Avec les catégories superficielles chères aux politologues, on en arrive à conclure que la victoire électorale des Schröder et Fischer marque un « tournant » en Europe. En effet, la tendance générale avait été l’installation de gouvernements conservateurs/libéraux, en incluant parfois des partis populistes de droite au détriment de la social-démocratie et de ses satellites politiques. Et maintenant donc c’est la revanche du réformisme social-libéral ? Rien n’est moins certain. En fait, le SPD est le grand perdant des élections fédérales du 22 septembre 2002. En comparaison avec 1998, il perd presque 1,7 million des voix et 2,4 points en pourcentage. Nous avions donc raison de souligner avant les élections que la politique néolibérale de la social-démocratie et des Verts préparait la victoire des partis bourgeois traditionnels en désorientant et décourageant les salariés et les exclus.
Le « finish » des « rouges-verts »
Si la défaite qui semblait bien probable a pu être esquivée en fin de compte, c’est à cause de certaines circonstances imprévues et d’un virement rhétorique habile de la direction Schröder du SPD quelques semaines seulement avant la date des élections. En effet, les inondations offraient à Schröder la possibilité de se présenter en « manager » des conséquences humaines immédiates de la catastrophe (avec une certaine odeur d’unité nationale Est-Ouest) et d’adopter une nouvelle tonalité en soulignant les raisons écologiques de la catastrophe et la responsabilité « de l’industrie », même si les conséquences pratiques matérielles ne répondaient nullement aux nécessités d’un cours nouveau en matière de production responsable ni ne faisaient payer substantiellement les patrons. De même, la déclaration de Schröder que l’Allemagne ne participerait pas à la guerre annoncée des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne contre l’Irak reflétait l’état d’esprit d’une majorité de la population allemande. Même si l’Allemagne, en vérité, se comporte comme un allié des USA (en matière de logistique militaire, de stationnement de troupes spécialisées dans la région du Moyen-Orient, etc.) et continue à construire une Bundeswehr capable d’initiatives interventionnistes, la controverse publique avec le gouvernement Bush — par ailleurs avec des aspects nationalistes, Schröder parlant de « la voie spécifique de l’Allemagne » — s’était vite avérée populaire.
Il faut dire que cela ne profitait pas directement au SPD, mais à son partenaire de coalition, Bündnis 90/Die Grünen, les Verts. La raison en est que l’espoir de promouvoir à long terme une politique plus responsable en matière d’écologie est surtout associé à leur sigle, et non à celui du SPD. La même chose vaut pour le besoin d’une politique plus indépendante vis-à-vis de l’administration états-unienne. Même si les Verts n’ont aucunement conservé une identité pacifiste et encore moins antimilitariste, c’est justement la combinaison entre un reste d’esprit critique et la « modération responsable » qui correspond au niveau de conscience d’un électorat stable enregistrant par exemple aussi les avancées politico-culturelles, si modestes soit-elles, comme des éléments positifs résultant de la pression des Verts sur le SPD (notamment sur le terrain du « partenariat » homosexuel). D’autre part, une clientèle « classe moyenne progressiste » peut s’identifier d’autant plus aux Verts, que ceux-ci se situent souvent à la droite du SPD sur le plan des acquis sociaux des salariés et de la dérégulation conçue comme « antibureaucratique ». Ce sont donc les gains des Verts arrivant à 8,6 % des voix (contre 6,7 % en 1998) qui ont sauvé la coalition gouvernementale.
Libéraux et « l’affaire Möllemann »
Les libéraux du FDP par contre, partenaires de coalition désignés des conservateurs chrétiens, récoltaient moins que prévu en ne montant que de 6,2 à 7,4 %. Leur « projet 18 » (arriver à 18 % des voix) avait été complètement illusoire. Leur ligne politique, combinant un néolibéralisme féroce et un humour superficiel et souvent de mauvais goût, frôlait en outre la démagogie populiste de droite. Ce qui embrouillait et continue à embrouiller les consciences, en Allemagne, c’est « l’affaire Möllemann », Jürgen Möllemann étant le dirigeant libéral le plus médiatisé. Cette affaire étant compliquée et lourde de conséquences inconfortables pour la petite gauche anticapitaliste en Allemagne, il faut s’y attarder [1].
