Les 3275 délégués des syndicats et organisations communautaires ont voté par acclamations le dimanche 28 juin en faveur d’une grève nationale de tous les travailleurs de Porto Rico contre la privatisation de la compagnie portoricaine du téléphone. Cette assemblée, appelée par le Comité Amplio de Organizaciones syndicales, civicas, religiosas y culturales (CAOS, comité large des organisations syndicales, civiques, religieuses et culturelles), qui regroupe plus de 60 syndicats, a mandaté son comité exécutif pour fixer la date du début de la grève après consultation de leur base. Le lundi 29 juin au soir, le comité exécutif du CAOS a appelé à une grève nationale à partir du mardi 7 juillet. La mouvement ouvrier et social du Porto Rico a entammé une confrontation d’ampleur avec le gouvernement de cette colonie américaine des Grandes Antilles, lorsque le gouverneur Pedro Rossello a décidé de vendre l’entreprise publique à un groupe d’investisseurs mené par la corporation GTE et la Banco Popular de Puerto Rico. Les deux syndicats des télécommunications (Le syndicat indépendant des ouvriers du téléphone, UIET et la Fraternité indépendante des ouvriers du téléphone, HIETEL) ont commencé la grève le 18 juin. Au cours des jours suivants la police a déployé toutes ses forces autour des installation téléphoniques pour s’opposer aux piquets de grève. Le président du collège des avocats et le président de la commission des droits de l’homme ont mis en cause « l’usage excessif de la force » par la police de Porto Rico. Les avocats ont rejoint les piquets de grève en tant qu’observateurs « pour garantir que la police ne viole pas les droits constitutionnels des citoyens. »
« Porto Rico n’est pas à vendre ! »
L’intervention de la police a provoqué une grande vague de solidarité avec les grévistes. Les syndicats ont collecté en quelques jours 100 000 dollars pour le fonds de grève et, selon les sondages locaux, les deux-tiers de la population sont opposés à la privatisation des télécom. Les grèves de solidarité se sont multipliées : l’important syndicat des électriciens UTIER a organisé une grève de trois jours fin juin, le syndicat des travailleurs du réseau de distribution de l’eau a été en grève pendant 24 heures. Les dockers ont bloqué les ports. Le large soutien dont bénéficie le mouvement gréviste indique les effets cumulés de la politique néolibérale de privatisations. La privatisation a avancé dans le secteur de l’éducation, avec la récente loi qui réduit les subventions à l’éducation nationale publique au profit des universités privées, dans le secteur de la santé où de nombreux hôpitaux et cliniques ont été privatisés et dans nombre d’agences publiques qui sont placées sous contrat. Le slogan le plus repris — « Porto Rico n’est pas à vendre ! » — exprime la combinaison du sentiment anti-marché et anti-impérialiste qui se développe dans la population.
La presse locale a fait état du sabotage des lignes téléphoniques et des centraux automatiques dans les bureaux de la Banco Popular de Puerto Rico. Annie Cruz, présidente de HIETEL et porte-parole du CAOS a expliqué que « les fibres optiques s’avèrent incapables de résister à l’indignation populaire ». En réponse aux allégations du chef de la police, Pedro Toledo, pour lequel les « agitateurs extérieurs » sont responsables des violences, A. Cruz a déclaré que la grève des télécommunications est devenue une grève nationale contre la privatisation.
Le chef de la police tente d’isoler la grève, en l’associant exclusivement avec les personnalités indépendantistes et en tentant de la présenter comme le fait « d’extrémistes ». ll a mis en particulier en cause les professeurs d’université Rafael Bernabe et Julio Muriente, ainsi que Jorge Farinacci du Front socialiste et Ricardo Santos du syndicat des électriciens, comme étant les « agitateurs » responsables de la grève. En réponse à ces discours, Annie Cruz a remercié la population qui a renforcé les piquets de grève. Les étudiants, les professeurs, les syndicalistes d’autres branches et la population en général ne sont pas « extérieurs », a-t-elle déclaré, car ils font partie du mouvement populaire qui ne veut pas que les téléphones soient contrôlés par une multinationale. les femmes jouent un rôle de premier plan dans les piquets de grève, prenant en particulier en charge l’organisation de la sécurité dans les lieux les plus exposés La lutte contre la privatisation des télécommmunications est une tradition à Porto Rico. En octobre dernier près de 100 000 personnes étaient déjà descendues dans les rues de la capitale San Juan contre cette privatisation. Et en 1990 une grève nationale d’un jour a convaincu le gouverneur alors en place qu’il valait mieux ranger dans les placards ses projets de privatisation du téléphone. En fait les consommateurs se souviennent du temps où le téléphone était aux mains de la multinationale américaine ITT et en tirent la conclusion que le service public du téléphone est mieux assuré par une entreprise publique.