L’essentiel
Réinscription-Statut
Philippe Poutou est favorable à l’indépendance, « avec des compensations pour les souffrances occasionnées par la France », mais dans le cadre d’un « changement radical de société et de système économique ». Il est également favorable à l’organisation immédiate d’un référendum.
Crise
Pour lutter contre le chômage, le NPA veut interdire les licenciements. Philippe Poutou propose la création d’un million d’emplois dans le secteur public français.
Mesure concrète
Philippe Poutou est pour l’impôt sur le revenu en Polynésie française, la fin de la TVA sur les PPN et la suppression de la défiscalisation et de l’indexation. Et aussi une augmentation de salaire de 35 800 FCFP pour tous, avec un SMIG de 202 800 FCFP minimum.
- Philippe Poutou en campagne, le 4 avril 2012...
- « L’impôt sur le revenu est surtout le moins injuste des impôts car il est progressif, contrairement aux taxes, c’est pourquoi nous sommes favorables à celui-ci. Au-delà, le NPA prône une révolution fiscale d’ampleur, à Tahiti, comme en métropole. »
Comptez-vous soutenir la démarche du président Oscar Temaru pour la réinscription de la Polynésie française sur la liste de l’ONU des pays à décoloniser ? Quelle est votre position sur l’indépendance de la Polynésie française ? Quel serait selon vous le meilleur statut pour cette collectivité d’outre-mer : le statut actuel, un statut d’autonomie encore renforcé, la départementalisation, l’État associé ?
On peut inscrire la Polynésie sur la liste de l’ONU, mais on ne pourra réellement la décoloniser qu’en partant des besoins et des mobilisations de la population, et pas seulement en espérant qu’un futur gouvernement socialiste fasse un geste comme l’avait espéré Oscar Temaru en 2007 en appelant à voter Ségolène Royal.
En tant qu’anti-impérialistes, nous sommes clairement pour l’indépendance de la Polynésie, mais pas une fausse indépendance comme tous ces pays d’Afrique, par exemple, qui continuent d’être vampirisés par les grands groupes français : une indépendance avec des compensations pour les souffrances occasionnées par la France, comme les essais nucléaires par exemple. L’indépendance de la Polynésie passera par son indépendance économique, mais seulement si celle-ci répond aux besoins de la population. C’est pourquoi il faudra un vrai changement radical, de société et de système économique.
Seriez-vous favorable à l’organisation d’un référendum d’autodétermination en Polynésie française ? Si oui, ce référendum devrait-il se tenir : immédiatement ? En même temps que le référendum en Nouvelle-Calédonie ? Ou au terme d’un processus sur 10, 15, 20 ans dans le cadre d’un accord politique, économique et financier entre la France et la Polynésie ?
En 1877, la France a décidé que Tahiti et les autres îles de l’archipel du Vent étaient une de ses colonies. Depuis, d’autres archipels du Pacifique Sud dispersés sur une surface grande comme l’Europe ont été rattachés à ce statut colonial pour former ce qui s’appelle aujourd’hui le pays d’outre-mer de Polynésie française. Alors, oui, nous sommes favorables à l’organisation d’un référendum d’autodétermination immédiatement en Polynésie comme en Nouvelle-Calédonie. C’est aux populations de décider !
Depuis la fin des essais nucléaires, l’État verse une compensation annuelle de 18 milliards de FCFP (150 millions d’euros), présentée par l’ancien président Jacques Chirac comme une « dette » pérenne de la France envers la Polynésie. La pérennité de cette « dette » sera-t-elle, pour vous, toujours d’actualité, et sur la base de quel montant garanti ? Êtes-vous favorable à une indemnisation plus importante de la Polynésie française pour les conséquences environnementales des essais nucléaires tel que le demande aujourd’hui le parti d’Oscar Temaru ?
Entre 1966 et 1974, 46 essais nucléaires à ciel ouvert ont eu lieu dans la région, sans compter les 147 effectués de façon souterraine, plusieurs milliers de personnes ont été contaminées. Il a fallu des décennies pour que l’État français reconnaisse ses responsabilités. Alors bien sûr que la France a une dette énorme vis-à-vis des populations de l’archipel... et ce que verse actuellement la France est loin de rattraper tous les préjudices causés. Il faut augmenter l’indemnisation.
La Cour des comptes a récemment pointé du doigt l’inefficacité des outils de défiscalisation ultra-marins. Que prévoyez-vous pour ce dispositif ? Son maintien en l’état ? Un renforcement du suivi et des contrôles ? Un rabotage ? Sa suppression ?
Il faut supprimer tous les dispositifs de défiscalisation qui ne profitent qu’aux plus riches et aux grands groupes capitalistes de métropole et des autres pays riches.
Depuis 1958, aucun gouvernement n’a osé instaurer l’impôt sur le revenu en Polynésie, préférant démultiplier les impôts et taxes directs. Pensez-vous que la Polynésie peut assurer son développement économique et social sans instaurer un impôt sur le ou les revenu(s) ?
