Pourquoi critiquez-vous la stratégie de lancement du nouveau parti ?
Je crains que la direction de la LCR ne s’enferme dans une illusion : croire que l’écho d’Olivier Besancenot se traduira mécaniquement en une nouvelle construction politique. Sur le fond, Olivier Besancenot n’a pas tellement bougé de sa ligne gauchiste. Hormis sur une chose : il a compris que la Ligue ne pouvait être le réceptacle naturel des attentes qu’il suscite lui-même. Il a donc enclenché un dépassement de la LCR. Le problème, c’est qu’il s’est arrêté sur la forme.
Quels sont vos points de désaccord ?
A mesure que le projet se concrétise, la définition du nouveau parti se veut de plus en plus « révolutionnaire » et prétend ne s’adresser qu’aux seuls « révolutionnaires ». Les gens vont donc comprendre que les bases proposées sont celles de la LCR aujourd’hui et qu’elle veut les instrumentaliser. Cela risque d’avoir un coût politique élevé : le refus de discuter avec les sensibilités antilibérales existant par ailleurs, du PCF aux gauches dans le PS en passant par les forces alternatives, pour en appeler aux seuls « anonymes » dans les luttes, aux « héros du quotidien ».
C’est un risque à vos yeux ?
Oui, c’est celui d’une démarche cul par dessus tête : on définit tout à l’avance, la base politique - « révolutionnaire » -, le périmètre - seulement les anonymes et les acteurs de terrain - et le calendrier. Comment dire après aux futurs adhérents : venez, on va tout décider à égalité avec vous. Ils veulent une formation qui rassemble le meilleur des traditions de la gauche anticapitaliste. Son pluralisme est une nécessité, sauf à penser que la LCR seule peut réaliser la synthèse indispensable.
Ce nouveau parti ne peut-il pas fédérer l’extrême-gauche ?
La réalité, c’est que nous n’avons pour partenaires que des petits groupes, même pas LO, ni sa minorité ou Alternative libertaire. Au total, moins de 2 000 personnes se sont rendues aux réunions sur le nouveau parti : on est très loin du compte pour prétendre incarner une alternative disputant l’hégémonie du PS à gauche. C’est d’autant plus regrettable qu’au PCF le tabou d’une autre forme du parti commence à être levé, tandis qu’au PS ou chez les Verts certains posent la question d’une nouvelle force, et qu’au sein des collectifs antilibéraux des milliers d’inorganisés aspirent à du nouveau. Voilà pourquoi la LCR doit agir « grand angle » et pas « petit bras ».