La commission d’enquête sur le système d’interception Echelon pouvait être conçue comme une réponse démocratique — au niveau parlementaire s’entend — à un système d’écoutes mondial qui viole toutes les lois de la démocratie et les droits des citoyens. Composée de 36 membres élus, munie d’un mandat, la commission a adopté un projet de résolution le 3 juillet dernier par 27 voix pour, 5 contre et 2 abstentions, clôturant ainsi ses travaux. Il sera soumis aux votes en plénière en septembre. Alain Krivine a voté contre ce projet qui ne propose que des mesures dérisoires pour lutter contre les atteintes à la vie privée que pose l’existence d’Echelon. La formation même de cette commission relevait d’une première hypocrisie : pour bénéficier d’un réel pouvoir d’investigation, la commission d’enquête n’aurait pas dû, statutairement, être temporaire. Cette revendication démocratique avait été portée par les députés membres de la GUE et des Verts, mais battue en séance plénière. Face à un enjeu de cet ordre (on parle de plusieurs milliards d’écoutes possibles par jour, indifférenciées quant à la source et triées ultérieurement), reconversion d’un système d’écoutes de la guerre froide en système mondial, le moyen choisi était bien en deçà de ce qu’il aurait fallu faire, notamment en termes de respect des droits de la vie privée. Mais aurait-il pu en être réellement autrement, quand l’Union européenne fait mine de s’opposer au pouvoir des Etats-Unis alors que des pays membres (la Grande-Bretagne, l’Allemagne) participent au système d’écoute ?
Le mandat et le résultat
Le mandat de la commission était le suivant : vérifier l’existence d’Echelon, vérifier la compatibilité de ce système avec le droit communautaire (notamment selon l’axe des droits des citoyens, du cryptage...), vérifier les risques encourus par l’industrie européenne, et proposer, le cas échéant, des initiatives politiques et législatives. La proposition de résolution apporte quelques éléments de réponse, dont certains laissent rêveur. Si elle reconnaît que l’existence du système ne fait plus de doute, ce dernier n’est incompatible avec le droit de l’Union européenne que dans le cadre des écoutes à des fins de concurrence, les écoutes à des fins de renseignement étant régies par chaque Etat et ne dépendant donc pas du droit de l’Union ! Elle remarque qu’il existe plusieurs pays de l’Union qui ne disposent pas d’un système de contrôle des activités de renseignement ! Elle se révolte non pas contre l’espionnage industriel en tant que tel, mais contre le fait que celui-ci soit utilisé à des fins de concurrence ! Elle affirme qu’une coopération entre services de renseignement de l’Union apparaît souhaitable ! Quant à la protection des droits des citoyens, la résolution propose essentiellement des solutions techniques, ou tournées vers l’adhésion des pays membres à la Convention relative aux droits de l’Homme, mais dans un chapitre consacré à la protection des citoyens et des entreprises !
Drôle de démocratie !
Mais comment croire que face à un tel système d’écoutes le Parlement européen et les députés européens puissent avoir un quelconque rôle à jouer ? La visite de certains d’entre eux aux Etats-Unis, dont Alain Krivine, est édifiante à ce propos : refus des responsables de la CIA et de la NSA de les rencontrer, sur le thème « mêlez-vous de ce qui vous regarde ».
C’est l’ensemble du système démocratique européen qui montre sa faillite par l’existence même de ce type de commissions fantoches. Il montre le réel pouvoir des députés face à celui d’organismes non élus. Il montre la prédominance des intérêts économiques face aux droits des citoyens et à la protection de la vie privée. Il faut continuer à se battre, au Parlement européen comme ailleurs, pour une réelle démocratie qui défende les droits et libertés de chacun.