Avez-vous changé depuis votre entrée dans le combat politique au milieu des années 50 ?
Non, je demeure révolutionnaire, et peut-être plus qu’avant, anticapitaliste et anti-institutions. Je crois que l’histoire me donne un peu raison avec toutes ces révélations des « Panama Papers » qui prouvent la pertinence de ce que nous dénonçons depuis toujours : un viol de la démocratie par ce capitalisme financier qui se goinfre de ses milliards planqués, alors que l’ouvrier et le technicien peinent à boucler les fins de mois.
C’est, non seulement indécent, mais c’est un véritable crime, presque toujours impuni. J’ajoute qu’il faut saluer cette centaine de journalistes internationaux qui a fait un boulot formidable en révélant ces faits. Il suffit pour s’en convaincre d’avoir vu l’émission « Cash Investigation », présentée par Elise Lucet sur France 2.
Que pensez-vous de l’entreprise et des entrepreneurs ?
Il convient de distinguer les grandes, moyennes et petites entreprises. Nous sommes toujours favorables à la nationalisation des secteurs clés de l’économie et des entreprises qui ne sont que sous-traitantes des grandes. En revanche, nous considérons qu’il faut aider les petits entrepreneurs et les artisans indépendants, non nationalisables, qui n’ont rien à voir avec le capitalisme financier.
Notre conception de l’entreprise n’a pas varié. Elle doit être identifiable à un patron physique qui conduit l’opérationnel. Mais elle doit être participative quant aux grandes décisions sur les objectifs, la nature du produit et les méthodes de production.
Pour être plus clair : quoi produire, comment produire et pour qui produire ? Je vous l’accorde, il s’agit d’un changement total de société qui rejette le libéralisme pour construire un vrai contrat social.
Considérez-vous le moment propice à ce changement en profondeur ?
Avec l’âge et surtout l’expérience, je suis de plus en plus réaliste. Non, les circonstances d’un « Grand Soir » ne sont pas actuellement réunies. Les syndicats et les partis politiques démocratiques sont totalement discrédités.
On le voit avec le mouvement « Nuit Debout » qui occupe des places en France. Sur celle de la République à Paris, le parti communiste s’est fait jeté. Chez nous, Olivier Besançon pour le NPA y va tous les soirs et si on l’accepte, c’est seulement parce qu’il est connu et apprécié à titre individuel.
En outre, la classe ouvrière est divisée, voire très éclatée. L’ouvrier, le technicien et l’ingénieur n’ont plus la conscience d’être du même côté des travailleurs. L’individualisme est terrible et mobiliser par la grève est devenu de plus en plus difficile. On préfère la manif si le temps n’est pas trop à la pluie. Politiques, syndicalistes sont complètement décalés vis-à-vis de ces mouvements spontanés.
Avec la montée de l’extrême droite, le droitisation poussée d’une partie de la droite libérale, la sociale démocratisation du parti socialiste, la très grande perte d’influence du PC et la mégalomanie que vous dénoncez de Jean-Luc Mélanchon, n’y a-t-il une place qui se dessine pour l’extrême gauche ?
Oui, mais à condition que nous soyons crédibles, que nous fassions la jonction entre l’ouvrier et l’étudiant, qui pour la plupart travaillent, que nous trouvions le terreau fertile à un embrasement. La Loi El Khomri est un bon démarrage sur ce point.
Présenterez-vous un candidat à la présidentielle ?
Pour nous, anti-institutionnels, nous considérons toujours les élections comme des « pièges à cons ». Elles sont toutefois un bon moyen de se faire connaître. C’est pourquoi, nous présenterons de nouveau Philippe Poutou à l’élection présidentielle de 2017.
Avez-vous peur de Marine Le pen au second tour ?
Cette hypothèse est plus que crédible, car je le constate chaque jour sur le terrain, le FN ratisse large et même dans nos rangs. Il s’habille d’une pseudo-honorabilité avec Marine Le Pen en s’éloignant du fascisme de son père et va jusqu’à convaincre chez les Français issus de l’immigration. J’en ai entendu dire : « Avec les Roms et les réfugiés, on est plus chez nous ». Il faut faire très attention, la démocratie est en plein désarroi et il faut en être conscient.