- L’Élysée indique que c’était « le bon moment » pour envoyer un émissaire à Cuba. Qu’en pensez-vous ?
C’est effectivement une période charnière. L’Union européenne vient de lever ses sanctions commerciales et économiques à l’égard de l’île et l’élection du nouveau président américain ouvre des perspectives : même si la levée de l’embargo n’est pas pour demain, Barack Obama envisage la levée de certaines restrictions concernant les exilés cubains, afin qu’ils puissent rendre visite à leur famille sur place et lui envoyer de l’argent. Par ailleurs, la France a des intérêts dans la région, avec la Martinique et la Guadeloupe à proximité.
- Pourquoi avoir choisi d’envoyer Jack Lang, selon vous ?
Outre le fait qu’il s’agit sûrement d’une décision qui s’inscrit dans la politique dite d’ouverture, le choix de Jack Lang est aussi motivé par des raisons diplomatiques. Ce dernier s’est déjà rendu en Amérique latine, notamment au Venezuela, et il connaît bien la région. Il bénéficie d’un certain capital de sympathie à Cuba car il a témoigné de beaucoup d’hostilité à l’égard de George Bush. Mieux valait l’envoyer lui pour renouer le dialogue que Bernard Kouchner. Le ministre des Affaires étrangères a affiché des positions beaucoup plus favorables à l’égard de Washington, notamment au moment de la guerre en Irak. Il est donc moins bien perçu. Dominique de Villepin aurait également été un choix possible, mais cela ne semble pas dans l’air du temps...
- Nicolas Sarkozy s’est rendu au Brésil récemment. Il prépare un voyage en Bolivie. L’Amérique latine est-elle en train de devenir une des priorités de la diplomatie française ?
Pas une priorité, mais il est certain que la France ne veut pas être absente à l’heure où certains pays d’Amérique latine, le Brésil et son président Lula en tête, cherchent à s’émanciper à l’égard des Etats-Unis d’un point de vue politique. Et dans cette affaire, Cuba et sa réintégration dans le jeu diplomatique jouent un rôle clé. Il n’est pas impossible d’ailleurs que ce soit Lula qui ait suggéré au Président français de faire un geste. Mieux vaut, dans ce dossier, ne pas attendre l’Union européenne, la présidence tchèque entretenant de très mauvaises relations avec le régime de Raul Castro.