Le sort des détenus d’Action directe

, par POJOLAT Alain

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Alain Pojolat, membre du collectif NLPF (« Ne laissons pas faire »), comité de soutien aux membres d’Action directe emprisonnés, était l’invité des forums de Nouvelobs.com lundi 14 mai 2007 de 11h00 à 13h00.

  • Question d’internaute. Pourquoi la soutenir ?

Réponse : Parce que depuis 2 ans elle a terminé la peine incompressible de 18 ans à laquelle elle avait été condamnée par la juridiction d’exception parce qu’elle a un projet professionnel cohérent et sérieux parce que le juge d’application des peines compétent en matière de dossiers concernant des affaires dites « terroristes » ne peut être soupçonné d’indulgence et qu’il a estimé qu’il était temps d’entrouvrir la porte de sa cellule, parce qu’elle doit bénéficier d’une application de la justice comparable au reste des détenus.

  • Question d’internaute. Le fait que ces individus aient froidement, et sans aucune raison, assassinés des personnes, pour rien, ne vous pose aucun probleme pour les défendre ?? De quoi pouvait être rendu responsable ou coupable Georges Besse, d’être un patron, IL FAUDRA LEUR SIGNALER QU’ILS EN RESTENT !!!! De plus, pourquoi se cachent-ils derrière un jargon absurde, pourriez-vous à l’occassion leur demander ?? Bonjour chez vous....

Réponse : Déjà répondu.

  • Question d’interntaute. À votre sens, l’élection de Sarkozy va-t-elle contribuer à durcir le sort des gens d’AD ?

Réponse : Nous allons savoir dans le mois qui vient.

  • Question de Danie. J’aimerais savoir si les membres d’action directe ont demandé pardon aux familles victimes de leurs assassinats avant de leur apporter un soutien ?

Réponse : Les militants et militantes d’Action directe ont toujours agi politiquement et collectivement. Ils ont tous exprimés de la compréhension vis-à-vis des familles concernées à l’occasion de divers articles parus dans la presse. Cette compassion n’a rien à voir avec une quelconque repentance que l’on exige d’eux comme victimes expiatoires de l’après mai 68.

  • Question d’internaute. Je ne pose pas de question tout à été dit je demande seulement sa libération sinon cela signifie que l’abolition de la peine de mort n’est ou n’a jamais été appliquée dans notre pays contrairement à la constitution de la France ?

Réponse : Précisons que Pascal Clément l’actuel garde des sceaux, qui est un grand démocrate, a voté contre l’abolition de la peine de mort en 1981.

  • Question d’internaute. Je pense à Georges Besse, innocent assassiné, et à bien d’autres, comment comptez-vous les ramener à la vie ?

Réponse : Arrêtons de traiter ce sujet comme si les faits s’étaient passés hier. 20 ans ont passé. Rappelons tout de même que Georges Besse était promoteur de plans de licenciements massifs chez Péchiney et chez Renault. Des milliers de salariés se sont retrouvés sur le carreau, certains tombant dans la dépression et l’alcoolisme et d’autres allant jusqu’au suicide. Vous ne parlez pas du Général Audran, lui aussi exécuté par Action Directe et qui était le pourvoyeur d’armes à Saddam Hussein pendant la guerre Iran-Irak. Combien de civils sont décédés à cause de ces ventes d’armes ? Comme vous voyez la question est plus compliquée qu’il n’y paraît et ce débat doit être dépassionné.

  • Question d’internaute. Si on les avait guillotiné à l’époque maintenant il n’y aurait pas de pollémique !

Réponse : Cher démocrate vous êtes en osmose avec le Garde des Sceaux !

  • Question d’internaute. Bonjour, Que soutenez-vous exactement dans ce comité ? Tout, violence incluse ?

Réponse : Nous soutenons dans notre collectif le droit à des prisonniers politiques de conserver leur identité et d’être traités au minimum avec autant de « considération » que les autres détenus.
De quelle violence parle-t-on ? Celle des patrons du CAC 40 qui délocalisent à tour de bras, celle des marchands d’armes, celle des bavures policières ? Tout le contexte politique de l’après mai 68 est marqué par un affrontement violent à l’ordre établi dans de nombreux pays. Récemment en Allemagne, les derniers prisonniers de la RAF ont eu un aménagement de leur peine et des libérations conditionnelles. Pourquoi pas en France ?

  • Question d’internaute. Bonjour. C’est une cour spéciale de Paris qui a accordé l’aménagement de peine à Nathalie Ménigon. Je suppose que cela signifie que le dossier de Mme Ménigon est solide. À votre avis pourquoi le parquet a-t-il fait appel moins d’une heure après que la décision soit publique ?
  • Question de Robert (Paris 13e). Il y-a-t-il un lien avec cette décision et l’intervention à France-Inter de M. Bruguière, juge anti-terroriste, qui se dit d’accord avec la décision d’appel car les prisonniers d’Action directe « Ce sont des gens qui ne renoncent à rien » ?