Möllemann, depuis longtemps lobbyiste d’intérêts d’affaires allemandes dans le monde arabe, a toujours eu une attitude minoritaire dans la bourgeoisie et dans la classe politique allemande en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien. Avec l’escalade récente du conflit, tout en attaquant Sharon non sans raisons comme fauteur de guerre, il avait commencé à entrer dans une polémique avec les représentants de la direction des « Juifs en Allemagne », qui, eux, défendent traditionnellement le point de vue israélien. Dans le cadre de cette polémique, il n’a pas omis de caresser les préjugés antisémites enracinés fortement dans les bas-fonds de la société allemande (tout en étant officiellement tabous, bien entendu), en rendant des représentants de la communauté juive en Allemagne, comme Michael Friedmann, responsables eux-mêmes des ressentiments antisémites « à cause de sa façon arrogante et malveillante ». Ceci a mené à une contre-campagne réunissant presque toute la classe politique allemande et pénétrant largement les milieux de la gauche radicale, isolant Möllemann (qui, persévérant dans sa démarche, a perdu son poste de vice-président du FDP) et dénonçant (à mon avis de façon démesurée et non confortée par une analyse clairvoyante du conflit dans ses implications pour les choix d’alliances stratégiques internationales de l’impérialisme allemand et du profil politique réel choisi par la direction du FDP) la direction du FDP comme voulant changer le FDP en parti populiste de droite à l’image de l’Autrichien Jörg Haider (pour ne pas parler d’un autre Autrichien, en expliquant par exemple le sens du « projet 18 » par le fait que les lettres « A » et « H », dans l’alphabet allemand, sont placées en premier et en huitième lieu, donnant ainsi les initiales d’Adolf Hitler, comme l’a fait remarquer Winfried Wolf !).
Il va de soi qu’en Allemagne une réaction sensible et forte des forces anticapitalistes s’impose chaque fois que les démons de l’antisémitisme moderne (de l’antisémitisme « après et à cause de la Shoah ») s’agitent publiquement. D’autre part, les tendances à assimiler toute critique du sionisme et surtout toute remise en cause des fondements de l’Etat israélien à l’antisémitisme ne font pas seulement obstacle à la solidarité si urgente avec le peuple palestinien, mais même aux mobilisations hostiles à la guerre annoncée contre l’Irak. Dans les milieux susceptibles de porter ou de soutenir ces actions (par exemple dans le milieu d’ATTAC), les propositions de mobilisation suscitent à chaque fois des débats sur les dangers d’un « antiaméricanisme » vite associé à l’antisémitisme, surtout si les intérêts de l’État d’Israël sont ou semblent en cause. Par exemple le fait qu’en Angleterre le deuxième slogan de la grande manifestation des 300 000 était « Liberté pour la Palestine ! », ou que le cinéaste marxiste-révolutionnaire Ken Loach ait demandé publiquement pourquoi on parle d’une soi-disant arme atomique de Saddam Hussein sans évoquer l’arme nucléaire bien réelle d’Israël, a suscité des commentaires pour le moins réservés dans les milieux de la gauche anticapitaliste allemande (dans le quotidien Junge Welt par exemple) : une telle démarche ne serait pas imaginable (ou pas acceptable) en Allemagne. On comprend en quoi tout cela crée des embarras y compris pour les marxistes-révolutionnaires allemands (qui ont même des désaccords sur la question de savoir si la démarche de Möllemann a fait perdre des voix « au centre » ou a fait gagner des voix « à droite » au FDP). Möllemann leur a rendu un « service » exécrable, ainsi qu’au mouvement de solidarité avec le peuple palestinien et au mouvement anti-guerre.
Une hirondelle ou le printemps social ?
