L’humanité toute entière se trouve à une croisée des chemins : retour à la barbarie ou construction d’une société alternative que nous continuons à appeler socialisme. Le développement et l’innovation dans l’analyse et la théorie politique ne sont possibles qu’à la condition de faire en même temps un bilan sérieux, courageux et même sévère de l’histoire du mouvement communiste au siècle dernier et des expériences de construction de sociétés socialistes. Ces idées, ces conflits, ces luttes, ces révolutions ont marqué d’une façon indélébile l’histoire de l’humanité en permettant aux masses d’en être pour la première fois les protagonistes. Mais dans cette histoire, que nous ne voulons pas mettre à coté ou fossiliser, se sont produites des erreurs et même des horreurs — comme celles de l’ère stalinienne — que nous devons saisir pour éviter qu’elles ne se reproduisent dans le futur. Voilà une tâche aujourd’hui indispensable et en même temps possible justement parce que nous sommes en présence d’un nouveau mouvement international contre la mondialisation qui lutte pour un autre monde possible et qui donc s’interroge sur la nature et les traits d’une société nouvelle sans exploitation, aliénation et guerres. Cette recherche, menée sur la base d’un retour aux éléments constitutifs de la pensée marxienne, devra être poursuivie : notre congrès a apporté une contribution dans ce sens. Par ce congrès, notre parti opère et propose un tournant à gauche. Ce tournant est rendu nécessaire par la crise actuelle du processus de mondialisation, qui est une crise économique, culturelle, politique et de légitimité, à laquelle le système capitaliste répond par un état de guerre permanent. Il est nécessaire pour être en syntonie avec la croissance des mouvements, qui, notamment dans notre pays, représentent une rencontre de plus en plus étroite entre le mouvement contre la mondialisation, la guerre et le néolibéralisme et une relance extraordinaire de la combativité du mouvement ouvrier. Il est nécessaire parce qu’une défaite a été subie par le projet politique du centre-gauche et de la soi-disante troisième voie prônée par la gauche modérée, qui, au niveau aussi bien italien qu’européen, a démontré sa totale incapacité à contrecarrer et à battre la droite, ses politiques néolibérales et ses guerres. Nous nous engageons à poursuivre ces objectifs fondamentaux sur tous les terrains nécessaires et possibles — politique, culturel, institutionnel — en participant de l’intérieur à la croissance des mouvements, dans une dimension internationale de l’action politique.
Pour ces raisons, nous intensifions notre participation au mouvement mondial contre la guerre et le néolibéralisme, qui se dénouera selon les rendez-vous déjà décidés à la grande rencontre de Porto Alegre et les autres, qui seront décidés au Forum Social Mondial, avec une attention particulière pour le Forum social européen qui aura lieu en automne dans notre pays. La croissance de ce mouvement a un caractère impétueux au niveau mondial, sans comparaison sinon, par son extension, avec le mouvement de 1968. Son caractère durable est désormais un fait acquis ; il a démontré sa capacité de répondre à la répression et à la violence, aux tentatives successives d’intimidation et de division, qui ont encore accentué la radicalité de ses objectifs ; son choix en faveur de la non-violence est indiscutablement démontré. Il a su éviter, avec panache, de se faire prendre en tenaille entre la guerre et le terrorisme, tant international qu’intérieur, en luttant chaque fois pour la préservation de la vie humaine et de la dignité. L’anticapitalisme latent de ce mouvement s’est systématiquement renforcé et affirmé. Nous pouvons et devons contribuer à la construction d’un nouveau mouvement ouvrier, en participant avec nos idées à la discussion déjà en cours sur les nœuds stratégiques de la transformation de la société, à l’extension de l’hégémonie du mouvement sur la société, à son enracinement local, à sa contribution au processus de réunification de ses différents fragments victimes de l’exploitation, de l’aliénation et de la marginalisation, aujourd’hui divisés et opposés, du fait de la restructuration capitaliste.