Réponse : Tout à fait pertinent ! Bien sûr qu’il y a un lien avec l’intervention sur France Inter de Jean-Louis Bruguière, juge d’instruction des dossiers Audran et Besse, qui ne respecte pas son devoir de réserve et qui est candidat aux législatives dans le Lot-et-Garonne le mois prochain ! J’espère que les syndicats de magistrats, soucieux de l’indépendance de la justice, vont réagir.

  • Question d’internaute. Monsieur Nicolas Sarkozy a déclaré « la repentance est une haine de soi ». Pouvez-vous être d’accord avec M. Sarkozy sur ce point alors que les juges attendent de la part des gens d’Action directe des signes de reniement ?

Réponse : La repentance est une notion purement religieuse, elle n’a aucune valeur juridique et n’apparaît dans aucun code. En ce sens, on peut se réapproprier la phrase de Nicolas Sarkozy, mais c’est vraiment la seule !

  • Question d’internaute. Bonjour, comment expliquez-vous que l’on puisse libérer un détenu pour raisons de santé et lui permettre à la fois de travailler ? lI me semble qu’un détenu dont la santé est dégradée au point d’être libéré, n’est pas capable de travailler.

Réponse : C’est une tactique permanente des différentes juridictions qui se sont penchées sur le cas de Nathalie : trop malade pour sortir en conditionnelle et travailler, pas assez pour bénéficier de la loi Kouchner. Le projet qu’elle vient de présenter prévoit un travail tout à fait adapté à sa condition physique. Cette compatibilité a d’ailleurs été établie par un expert, diligenté par le JAP.

  • Question d’internaute. Comment expliquez-vous un tel acharnement judiciaire contre les membres d’AD 20 ans après ?

Réponse : Nicolas Sarkozy a exprimé récemment qu’il fallait en finir avec l’héritage de mai 68. On trouve pêle-mêle l’ensemble des mouvements sociaux et culturels qui ont fait progresser la société dans les années 70 (droit à l’avortement, remise en cause des guerres impérialistes, etc). Action Directe, comme les Brigades Rouges en Italie, la RAF en Allemagne, les Grapo en Espagne, le PRP au Portugal, l’IRA et L’INLA, en Irlande, les CCC en Belgique etc., fait partie de la multitude des situations d’affrontements armés entre (le « camp de la révolution et les forces capitalistes impérialistes ») et la classe ouvrière. Comme l’écrivent les militants d’AD, ce cycle de l’après mai 68 est terminé. C’est aux protagonistes du mouvement social actuel de trouver un débouché politique aux luttes, pas à eux qui sont emprisonnés depuis de nombreuses années.

  • Question d’internaute. L’acharnement subi par les membres d’AD n’est-il pas aussi une fa ? de maintenir l’extrême gauche ?a portion congrue ?

Réponse : Le désarroi politique actuel de la gauche anti-libérale et extra-parlementaire n’est que conjoncturel. L’histoire a horreur du vide et ne se limite pas aux échéances électorales. Les raisons de se révolter sont multiples. Ces révoltes prendront-elles des formes violentes, voire armées ? C’est à ces mouvements de le décider. Par contre, la répression elle, clairement va s’abattre sur tous ceux qui vont lutter contre la mise sous tutelle de la société par la fraction la plus réactionnaire du capitalisme, incarnée par Nicolas Sarkozy et l’UMP.

  • Question d’internaute. Si d’aventure tous les membres d’AD venaient à être libérés, votre collectif pourrait-il perdurer pour d’autres détenus « politiques » ?

Réponse : Il est évident que l’heure est à la répression du mouvement social et que de nombreux politiques remplaceront les militants d’Action Directe, s’ils sont libérés ! Derrière les barreaux.
La question d’un vrai mouvement de solidarité envers les victimes de la répression (jeunes des banlieues, militants antilibéraux, syndicalistes, etc.) se pose, pourquoi ne pas revenir à l’expérience du secours rouge de créer des réseaux d’avocats, de militants, de mutualiser nos moyens. Un mot en particulier pour Georges Ibrahim Abdallah détenu depuis 23 ans en France, communiste libanais, libérable depuis 1999, attendu dans son pays par les organisations de gauche, et que seule maintient en détention la pression des gouvernements américain et israélien.

  • Question d’internaute. En prison, les militants d’AD sont-ils victimes de violences ou autres actes arbitraires ?

Réponse : Les conditions de détention des militants d’AD pendant des années ont été effroyables : soumis à un isolement de plusieurs années consécutives, tabassés dans les coursives lors des procès, menottés à leur lit d’hôpital comme Joëlle Aubron le fut à l’occasion de l’opération d’une tumeur au cerveau.
Ils ont fait 2 grèves de la faim de 102 et 116 jours pendant lesquelles ils ont été maintenus en vie par des perfusions forcées. Leur régime s’est un peu assoupli au cours des dernières années mais ils ont tous le statut de détenus particulièrement surveillés (DPS) qui n’en font pas détenus comme les autres. Ce sont des prisonniers politiques que l’État n’a jamais voulue reconnaître comme tel, quelle hypocrisie quand on lit dans une dépêche de l’AFP datée du jeudi 10 mai que le parquet central fait appel parce que le dossier Nathalie Ménigon est « politiquement sensible ».

