Lorsqu’on observe les réactions de type “bien fait pour eux, ils l’ont bien cherché”, utilisant la catégorie “les Américains”, cela nous oblige à clarifier les bases éthiques de la critique sociale. Il nous faut sortir de l’humanisme sélectif. Dans chaque camp, on sélectionne en effet le camp où l’on voit, d’un côté, des êtres humains morts, et, de l’autre, des catégories : “des islamistes” ou “des Américains”. Sans cette clarification, on affaiblit la critique sociale, on la rend trop sélective, non légitime. Cela relève du domaine de la philosophie morale et politique. J’ai plaidé pour une ré-association des dimensions éthiques et critiques dans la sociologie. La culture contemporaine et le postmodernisme tendent au contraire à dévaloriser la morale. Or, nous avons besoin de bases éthiques. Dans la culture religieuse, comme dans celle des Lumières, la commune humanité est ce qui fait qu’on se révolte contre les morts d’ici ou d’ailleurs. Il y a bien sûr des usages impérialistes de la morale, tel la distinction du “Bien” et du “Mal” pour Bush, mais ce n’est pas une raison pour dire que la morale n’a aucun sens. Critiquer l’hypocrisie morale, c’est moral. Une compétition forte s’est engagée pour l’avenir entre, d’un côté, des “desperados”, produits de la mondialisation libérale, non politique, de type terroriste, et de l’autre le mouvement antiglobalisation, qui offre des solutions à la mondialisation. Destruction aveugle ou reconstruction de la politique ? Les attentats ont fait prendre du recul à ceux qui offrent des solutions politiques. Pour des Ben Laden, humilier le puissant, cela suffit. Or, les États-Unis ne sont pas affaiblis, mais renforcés. Les forces progressistes ont reculé, alors que Gênes avait réuni autour de perspectives politiques de nombreux militants du Nord et du Sud. La compétition est particulièrement forte dans le monde arabo-musulman où le mouvement antiglobalisation reste très faible. Le mouvement antiglobalisation devra nouer à l’avenir des relations avec des groupes qui puisent dans la tradition de l’islam pour confectionner une politique progressiste. Il faut intégrer les traditions culturelles et morales des populations, s’enraciner pour que des progrès d’universalisation soient possibles. Aujourd’hui, les traditions religieuses sont un enjeu de lutte.
Congrès Marx International
Question d’éthique