Les deux défis de l’écologie populaire

, par AGUITON Christophe

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Dans cette contribution, je voudrais me limiter à aborder brièvement deux questions importantes pour construire une alternative politique.

La première question est celle de la révolution énergique qui s’annonce, conséquence de la prise en compte des effets du réchauffement climatique et du pic pétrolier. À juste titre les courants écologistes et environnementalistes ont insisté sur l’urgence des mesures à prendre, mais en insistant surtout sur les économies à réaliser dans une perspective de décroissance — au moins énergétique — et beaucoup moins sur les conséquences sociales des transformations à venir. Un simple retour sur les révolutions énergétiques antérieures montre à quel point elles ont été des moments déterminants de structuration des rapports entre classes, peuples et groupes sociaux : du contrôle des moulins par la seigneurie banale comme moyen de domination sur
la paysannerie au XIe siècle à la première révolution industrielle où l’usine s’est développée autour de la machine à vapeur fonctionnant au charbon pour finir par la deuxième révolution industrielle avec la domination anglaise puis américaine sur les champs pétroliers du Moyen-Orient.

Alternatives énergétiques et émancipation

Si chaque source d’énergie induit des contraintes spécifiques — par exemple l’obligation de se soumettre à une technostructure centralisée pour le nucléaire —, il n’y pas de déterminisme absolu : la découverte des applications industrielle de l’électricité et l’usage de moteurs de petite dimension avait soulevé l’espoir de redonner du pouvoir aux petits producteurs face à l’usine inhumaine. Mais dans le monde du début du XXe siècle marqué par la thématique du progrès et la foi dans le rôle positif de l’expertise et de la bureaucratie, son application a avant tout permis le développement du taylorisme... Penser les alternatives énergétiques à venir par le prisme des rapports de force sociaux et de leur potentialité émancipatrice m’apparaît donc décisif.

Cités globales en archipel

La deuxième question est celle des politiques urbaines à un moment où nous venons de franchir le cap symbolique des plus de 50 % de la population mondiale vivant dans des villes. Les centres urbains, et en particulier les mégapoles, sont au coeur de contradictions et de nouveaux problèmes, parmi lesquelles la question énergétique, la spécialisation et la hiérarchisation des grandes agglomérations urbaines dans la phase actuelle de mondialisation, et les nouvelles polarisations sociales liées à ces transformations. La question énergétique est la plus évidente, mais elle soulèvera des débats comme celui de la densification des centres urbains seul moyen de permettre le développement de transports publics et de lutter contre le « tout automobile ».

Dans un pays comme la France, marqué par l’importance des politiques d’aménagement du territoire, la mondialisation ouvre un nouveau défi, celui de l’émergence de « cités globales » qui dessinent un archipel hiérarchisé de mégapoles qui dominent l’économie mondiale. Dans cet « archipel » les centres industriels sont renvoyés à la périphérie — au Nord comme au Sud — et les villes dominantes se spécialisent sur la finance, la recherche, l’innovation et les services, ce qui s’accompagne du développement des deux groupes sociaux spécifiques à ces secteurs : des travailleurs intellectuels qualifiés et des employés de service mal payés, précarisés et souvent immigrés d’origine. La révolte des banlieues de 2005 et le vote à gauche des grandes villes lors des élections de 2007 sont des révélateurs de ces transformations.

L’intérêt de ces questions pour la gauche et les écologistes et de pointer l’ampleur des défis à problèmes à discuter pour penser une alternative politique. Une alternative à construire à partir des mouvements et mobilisations, en sachant que ceux-ci ne convergeront pas naturellement et que des cadres de confrontation comme les forums sociaux sont indispensables pour penser alliances et articulations stratégiques.

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