Olivier Besancenot

« Je crois à mon combat plus que jamais »

, par BESANCENOT Olivier

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Des plateaux télés à la chaîne et un livre sur la lutte des classes, le héraut du NPA commence l’année en forme.

On le retrouve à la mi-janvier dans un café oriental de la porte de Saint-Ouen, à Paris, barbe de trois jours et son habituel blouson de cuir sur le dos. Pourtant, quelque chose a changé chez Olivier Besancenot : le plus marxiste des facteurs ne travaille plus à Neuilly ! Depuis début janvier, l’ancien porte-parole du NPA (Nouveau parti anticapitaliste) est au guichet de l’agence de ce quartier populaire et bigarré, à temps partiel. « C’est chouette ici. L’une des raisons de mon entrée à la Poste, c’était d’apporter des services au public. À Neuilly, les contacts étaient quand même réduits au minimum, c’est-à-dire les gardiens et gardiennes d’immeuble », explique l’ex-candidat trotskyste à la présidentielle. Accessoirement, le voilà aussi plus proche de son domicile du 18e arrondissement, de sa compagne et de son fils.

Olivier Besancenot en octobre dernier
© JB Le Quere / MaxPPP.

De là à dire qu’Olivier Besancenot s’est assagi, il y a un pas qu’on ne franchira pas. A bientôt 40 ans, l’homme n’a rien perdu de sa flemme anticapitaliste. Comme si les difficultés financières de son mouvement ou le score médiocre à la présidentielle de Philippe Poutou (1,15%), son successeur à la tête du NPA, avaient renforcé ses convictions. Témoin, son dernier livre, La conjuration des inégaux, sorti ces jours-ci. Un essai sociologique dans lequel l’auteur creuse un paradoxe : si les peuples admettent davantage qu’auparavant l’existence d’une lutte des classes, la conscience d’appartenir à une classe, elle, s’évanouit de plus en plus. Un déni qui permettrait aux riches de gagner cette guerre des classes, comme le proclame le milliardaire Warren Buffet ? « Seulement la première manche », répond en substance l’irréductible facteur.

Paris Match. Après avoir passé la main au NPA, vous vous êtes un peu effacé. Ces derniers mois, vous revenez sur le devant de la scène médiatique. La politique et vous, c’est pour toujours ?

Olivier Besancenot. Sur le NPA, j’ai simplement fait ce que j’avais annoncé, c’est-à-dire ne pas rester accroché à un poste. Pas même celui d’éternel candidat d’extrême gauche aux élections. Par contre, je milite depuis l’âge de 14 ans, et plus je milite, plus je me dis qu’on vit dans une société de dingues. Une société où les inégalités se creusent toujours plus entre les exploiteurs et les exploités. Donc oui, je crois à mon combat plus que jamais.

Mais avec la crise, vos idées auraient dû exploser dans l’opinion. L’anticapitalisme n’a-t-il pas finalement perdu la partie ?

Sûrement pas. Ceux qui pensent que l’Histoire est figée dans un sens, ils se mettent le doigt dans l’œil. Regardez en Grèce, la gauche radicale fait le plein, loin devant les extrémistes de l’Aube Dorée. Oui, nos idées sont à contre-courant, il faut l’assumer. Mais depuis Hollande, on sent un mouvement de sympathie à notre égard. Peut-être justement parce qu’on est les seuls à porter un certain discours, internationaliste et antiraciste. Que ce soit sur la politique de Valls, les licenciements, la réforme des retraites, il faut une opposition à la gauche du gouvernement, décomplexée, qui n’hésite pas à dire merde à Hollande.

« Les politiciens cherchent à nous écoeurer de la politique »

Il n’empêche que c’est plutôt le Front national qui « capitalise » sur le rejet des dirigeants…

En période d’urgence sociale, on préfère souvent s’en remettre aux solutions de facilité, entre guillemets. Le FN dit aux électeurs : « Vous avez essayé tout le monde, ils sont mauvais, maintenant essayez-nous ! » Dit comme ça, c’est séduisant. Mais pour nous, le problème ne se résume pas à un changement de personnel politique. C’est justement parce que les politiciens cherchent à nous écoeurer de la politique, à nous en détourner, qu’il faut qu’on prenne en main nos affaires nous-mêmes.