Ce sont les résultats des petits partis partenaires ou partenaires désignés de coalition avec les deux grands partis (SPD et CDU/CSU) qui ont, en fin de compte, décidé du résultat final. Angela Klein, dans son commentaire dans le SoZ tout de suite après les élections, souligne l’importance des thèmes de l’économie et de l’emploi pour les choix politiques des électrices et des électeurs. C’était le grand thème de la candidature de Stoiber pour le CDU/CSU, qui avait essayé d’exploiter à fond le mauvais bilan du gouvernement en la matière, surtout en comparaison avec les promesses de Schröder il y a quatre ans (« On peut me mesurer au domaine de la lutte contre le chômage et je garantis 1 million de chômeurs en moins »), laissant la démagogie populiste de droite aux leaders chrétiens de second plan (tel le candidat du CDU à Cologne, Novak, qui faisait coller des affiches avec le slogan « Moins d’immigration, plus d’emplois »). Ce n’est que de justesse que la campagne de Stoiber a échoué à cause des effets mentionnés plus haut. « Dans le domaine de la crise économique et du chômage — écrit Angela Klein — la gauche gouvernementale n’a rien à offrir, voilà la leçon la plus amère à tirer du résultat des élections. ». En effet, les projets du SPD et des Verts en matière de la « lutte contre le chômage » ne sont pour l’essentiel que des projets de lutte contre les chômeurs et les exclus, et leurs concepts de lutte contre la crise sont susceptibles de renforcer cette même crise et d’approfondir les inégalités — nous y reviendrons.
Pour juger des rapports de forces, des dynamiques positives possibles ainsi que de leurs limites en Allemagne aujourd’hui, il faut enregistrer que la manifestation du 14 septembre était la mobilisation politiquement la plus importante des semaines précédant les élections. Cette manifestation co-organisée par cinq organisations de jeunesse des syndicats du DGB (dont l’organisation de jeunesse du syndicat des métallos IG Metall et celle du syndicat des services VerDi) et par ATTAC rassemblait 40 000 personnes à Cologne, dont la majorité étaient des jeunes syndicalistes, sous le slogan quelque peu général de « À nous la belle vie ! ». Une petite fissure dans l’appareil syndical était à l’origine de cette initiative, puisque au printemps 2002 une partie des directions syndicales commençait à critiquer le gouvernement Schröder pour sa politique décevante en matière sociale et dans le domaine des privatisations. C’était la première fois depuis toujours, pouvait-on lire et entendre, que les syndicats du DGB n’allaient peut-être pas faire campagne (plus ou moins ouvertement) pour le SPD et allaient entamer une coopération avec ATTAC et avec les nouveaux mouvements sociaux, critiques de la globalisation néolibérale.
La direction du SPD a réagi vite et apporté quelques corrections symboliques à sa plate-forme électorale, en soulignant un peu plus la spécificité social-démocrate : se soucier quand même aussi des intérêts des salariés et des démunis. Des affiches étaient imprimées montrant le chancelier Schröder, la mine grave, signant un document, qui portait le sous-titre : « Une politique moderne implique le souci de la justice sociale. » Tout de suite, les directions syndicales s’alignaient à nouveau derrière la campagne électorale du SPD, ayant peur probablement de perdre des habitudes profondément enracinées dans leur mentalité, dans laquelle « le parti », s’il gouverne, n’est pas un ennemi, mais au plus un objet du lobbyisme syndical.
La manifestation du 14 septembre était en quelque sorte un résidu de la petite fissure mentionnée. Au point de vue du contenu, elle articulait une critique assez claire de la politique antisociale et du cours en faveur des privatisations soutenu par tous les partis établis, surtout dans le domaine de la santé, ainsi qu’une opposition aux aventures guerrières. Les directions des organisations de jeunesse syndicale faisaient même comprendre de façon prudente que les positions du PDS seraient plus proches des revendications syndicales que celles des autres partis, y compris du SPD.
Mais il faut en voir les limites, très visibles le 14 septembre. Après la manifestation — où les gens mobilisés par ATTAC et par la petite gauche anticapitaliste et ceux mobilisés par les organisations de jeunesse syndicale marchaient séparément et entendaient des discours différents — avait lieu un grand concert en plein air. Il est vrai que la majorité de jeunes syndicalistes rassemblés là ont eu droit à des discours, par ailleurs intéressants quoique assez simplistes. Cependant leur priorité visible était le concert, arrosé généreusement par la bière régionale locale (la « Kölsch »). Peu d’entre eux s’égaraient vers les stands des organisations de la gauche révolutionnaire, achetaient leurs journaux ou prenaient les tracts. Il ne faut donc pas exagérer l’aspect prometteur de cet événement ni du point de vu quantitatif ni du point de vue qualitatif ; il s’agit tout au plus d’une toute jeune plante à bien soigner.