L’impôt sur le revenu est surtout le moins injuste des impôts car il est progressif, contrairement aux taxes, c’est pourquoi nous sommes favorables à celui-ci. Au-delà, le NPA prône une révolution fiscale d’ampleur, à Tahiti, comme en métropole. Depuis 30 ans, les gouvernements de droite et de gauche ont organisé un transfert de richesses des salariés vers les grands patrons et les actionnaires. C’est cette politique fiscale qui est à l’origine de la dette. Nous voulons faire l’inverse. Arrêtons de payer la dette publique qui coûte chaque année 160 milliards d’euros, dont 50 milliards pour les seuls intérêts. Le taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés doit être porté à 50% comme il l’était il y a une trentaine d’années, ce qui rapporterait plus de 50 milliards d’euros. L’ensemble des dispositifs destinés à alléger les impôts des plus riches coûte près de 150 milliards, des privilèges à supprimer immédiatement. Le minimum, ce serait aussi de créer une nouvelle tranche haute d’imposition à 100% au-delà de 20 fois le Smig. Il leur restera de quoi vivre !
Le problème de la cherté de la vie en Polynésie française a connu ces dernières années un développement parallèle à celui du nombre de familles vivant sous le seuil de pauvreté (30 %). Quelles mesures d’urgence envisagez-vous pour lutter contre le coût élevé de la vie en Polynésie française ? Et sur le plan économique, si vous êtes élu Président de la République, quelles sont les premières actions que vous mènerez pour permettre à la Polynésie française de retrouver le chemin de la croissance ?
En effet, la Polynésie connaît une situation économique dramatique. Pour combattre l’érosion du pouvoir d’achat, nous proposons d’augmenter tous les revenus de 300 euros net par mois, avec pas un revenu inférieur à 1 700 euros (202 861 FCFP). L’augmentation de la pauvreté est le résultat de mesures politiques : augmentations des impôts les plus injustes, réforme des retraites, accroissement du chômage, des temps partiels imposés, des contrats précaires... Depuis le début des années 80, ce sont dix points de PIB qui sont ainsi passés des poches des salariés aux caisses des actionnaires. Il faut récupérer ces richesses pour les distribuer tout autrement. Il faut supprimer la TVA sur les produits de première nécessité. Rétablir la retraite à 60 ans à taux plein (55 ans pour les travaux pénibles) après 37,5 annuités de travail.
Le Pays réfléchit actuellement sur la mise en place d’une caisse d’allocation-chômage, pensez-vous que ce soit une nécessité pour la Polynésie française ? Ou faut-il étendre selon vous le RSA (Revenu de solidarité active) à la Polynésie française, comme dans les DOM ?
Le RSA est une mesure propatronale que le NPA combat. Pour lutter contre le chômage, il faut déjà commencer par interdire les licenciements. Concernant les petites entreprises, qui sont pour l’essentiel sous la domination de grands groupes qui absorbent les bénéfices, c’est à eux de garantir le maintien du contrat de travail en cas de faillite d’une petite entreprise de la branche. Il faut créer un million d’emplois dans le secteur public.
Le débat sur la suppression de l’indexation des fonctionnaires en outre-mer est régulièrement posé en France. Après le retrait de l’ITR, êtes-vous favorable au maintien de l’indexation aux taux actuels ? Ou pensez-vous qu’il sera inévitable de la réduire, voire de la supprimer ? Et selon quel calendrier ?
Il n’y a aucune raison pour que les fonctionnaires d’État gagnent autant. La surrémunération, les avantages fiscaux, tout ceci participe à la colonisation de peuplement menée par la France depuis des dizaines d’années. Attirer le maximum de personnes de métropole pour renforcer la place de l’État et mettre la population locale sous la dépendance des subventions d’État et sous la pression des prix... c’est une politique coloniale. Ce qui explique la cherté de la vie locale, ce sont avant tout les profits des grands groupes qui ont de vrais monopoles sur l’importation de denrées. Ce qu’il faut changer, c’est le but de l’économie : permettre à une minorité de faire des profits ou bien répondre aux besoins de la population.
Êtes-vous pour le transfert intégral de l’enveloppe financière (masse salariale comprise) du secteur de l’Éducation à la Polynésie française, et donc pour la fermeture du vice-rectorat en Polynésie française ?
Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, il nous semble que c’est aux Polynésiens d’en décider démocratiquement. La France métropolitaine continue d’exercer son pouvoir à Tahiti, comme dans d’autres régions, en gardant les attitudes d’une puissance coloniale. La pauvreté actuelle de Tahiti est pour partie liée à cette histoire. Alors aider la Polynésie française est normal, mais c’est aux habitants de l’archipel de décider exactement de la manière et de la forme dont cette aide doit se mettre en œuvre, dans l’éducation, comme dans tous les autres secteurs de la vie sociale.
Pour conclure, si vous êtes élue présidente de la République, quel type de relations souhaiteriez-vous que la France entretienne avec la Polynésie française ? Quel est votre principal message aux Polynésiens ?
Si je suis élu président la République, je souhaite en Polynésie française comme dans tous les DOM-COM, et au-delà dans les régions encore dans le giron de l’impérialisme français, créer des relations fondées sur la coopération. Cela suppose un préalable : que les peuples qui ont été soumis à un pillage éhonté au service de la métropole définissent eux-mêmes les modalités de relations qu’ils souhaitent entretenir avec la France ! C’est une exigence démocratique élémentaire. Je me réfère à la tradition anticolonialiste et internationaliste, et à ce titre, je pense que c’est d’abord et avant tout aux Polynésiens de dire ce qu’ils souhaitent à un vrai changement radical, de société et de système économique.