Question nationale : quelques définitions pour aider à faire le point

, par RIOUX Bernard

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La nation n’a rien d’essentialiste et d’immuable. La nation est le produit de la mémorisation culturelle de rapports sociaux dans un territoire (ou une communauté non territorialisée) donné. La nation est d’abord cette collectivité dont les membres partagent une histoire, une culture, des moeurs communes. Quand ce phénomène national est durable, ses « porteurs » peuvent être amenés, selon les contextes, à vouloir un État propre. Une nation possède donc toujours une culture publique.

C’est lorsque des pratiques sociales d’une « communauté latente » sont interpellées ou agressées, par un phénomène extérieur (conquête, migration, commerce à longue distance, etc.) que ces pratiques fondent la commune identité de ceux et celles qui les vivent. La nation est l’expression interclassiste d’une communauté humaine. Elle peut être un puissant facteur de mobilisation et de libération. Elle a une influence sur la totalité des aspects de la vie quelque que soient les milieux sociaux.

La nation n’a pas toujours besoin d’expression politique. Si elle aspire à se donner un gouvernement qui lui soit propre, elle ne se donne pas nécessairement une expression étatique et citoyenne (exemple, la nation acadienne jusqu’à maintenant).

Nation de nations : L’identité est rarement unique. Une nation peut être un nation de nations. Il peut y avoir un emboîtement d’identités ce qui ne diminue pas l’intensité de cristallisations identaires préalables.

La patrie est l’aire territoriale de la vie sociale de ce peuple, la dimension spatiale de l’imaginaire national. L’aire de la patrie sera aussi mouvante que le peuple en question. Il ne s’agit donc en rien d’une donnée d’essence géographique, même si territoriale. Ne peuvent être considérées comme terre québécoise que les aires ou les gens se sentent Québécois-e-s. Les Labradoriens ne se sentent pas québécois. L’autodétermination est relative non à un territoire mais à un peuple.

Le peuple sera tout simplement la population de la nation, c’est-à-dire l’ensemble qui souhaitent exprimer leur citoyenneté (ou allégeance) dans le cadre de cette communauté imaginée, étant entendu que le processus d’identification est personnel (est québécois quiconque se sent québécois).

Groupes d’immigrants : Ce sont des groupes ethniques et non des nations. De tels groupes ethniques sont marqués par une origine et une culture commune mais ses membres n’aspirent pas à former un pays ou une communauté politique qui leur seraient propres. Ils immigrent dans un nouveau pays et acceptent le fait qu’ils devront s’y adapter et en adopter la culture publique. Ils ne cherchent ni à se donner un gouvernement et encore moins à se doter d’un État qui leur serait propre.

Minorités nationales historiques : minorités nationales dont le territoire historique a été incorporé à un État plus grand, par la colonisation, la conquête ou la fédération volontaire.

Le nationalisme des nations opprimées en tant qu’expression démocratique d’un mouvement national est nécessairement internationaliste car ce mouvement lutte pour sa nation dans une optique d’égalité des nations. Cette aspiration identitaire est un besoin social comme un autre et la lutte pour son expression pleine et entière ne revêt pas une nature fondamentalement différence des autres luttes sociales. Mais le nationalisme des nations opprimées est souvent à double tranchant : libérateur vis-à-vis de l’oppresseur, mais oppressif à l’encontre de ses minorités nationales ; de plus, ce nationalisme n’est pas exempt d’éléments de chauvinisme et de rejet global de « l’autre ».

Le nationalisme des États oppresseurs car ce ne sont pas les nations qui oppriment mais les États dont ils sont affublés. Ce nationalisme sert à justifier les guerres d’expansionnisme territorial ou politique. Il se fait porteur de la haine fanatique de l’autre, du racisme et de la xénophobie.

Nationalisme civique : ce discours se prétend la seule forme de nationalisme acceptable. Il nie qu’il soit lui-même un nationalisme culturel. Le nationalisme civique prétend qu’il ne reflète pas une culture particulière mais un engagement commun à l’égard des principes politiques de la démocratie et des libertés. Le nationalisme civique identifie la nation à l’État. Il évite ainsi de mettre au cœur de l’analyse les sentiments réels des gens. La définition purement citoyenne de la nation cache mal un fort ethnonationalisme. Ce discours est de part en part idéologique, car tout nationalisme civique s’appuie sur une identité culturelle (nationalisme français, américain, canadien...) Pour devenir un citoyen canadien il faut apprendre l’une des deux langues officielles, connaître l’histoire du Canada et être raisonnablement informé de ses lois et de ses coutumes.

Nationalisme ethnique : discours qui fonde l’existence de la nation dans la généalogie. Est québécois-e les fils et les filles des canadiens français. Le nationalisme ethnique, comme tous les nationalismes est culturel, mais ce sont pas tous les nationalismes culturels qui sont ethniques.

Nationalisme culturel : discours qui conçoit la nation comme le lieu d’épanouissement et de transmission de la culture commune. Le nationalisme québécois est un nationalisme culturel. Ce nationalisme accepte les immigrants en tant que membres à part entière de leur nation, pourvu qu’ils apprennent la langue et l’histoire de leur société. Ils définissent l’appartenance à la nation en fonction de la participation à une culture commune, ouverte à tous et toutes plutôt que sur la base d’une origine ethnique.

Nationalisme québécois : discours qui vise à faire reconnaître l’identité nationale québécoise, à préserver la culture commune et les institutions distinctives de la nation québécoise et, pour ce faire, de garantir la survie et l’épanouissement de la langue française. Le nationalisme québécois est un nationalisme culturel.

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