Attaques contre la santé et les chômeurs
Christophe Jünke, rédacteur responsable du SoZ, dans son analyse, a entre autres mis en relief le caractère relatif des aspects politico-culturel négatifs des campagnes électorales, de la personnalisation et du rôle de la médiatisation. « Elles s’exprimaient de façon condensée dans les deux « duels télévisés » des candidats à la chancellerie, Stoiber et Schröder... qui ne servaient par ailleurs pas à gagner de nouvelles électrices et électeurs, mais à mobiliser l’électorat traditionnel respectif. » Pour Jünke (comme pour Angela Klein), ce n’est pas l’aspect « démagogie et manipulation » qui l’emporte, puisqu’il s’agit de se saisir de la nouvelle tonalité pour mobiliser les espérances et les attentes même modestes qu’elle peut mobiliser : « Après 1998, il s’agit d’un deuxième mandat pour un changement de cap au profit d’un social-libéralisme de gauche au détriment du conservatisme libéral dans le domaine du social, et aussi d’un mandat contre une participation allemande à la guerre annoncée contre l’Irak. » Le SPD a subi une érosion sensible de son électorat traditionnel, et Jünke montre que ce processus se poursuivra si le SPD au gouvernement se comporte en continuité avec la politique des dernières années et applique les mesures néolibérales et antisociales projetées.
En effet, outre la continuation du cours des privatisations — après avoir entamé les pensions, c’est maintenant le tour de la santé —, le nouveau gouvernement SPD/Verts veut mettre en pratique le concept de la commission Hartz pour « lutter plus efficacement contre le chômage ». Hartz, directeur du personnel chez Volkswagen, est le chef d’une commission qui avait élaboré des concepts « originaux » de lutte contre le chômage de masse, qui furent tout de suite adoptés par la direction du SPD comme une sorte de « solution miracle ». Maintenant, il est décidé de l’appliquer. Il s’agit surtout de renforcer la pression sur les chômeurs pour leur faire accepter n’importe quel travail à n’importe quel prix, y compris celui d’une déqualification totale. De plus, celles et ceux qui sont rémunérés par le minimum social (Sozialhilfe) vont davantage être forcés d’effectuer des « travaux d’intérêt public », et l’allocation au chômage du deuxième degré (Arbeitslosenhilfe), d’après les projets du gouvernement, sera liquidée au profit de la Sozialhilfe — ce qui revient à rendre encore plus pauvres des gens qui ont déjà un revenu plus que modeste. L’astuce du plan Hartz est en fait que les chômeurs ne seront plus considérés comme tels, mais comme des « salariés » d’entreprises privées elles-mêmes sensées « aider » les bureaux du travail publics (Arbeitsämter) en « aidant » les chômeurs à se faire embaucher... même si ce n’est que pour quelques semaines et à des conditions très mauvaises. En fait, il s’agit d’une généralisation des pratiques proches de l’esclavage des entreprises qui ne font que « louer » leur personnel à d’autres entreprises ; en même temps, il s’agit d’un début de privatisation du système d’assurance du travail, donc d’une autre mesure grignotant les éléments de solidarité institutionnalisée subsistant dans le système actuel.
Les projets élaborés par les partenaires de l’ancienne et nouvelle coalition gouvernementale ont ceci de particulier qu’ils combinent la continuité de la politique d’austérité sociale avec un renforcement de l’endettement public, ce pourquoi le déficit public dépassera très vite la norme maastrichtienne du maximum des 3 % établie par l’Union européenne... sous pression allemande ! Par peur des réactions prévisibles des différents lobbies, le SPD et les Verts ne font ni payer les riches (ainsi ils s’abstiennent de réintroduire une emprise fiscale sur les fortunes) ni ne s’aventurent à une élévation rapide et sensible des impôts indirects (surtout n’augmentant pas la TVA). Il s’agit en fait d’un ramassis de demi-mesures, et ceci en pleine récession. Cette politique continue donc à accumuler les contradictions économiques, sociales et morales qui pourraient exploser dans des mobilisations plus larges que celle que nous avons vue le 14 septembre.
