Des modèles, des métaphores et des pratiques… à l’ombre de la crise

, par AGUITON Christophe

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Il y a certainement des raisons très différentes pour venir à ce festival, et l’intérêt de ce blog collectif est d’en présenter quelques unes. Pour ce qui me concerne, j’en vois trois principales.

La plus évidente est de repérer des idées émergentes, de nouvelles problématiques ou de nouveaux usages des technologies. Il y a deux ans, c’était l’apparition du « micro-blogging » avec www.twitter.com, qui permet des échanges de messages très courts à plusieurs sur téléphones mobiles, et l’an dernier c’était la « dataportability », c’est-à-dire la possibilité de transférer ses données (photos, textes, listes de contacts) d’un site de réseau social à un autre .

À un tout autre niveau, une autre de mes motivations est de regarder les technologies comme des moteurs à métaphores. Les entreprises de chemins de fer ou d’électricité ont ainsi servi, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, à décrire l’organisation de la société, telle qu’elle était ou telle qu’on rêvait qu’elle soit. Aujourd’hui l’Internet est souvent utilisé comme image d’une société en réseau, un monde « plat » pour reprendre la formule du journaliste au New York Times Thomas Friedman où les entreprises comme les mouvements sociaux se connecteraient sur un plan horizontal.

Quiconque a étudié un tant soit peu le fonctionnement des entreprises ou celui des mouvements sociaux pendant des rencontres comme les Forums sociaux sait que ces réseaux sont tout sauf plats et qu’il y existe des hiérarchies et des élites mais que, dans le même temps, les relations qui s’y établissent sont d’une nature très différentes de celles qui prévalaient dans les années 1950 ou 1960, sinon la métaphore n’aurait aucun impact. À un moment où la crise oblige les États à intervenir massivement dans l’économie et où le modèle néolibéral est remis en cause, il serait intéressant de voir si la métaphore de l’Internet est toujours utilisée, ou si d’autres visions du monde apparaissent.

En deçà de la métaphore, et en particulier en période de crise, des pratiques sociales minoritaires méritent qu’on s’y intéresse car elles peuvent être les points de départ de nouveaux modèles. La grande entreprise taylorisée existait avant la crise de 1929, mais elle ne s’est imposée comme modèle dominant qu’après la Deuxième Guerre mondiale, dans les années d’expansion qu’a connu le monde industrialisé jusqu’aux années 1970. Les technologies de l’Information ont vu émerger de nombreuses innovations dans l’organisation du travail, dans les modèles économiques et surtout dans les usages sociaux entraînant des remises en cause et des tensions fortes, le débat actuel sur le téléchargement en étant une illustration.

La crise va-t-elle favoriser la diffusion de ces modèles, comme a pu le faire l’éclatement de la bulle Internet en 2001 pour le logiciel libre, ou, au contraire, va-t-on voir ces nouvelles cultures et ces nouvelles pratiques sociales reculer dans un moment de renfermement des sociétés qui est toujours possible.
La crise est trop récente pour que des réponses puissent être apportées à ces questions, mais SXSW est un excellent point d’observation pour essayer de déceler des tendances et des évolutions.

P.-S.

Photo : © Christophe Aguiton.

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