  • Question d’internaute. Pourquoi le site Nouvelobs.com vous invite-t-il aussi souvent ? Comptez-vous des sympathisants au sein de la rédaction ?

Réponse : Peut-être que les journalistes qui animent le site du Nouvel obs sont attachés à la démocratie et aux droits de la défense, fut-elle politique ? En tous les cas le collectif NLPF n’a aucune action au Nouvelobs !

  • Question d’internaute. Quel candidat aurait été le moins pire pour vous ?

Réponse : Olivier Besancenot bien-sûr, pour le premier tour. Le moins pire pour le 2e aurait été Ségolène Royal, mais ça n’engage que moi.

  • Question d’internaute. Quand vous dites que vos amis devraient être traittés en détenus politiques, cela se traduirait comment, concrètement ?

Réponse : Par la possibilité de s’exprimer politiquement, par un regroupement comme cela avait été le cas en Allemagne pour les prisonniers de la RAF et par-dessus tout par un traitement égal aux autres détenus. Jamais les militants d’Action Directe n’ont réclamé aucun privilège.

  • Question d’internaute. On a quand même l’impression que les AD ne regrettent rien, se retranchant derrière une responsabilité « collective ». C’est pas le « collectif » qui a appuyé sur la gâchette.

Réponse : En politique les regrets ne servent à rien. Les militants d’Action Directe sont les seuls à même d’analyser la validité de leurs positions quand ils sortiront.

  • Question d’internaute. On parle de Philippe Séguin ou Rachida Dati pour la Justice. De bon choix ?

Réponse : En tout cas, ça ne serait pas pire que si c’était l’ancien fondateur du mouvement fasciste Occident, Patrick Devedjian, dont on parle également.

  • Question d’internaute. Comment s’organiser l’aide pour la cantine des détenus. Peut-on y contribuer, comment faire ?

Réponse : En prenant contact avec le collectif Ne Laissons pas faire (voir sur le net). Merci !

  • Question d’internaute. Pas de question non plus, mais une grande interrogation sur les capacités de cette société à rendre justice ; il est scandaleux de laisser ces militants en prison sous des prétextes fallacieux. Pourquoi l’OIP [1] n’intervient pas dans ce dossier ? Où est Badinter ?

Réponse : L’OIP fait ce qu’il peut. De nombreuses organisations et associations et partis politiques de gauche (à l’exception du PS) soutiennent le combat pour la libération des militants d’Action Directe. Une pétition recueillant plus de 7 000 signatures a été remise le mois dernier par des personnalités à la chancellerie, qui n’a même pas dénié les recevoir. Il nous faut développer absolument des actions de soutien plus significatives dans les prochaines semaines.
Quant à Badinter, il semble que son combat (courageux) pour l’abolition de la peine de mort n’ait pas été suivi par une réflexion sur une nouvelle forme de la peine de mort qui est la mort lente en prison, une vengeance sans fin. Que vaut-il mieux : une fin effroyable ou un effroi sans fin ?

  • Question d’internaute. Non mais on croit rêver : l’apologie de crime, 20 ans après ! Vous ne leur rendez pas service !

Réponse : Qui a fait l’apologie du crime ? Nous ne faisons qu’expliquer le contexte politique dans lequel Action Directe a agi il y a plus de 20 ans. Eux pensent que nous leur rendons service et nous avons largement contribué au fil des années à assurer leur liberté d’expression, à organiser la solidarité contre les conditions de détention scandaleuses et empêcher qu’ils sombrent dans l’oubli. Pour mémoire, les derniers communards furent amnistiés 9 ans après la Commune.

  • Question d’internaute. Réclamez-vous les mêmes mesures de libération pour les complices de Pol Pot ? Car finalement c’est la même idéologie qui est en cause dans les meurtres de masse et dans ces meurtres individuels. La France n’aurait-elle pas pu connaître le même sort que le Cambodge si nos Khmers rouges à nous avaient gagné ?

Réponse : Les Khmers rouges avaient mis en place un système de liquidation de masse qui n’a rien à voir avec les attentats ciblés d’Action Directe. Leur idéologie totalitaire n’a rien à voir avec Action Directe.

Merci à tous ceux qui ont participé à ce forum. La mobilisation pour la libération des militants d’Action Directe continuera, quelles que soient les menaces et les intimidations du pouvoir.

Prolonger la réflexion...

Sur le site :
— Alain Krivine, « Si Rouillan veut adhérer au NPA, c’est qu’il rejette la lutte armée », L’Express, 1er octobre 2008 ;
— Olivier Besancenot, « Rouillan a purgé sa peine », L’Express, 1er octobre 2008.

Sur le Web :
— Jean-Marc Rouillan, « Ces prisonniers qui ne cessent de payer », Le Monde diplomatique, juin 2005 ;
— Georges Labica, « Action directe. L’inlassable vengeance d’État », The Georges Labica Website, 28 juin 2004 ;
— LDH Toulon, « Fin de perpétuité pour les prisonniers d’Action directe », 28 février 2005.