« Le Che, simple révolutionnaire avec ses forces et ses faiblesses »

, par BESANCENOT Olivier

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Olivier Besancenot, responsable de la Ligue Communiste Révolutionnaire, a écrit avec Michael Löwy Che Guevara, une braise qui brûle encore (éditions Mille et une nuits, 14 euros).

Quelle est votre image du Che ?

Tout sauf un mythe. Il y a deux façons de discréditer le Che : la première c’est de le présenter comme un bourreau sanguinaire avec un casier judiciaire chargé. C’est le tuer une seconde fois, symboliquement cette fois. La seconde, c’est de le transformer en super héros. Pour moi, le Che était un simple militant révolutionnaire avec ses forces et ses faiblesses. Le procès qu’on lui fait, c’est celui que l’on fait aux révolutions en général. Ce que je retiens de lui, c’est que c’était quelqu’un qui dérangeait. Il dérangeait l’URSS, le PC cubain, le capitalisme américain.

C’était aussi un guerrier…

C’est vrai, le Che a tué. Mais le présenter comme un tortionnaire est faux. Au contraire, il libérait ses adversaires voire les soignait ! Il a mené une guérilla sanglante contre la dictature de Batista, elle-même très sanglante. Les exécutions dont il est responsable, comme celle de Cabana, reflètent le dilemme de toute quête de liberté : certains innocents meurent dans la lutte pour accéder à la liberté. Ça a été écrit dans les biographies qui lui ont été consacrées, comme celles de Pierre Kalfon ou de Jean Cormier. Jacobo Machover, lui, tente de discréditer le Che sur sa vie pour, en fait, faire le procès de la révolution.

Et vous, dans votre livre ?

Michael Löwy et moi n’avons pas écrit une biographie du Che. Nous nous sommes intéressés à sa pensée politique, alors que toutes les critiques tentent au contraire de dévitaliser le Che, de faire croire qu’il n’avait pas de pensée propre. Sauf qu’avant de prendre les armes, il avait pris la plume.

Comment avez-vous découvert le Che ?

A 14 ans, comme tous les ados, je portais des T-shirts à son effigie sans savoir vraiment qui c’était ni ce qu’il pensait. Jusqu’à ce que des militants de la LCR me mettent ses écrits entre les mains. Dedans, on retrouve bien sûr le thèmes de la violence et de la haine, comme facteurs de la lutte sociale. Ce qu’il écrit fait froid dans le dos, mais il faut le replacer dans son contexte historique de lutte contre une dictature. Contrairement à ce qui est souvent dit, la violence révolutionnaire est une réaction face à la violence subie. Le Che, avant de prendre les armes, a épuisé toutes les solutions démocratiques. Il n’a pas tué pour tuer, mais pour combattre une dictature.

Une icône marxiste utilisée à des fins mercantiles, ça vous irrite ?

Ah, c’est une des curiosités de l’histoire… Mais je pense que les révolutionnaires ne sont pas mal à l’aise avec ça. Ce sont plutôt les capitalistes qui devraient l’être, en commercialisant l’image de quelqu’un qui les combat. Je pense par ailleurs que voir le Che en T-shirt, ce Robin des bois rouge, peut peut-être donner envie aux jeunes de découvrir qui il était et quelle était sa pensée. Quant à moi, je ne suis ni guévariste, ni trotskiste. Je suis un militant révolutionnaire du XXIe siècle qui traite de la pensée du Che et qui sait prendre mes distances par rapport à elle.

Olivier Besancenot - Michael Löwy
Che Guevara, une braise qui brûle encore, Mille et une nuits, 2007.

P.-S.

Article paru dans Metro International, édition du 8 octobre 2007.

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