François Hollande lance un pacte de responsabilité, promeut une politique de l’offre… Est-ce que des réformes libérales passent mieux quand la gauche est au pouvoir ?

C’est clair que si Sarkozy avait annoncé une énormité pareille, tout le monde aurait été dans la rue. Mais là, à cause de la complaisance de certaines organisations ouvrières et d’un sentiment de culpabilité à la gauche de la gauche, on va scier une des trois grandes branches de la Sécu. Un truc réclamé par le patronat depuis 1945 ! Alors entendre Pierre Laurent (patron des communistes, NDLR) fulminer parce qu’on va supprimer les 30 milliards d’euros de cotisations familles des entreprises… À un moment, faut assumer, si tu veux pouvoir t’opposer complètement au gouvernement, te présente pas avec lui aux municipales !

Ce qui n’est pas le cas de Jean-Luc Mélenchon. Qu’est-ce qui empêche votre rapprochement ?

Ce que je dis vaut aussi pour Mélenchon. Si le Parti de gauche s’oppose aux socialistes au premier tour pour ensuite diriger des villes avec eux, ce n’est pas la peine. En ce moment, Mélenchon préfère visiblement regarder vers les Verts ou la gauche du PS plutôt que vers nous. La balle est dans son camp. Moi, j’étais sans illusions sur Hollande dès le départ, je ne vais pas maintenant mimer l’électeur de gauche meurtri.

Le mariage pour tous, c’est une rose au milieu d’un océan d’orties

Une décision du gouvernement qui trouve grâce à vos yeux, tout de même ?

Le mariage pour tous évidemment, même si ça n’allait pas assez loin sur l’adoption. Mais c’est une rose au milieu d’un océan d’orties.

Même l’intervention en Centrafrique, censée éviter un génocide ?

L’Etat français est particulièrement disqualifié pour intervenir sur le continent africain. Depuis les indépendances, il y a eu plus de 40 interventions militaires ! La France ne peut pas apporter de solutions puisqu’elle fait partie du problème. Qu’on se rappelle son implication au Rwanda, et la formation des milices gouvernementales qui mèneront le génocide.

L’affaire Dieudonné, la vie privée du président, ce sont des non-sujets pour vous ?

J’ai déjà dit que personnellement, je m’en battais les reins. Est-ce qu’on doit se taper toute une campagne sémantique sur le rôle de la première dame, avec colloques à l’appui et référendum pour couronner le tout ? Notre système de santé est en train de crever, la Sécu va être déboîtée, des usines ferment en pagaille, c’est quand même pas les sujets qui manquent.

Le NPA a lancé une souscription pour réunir un million d’euros. Où en êtes-vous ?

On est autour de 350 000 euros pour l’instant. C’est pas facile mais ça représente déjà beaucoup plus de donateurs que les autres années. Ça va nous permettre d’être présents aux municipales et aux européennes.

Une Europe version NPA, ce serait quoi ?

Ce serait sortir de l’Europe des traités, de Maastricht jusqu’au dernier traité européen. Notre objectif, c’est la construction d’une autre Europe, où on prendrait le meilleur des législations sociales et démocratiques. Ce serait un nivellement vers le haut, avec salaire minimum européen, services publics européens, loi d’interdiction des licenciements, droit à l’avortement européen. On ne veut pas de solutions nationalistes ou souverainistes, donc la question d’une sortie de l’euro est un pare-feu. C’est entretenir l’illusion que la solution, c’est les frontières. Les anticapitalistes qui surfent sur les idées nationalistes creusent leur propre tombe.

Vous serez candidat aux européennes ?

Il faut qu’on en discute entre nous, de manière collective. On le fera après les municipales.

Et sinon, toujours fan du PSG ? Même dans sa version bling-bling qatarie ?

Eh oui toujours. J’ai moi aussi ma part de contradictions, ce qui ne veut pas dire que j’ai n’ai pas de convictions sur le football-marchandise. Au Brésil, des millions de personnes sont descendues dans la rue à cause du mondial, pour protester contre les inégalités sociales. Ce qui prouve qu’on peut aimer le foot et être révolté.

Olivier Besancenot, La conjuration des inégaux. La lutte des classes au XXIe siècle, Le Cherche Midi, 152 pages, 13 euros.