d’ailleurs avec une certaine
honnêteté, que les dirigeants du PCF étaient dans la lignée de leurs
prédécesseurs qui ont de fait déposé les armes de la Résistance (et de la
révolution !) en échange d’un pacte républicain et d’un compromis social
avec l’autre branche de la résistance qu’est le gaullisme. La seule chose
envisageable, c’était une victoire par les urnes de la gauche dominée par le
PCF... Il faut faire du neuf, oui. Mais il faut tirer toutes les leçons de l’Histoire
 : proclamer sa radicalité réformiste, aujourd’hui on dirait son antilibéralisme,
ne suffit pas. Il faut aussi être déterminé et prêt à affronter les échéances centrales de la lutte des classes. Sinon on ne sert à rien.
Donc se préparer au marathon, oui. Mais sans altérer ses capacités de sprinter !
Tout ceci délimite les contours du pari que nous nous sommes fixé : rassembler
celles et ceux qui veulent qu’existe l’outil le plus fort et le plus utile possible pour lutter sans concession contre le système, en faveur d’une société débarrassée de toute forme d’exploitation et d’oppression et qui pensent utile de prendre parti ensemble. Combien sommes-nous dans ce cas aujourd’hui ? Le début de notre histoire le dira. Mais l’Histoire tout court, celle de la construction de mouvements politiques, montre que quand on connaît un fort développement, il y a un certain rapport entre ce qu’on était et ce que l’on devient. 100 personnes peuvent en recruter plusieurs centaines, mais rarement des dizaines de milliers... Au vu de ce que représentait la LCR au départ du processus, si au mois de janvier 2009 nous tutoyons la barre des
10 000 militants, cela sera un grand succès qui en appellera d’autres.

F. B. et I. H.

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