Les Indignés, aux figures nationales et locales diversifiées, apparaissent socialement hétérogènes. Certaines couches sociales semblent cependant y jouer un rôle particulier : jeunes, diplômés (ou longuement scolarisés), au chômage, dans des statuts précaires et/ou connaissant une dévaluation de leurs diplômes.
Peut-on parler de « classe moyenne » ? Pierre Bourdieu a souvent rappelé que « les luttes de classement » participaient à la lutte des classes, et que la façon de découper les classes « sur le papier » ajoutait des effets symboliques aux hiérarchies objectives de ressources. De ce point de vue, les mobilisations des Indignés, rendent-elles caduque la contradiction capital-travail ? Non, elles pointent plutôt certains de ses visages renouvelés, caractérisés tant par le niveau de capital scolaire que par la précarisation.
Elles élargissent aussi la critique du capitalisme à d’autres grandes contradictions que celle opposant le travail au capital : contradiction capital-démocratie (mise en cause des régimes représentatifs professionnalisés modernes), contradiction capital-nature (jonction avec des questions écologiques) et contradiction capital-individualité (double expression des blessures et des aspirations émancipatrices des individualités contemporaines). Mais ces couches de la classe salariée (celle qui n’a que sa force de travail pour vivre) sauront-elles trouver des convergences, comme en Tunisie et en Egypte, avec ses couches populaires, plus à l’écart pour l’instant ? C’est un des enjeux du moment.