Le dimanche de Pâques, tous nos orateurs ont appelé les Républicains à examiner en détail le document. Alors que c’est un exercice indispensable, il est insuffisant de lire le document comme tel, ligne après ligne, mot après mot. Il y a des parties qui sont contradictoires et ambigues. Il faut l’examiner dans son contexte de stratégie et du combat. Et en se préparant à l’étape suivante, nous avons aussi besoin d’examiner les positions et les stratégies de nos adversaires et ennemis.
J’ai toujours dit clairement que si nos principes et nos buts ne doivent pas changer, nos objectifs stratégiques, nos stratégies et nos tactiques doivent être constamment revus et ancrés dans la réalité objective.
Nous avons dit que le mouvement qui part de l’inégalité, de la division et du conflit actuel doit être un mouvement de transition. Il peut indiquer une voie pragmatique vers notre but ultime, mais seulement si la dynamique pour un tel changement est plus forte que la résistance au processus. En examinant le résultat des discussions de ces dernières semaines, nous devons explorer si une telle possibilité existe.
Nous savions que les autres partis ont déjà accepté le veto unioniste, présenté frauduleusement comme un « accord ». Nous refusons cette attitude. La raison pour laquelle nous ne pouvons accepter le veto unioniste est fort simple. Ce veto participe de la partition et des grandes souffrances des nationalistes sous Stormont [1]. C’était une erreur historique que d’accorder à une minorité nationale le droit de veto au progrès de la nation irlandaise. Ce veto, et le fait de se plier à devant ce veto, a nourri l’intransigeance unioniste jusqu’à aujourd’hui.
Les Républicains voient l’accord au sein du peuple de cette île une voie pour résoudre les conflits. Cela signifie gagner les unionistes, ou du moins un nombre suffisant d’unionistes, au but d’une Irlande unie. Cela est-il possible ?
Nous devons décider collectivement comment nous allons interpréter l’accord. D’une part il confirme le veto unioniste à propos de la situation constitutionnelle du Nord. D’autre part il réduit les prétentions territoriales britanniques à cette seule condition tout en forçant les unionistes d’accepter les changements fondamentaux de la vie quotidienne dans sa dimension pan-irlandaise.
Donc si l’accord n’est pas la solution, c’est une base pour avancer. Il annonce un changement du status quo. Et il peut devenir un étape transitoire, mais à la condition que tous ceux qui ont un intérêt pour cet objectif, spécialement ceux qui sont forts et influents, abandonnent la rhétorique et s’attellent à la construction d’une véritable dynamique pour une transformation démocratique nationale.
Les questions essentielles sont celles qui peuvent être un levier pour notre lutte visant à mettre fin à la juridiction britannique dans notre pays.
En 1998 nous sommes parvenus à ce que le Sinn Féin et le républicanisme soit le pivot de la politique irlandaise et voit s’accroître sa force. Nous devons avoir confiance dans notre force. Nous devons construire notre lutte à l’échelle de cette île de manière à ce que la reconquête de l’Irlande se réalise dans tous les domaines sociaux, économiques et culturels, comme dans le champ politique. Notre tâche doit être d’articuler et de développer le noyau des positions républicaines de manière à ce qu’il apparaisse comme attirant et raisonnable pour les larges masses du peuple irlandais. Ce ne peut être une lutte nordique qui traîne le sud derrière. Ce doit être une lutte vraiment nationale.
L’an dernier en m’adressant à vous, j’ai souligné la nécessité pour les républicains d’être attentifs à ce qui se passe dans le camp unioniste. Je vous ai dit et je le dit à nouveau, nous devons faire un effort pour garantir que les protestants du Nord et les unionistes ne soient pas forcés d’occuper l’espace politique dont nous voulons nous échapper.
Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons écouter les diverses voix de l’unionisme. Nous devons savoir ce qui se passe à l’intérieur de cette fraction de notre peuple.
Nous, qui avons supporté tant de peines, ne devons pas laisser notre douleur nous rendre insensibles à la peine des unionistes. Nous voulons qu’il soit clair que notre désir n’est pas de dominer comme nous avons été dominés dans le passé, même si le voyage de la réconciliation est difficile.
Le changement doit être géré. C’est difficile pour tout le monde, pour vous comme pour moi ou pour M. Trimble [2]. Le dialogue doit être l’ancre du changement. Au fond de son coeur M. Trimble le sait. Il sait également que la véritable portée des événements de ces dernières semaines du point de vue unioniste fut le fait que le Parti unioniste d’Ulster est allée plus loin qu’il ne comptait aller. Mais si les unionistes veulent jouer un rôle positif dans la responsabilité partagée pour un futur commun de tous sur cette île, l’unionisme devra avancer encore dans la modernité.
À mon avis c’est ce qui arrivera. Mais seulement s’il n’y a pas d’alternative. C’est pourquoi le rôle du Premier ministre britannique est si crucial. Jusque-là, la politique britannique de soutien à l’Union et au veto unioniste a été au centre du conflit ici.
À mon avis M. Blair comprend qu’il doit modifier rapidement la politique britannique sur ces terres qui ont tant souffert de la malédiction du militarisme et de la présence britanniques. Sa responsabilité est énorme car il doit réparer les erreurs qui sont le legs historique et contemporain de l’immixtion britannique dans nos affaires.
Un des grands défis que nous devons affronter maintenant est de savoir comment nous allons traiter les institutions qui ont été proposées. Cela doit faire partie de notre jugement. Les Républicains irlandais ont un blocage émotionnel, politique et constitutionnel devant l’idée de participer à l’assemblée de Stormont. Si cette politique abstentionniste sous-tend notre attitude envers les élections, alors les sièges dans les institutions pan-irlandaises, qui doivent conduire et développer la politique sur une base pan-Irlandaise, et qui devraient représenter notre électorat, iront aux autres partis. Nous devons nous demander si cela servirait notre lutte. Si c’est le cas, fort bien. Mais si tel n’est pas le cas nous avons le devoir de chercher les alternatives fondées sur une stratégie républicaine cohérente.
Nous avons demandé que les citoyens du Nord puissent renvoyer leurs représentants au Dáil [3] et de participer aussi pleinement que possible à la vie politique de la nation. Nous avons également proposé que les citoyens irlandais dans le Nord puissent prendre part à l’élection présidentielle et aux référendums. Je salue l’initiative du Premier ministre de la République d’Irlande de saisir le Commission de révision de la Constitution de cette question et j’insiste sur l’urgence. J’invite également les individus, les organisations et les autres partis politiques de toute l’Irlande de soutenir activement ces propositions.
Le gouvernement irlandais se doit de développer les droits citoyens du Nord jusqu’à leur plénitude.
L’Irlande, c’est l’Irlande. Le peuple irlandais est une nation et le territoire national ce sont les 32 comtés, notre île et nos eaux territoriales. Rien ne peut changer cela. Et rien ne le changera jamais.
C’est pourquoi nous devons construire notre lutte et notre force politique. Parce que c’est en construisant notre force que nous pourrons faire bouger et le gouvernement britannique et les unionistes.