[...] Nous poursuivons notre bataille pour la réduction de la durée du travail à 35 heures par semaine sans réduction de salaire ; pour des mécanismes d’indexation automatique et de rattrapage face à l’inflation ; pour une augmentation des salaires qui permette d’atteindre des niveaux européens ; pour l’introduction d’un salaire social pour les chômeurs ; pour l’adoption de la taxe Tobin (pour laquelle nous nous sommes engagés à collecter des signatures) ; contre les projets fiscaux du gouvernement ; pour la défense de l’environnement qui doit devenir le pivot d’une nouvelle conception de l’économie et de la société, pour empêcher l’appropriation capitaliste de la vie végétale, animale, humaine et des ressources élémentaires qui constituent un patrimoine public ; pour que la renaissances de l’Italie du Sud (où la question sociale s’entrelace à l’économie mafieuse et aux intérêts de la criminalité organisée) devienne le coeur d’une politique économique alternative pour notre pays et l’Europe. Tous ces thèmes seront au centre des mobilisations qui se dérouleront en même temps dans plusieurs villes européennes début mai, dont les forces de la gauche alternative européenne seront protagonistes. Pour notre part, nous sommes engagés dans la préparation de l’initiative prévue à Naples le 4 mai. [...] Sur cette base, dont nous voulons rappeler ici les revendications les plus urgentes, il est nécessaire et possible d’avancer, à toutes les forces d’opposition au gouvernement Berlusconi, une proposition d’unité d’action sur des objectifs communs, tant sur le terrain parlementaire et des institutions locales que dans la société. L’objectif que nous visons concrètement, est celui d’élargir et de renforcer l’opposition sociale dans le pays et dans les institutions, ce qui pourrait jeter les bases d’une défaite des droites ou au moins entamer le consensus qui s’était installé y compris dans les couches populaires, et à partir de là ouvrir une nouvelle phase politique dans le pays. Les mois qui viennent seront décisifs de ce point de vue. [...]
Le congrès réaffirme que l’objectif stratégique de notre parti à l’étape actuelle est la construction de la gauche alternative. Cet objectif est aujourd’hui possible justement du fait de la croissance des mouvements sociaux : la gauche alternative ne saurait, donc, être construite que par une interaction et en liaison avec les mouvements. Il ne s’agit pas de mettre ensemble des morceaux d’une couche politique ancienne, mais de viser la rencontre, sur le terrain d’une pensée, d’une politique et d’une pratique alternatives, d’expériences de partis, d’associations et de mouvements, c’est-à-dire de formes d’agrégations diverses. C’est pourquoi nous lançons l’invitation à ouvrir une phase constituante de la gauche alternative, par la construction d’un réseau de rapports stables entre des sujets multiples et autonomes. C’est une tâche d’autant plus urgente que la phase constituante des mouvements est en cours depuis un certain temps. Il est nécessaire de projeter des niveaux d’initiative différents et contemporains, allant de celui de l’intervention dans la société à celui de l’action politique et de la réflexion théorique à laquelle va contribuer la transformation en fondation de notre actuel comité scientifique. La construction de la gauche alternative est une tâche qui s’impose déjà y compris au niveau européen, où il est réaliste, et non seulement nécessaire, de se fixer concrètement, sur la base de l’expérience de la Gauche unie européenne, l’objectif de la construction d’un nouveau sujet politique européen rassemblant, dans leurs diversités politiques et organisationnelles, les forces communistes et alternatives. C’est dans ce cadre que le renforcement et l’innovation du parti doivent progresser. Ce congrès nous confie une tâche importante : innover notre façon de penser, d’agir, d’être et assurer une ouverture plus grande vers la société et les mouvement qui la traversent [...] Nous devons changer nos modes de fonctionnement, surmonter des conceptions hiérarchiques et des pratiques de séparation, nous devons privilégier l’initiative politique par rapport à une simple action de propagande ou de réaffirmation identitaire, nous devons privilégier dans nos rangs la culture du savoir-faire et non seulement celle du savoir-dire.