Une gauche à construire
Mais le « facteur subjectif », en Allemagne, est faible à plusieurs égards. En premier lieu — c’est difficile à imaginer, mais c’est ainsi —, les directions syndicales ne s’opposent pas au concept de Hartz, elles l’ont au contraire adopté en prétendant qu’il s’agirait de quelque chose de positif si on y introduisait quelques nuances. Cette argumentation est absolument jésuitique et ne peut que désorienter la base syndicale. Et le mouvement des chômeurs, qui existe en Allemagne et qui s’oppose de front au concept de Hartz, reste quand même, jusqu’à nouvel ordre, un mouvement minoritaire à dynamique beaucoup plus limitée en comparaison avec la dernière année de feu le gouvernement Kohl.
Au niveau de l’alternative politique, le PDS, avec ses 4 % et avec la perte de sa fraction au Bundestag, se retrouve affaibli. Il n’est pas certain du tout s’il pourra compenser ses pertes en points d’appuis institutionnels et donc aussi en résonance médiatique par son ouverture récente (limitée et contradictoire) aux mouvements extraparlementaires et aux positions réformistes-radicales et anticapitalistes (voir l’article sur le PDS et sur son congrès récent). Angela Klein, dans l’article mentionné plus haut, ajoute un aspect politico-sociologique à l’argumentation sur les perspectives politiques en citant une analyse parue dans le Neues Deutschland (quotidien proche du PDS) du 25 septembre : « Le PDS perd des voix en premier lieu là où il a été le plus fortement implanté, dans les centres municipaux et les petites villes de l’ancienne RDA. C’est vrai pour les circonscriptions de Halle, Magdeburg et Altmark ainsi que pour Bad Dobran-Güstrow, Schwerin et Rostock. Cela est aussi le cas là où le PDS est dans l’opposition, à Chemnitz, Jena-Weimar, Dresden, Gera, Gotha, Potsdam et Erfurt. Le PDS perd donc au sein du noyau dur de son électorat. Ce sont surtout les milieux de l’ancienne couche des employés publics ainsi que de leur progéniture et leur entourage qui commencent à se détourner du PDS. Le milieu du parti « de succession » [2] se perd donc, et cela probablement définitivement. Jusqu’à nouvel ordre, le PDS n’a pas pu rallier durablement à lui de nouvelles couches soutenant une politique de gauche. C’était un long adieu au concept du parti de « succession », mais maintenant il semble inévitable de l’achever. » Et Angela Klein de conclure que le PDS doit organiser consciemment cet « adieu » et chercher une nouvelle base sociale bien éloignée des couches pour lesquelles l’État est au centre des préoccupations. Ce sera, dit-elle, un long et difficile processus, et la gauche anticapitaliste en dehors du PDS se trouve devant une tâche semblable. Mais c’est aussi intimement lié à un changement de cap politique, à une rupture conséquente avec la logique « coalitionniste » de participation au pouvoir politique dans le cadre de l’acceptation du système capitaliste et de la « vocation » à administrer loyalement sa crise.
Restent les forces anticapitalistes dans et en dehors du PDS, et, en leur sein, les forces marxistes-révolutionnaires. Elles sont faibles et divisées. Les forces et les faiblesses de leurs diverses fractions semblent parfois être complémentaires : les uns capables de maintenir un petit milieu militant et propagandiste contre vents et marée, les autres développant un esprit d’initiative et un rayonnement politiques parfois considérablement supérieur à l’extrême modestie de leurs forces réelles. Dans ces conditions, la double bataille pour se construire en tant que courant indépendant, de participer aux mouvements sociaux et d’y gagner de nouveaux sympathisants et membres, d’une part, de participer au développement d’une gauche syndicale et de peser sur les évolutions de la gauche du PDS, d’autre part, sera difficile à gagner. Aussi faibles soit-elles, ces forces sont quand même les seules ayant la potentialité « de faire danser les rapports sociaux en leurs faisant entendre leur propre mélodie », comme disait Marx. Leur bataille difficile peut aussi se gagner. À condition de ne pas « tirer sur le pianiste » : le mouvement marxiste-révolutionnaire mondial et plus spécifiquement la IVe Internationale sont appelés à ne pas se détourner de leurs faibles forces en Allemagne, ni de leurs difficultés, ni de leurs potentialités — car leur essor modifierait sensiblement les rapports de force politiques en Europe.