Irlande du nord

Vers l’unification de l’Irlande

, par COURT Mireille, DEN HOND Chris, McGUINNESS Martin, McLAUGHLIN Mitchell

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Sans mettre fin à la domination britannique, les accords de paix du vendredi saint de 1998 promettent l’égalité entre tous les habitants d’Irlande du Nord. Rouge a rencontré, en février 2004, deux architectes des accords et anciens dirigeants de l’IRA, Martin McGuinness et Mitchell McLaughlin.

Martin McGuinness — Nous avons réalisé un progrès énorme ces dix dernières années. Le processus de paix a apporté beaucoup de choses positives à l’ensemble de notre peuple. Mais un long chemin reste à parcourir et les unionistes pro-Britanniques, qui empêchent les changements, sont le problème majeur. J’espère qu’on obtiendra à court terme une égalité, une démilitarisation et une réforme de la police. Les résultats électoraux montrent qu’une majorité écrasante du peuple irlandais appuie la stratégie de paix de Sinn Fein. Les dirigeants des unionistes pro-Britanniques, Paisley et Trimble, ne sont pas capables de partager le pouvoir avec nous. Nous critiquons également Tony Blair, qui soutient les dirigeants unionistes quand ils bloquent le processus de paix.
Nous avons réussi à faire figurer les Irlandais du Nord sur l’agenda politique du gouvernement britannique et des unionistes. Nous prenons des positions importantes à l’Assemblée, pas seulement en Irlande du Nord, mais sur l’île entière. Il est probable que Sinn Fein aura deux membres élus au Parlement européen en juin, deux femmes en plus. C’est un grand choc culturel pour les unionistes, parce qu’avant, ils contrôlaient tout et ce n’est plus le cas. Je désire partager le pouvoir avec eux et élaborer les all Island institutions. Un jour, nous obtiendrons une république irlandaise souveraine par la voie pacifique et démocratique.

© Dessin paru dans The Times en 2009.

Mitchell McLaughlin — C’est un processus de résolution de conflit. Un des problèmes non résolus est la question de l’autodétermination nationale pour la population d’Irlande. Mais cela devrait pouvoir se réaliser dans le cadre des accords de paix. Nous essayons d’atteindre, à travers des moyens non armés, les objectifs que l’IRA a visés pendant des décennies par la lutte armée. Notre succès n’a jamais été garanti, mais il a été rendu possible. La réponse positive de la direction de l’IRA concernant cette initiative politique a été très importante.
Je suis moi-même un citoyen irlandais et, contre ma volonté, je suis un sujet britannique. Si la Grande-Bretagne reconnaît le droit de chaque peuple en Irlande à l’autodétermination, ce problème pourra être résolu. Cela mènera à une relation amicale entre nos deux peuples sur une base d’égalité.
Nous ne voulons pas simplement une intégration de l’Irlande du Nord dans l’Irlande du Sud, mais nous voulons une transformation radicale de l’Irlande. Nous voulons une nouvelle démocratie, un nouveau système politique et une nouvelle Constitution en Irlande. Sinn Fein est partisan d’une république socialiste démocratique. Et nous sommes un parti fort maintenant, le troisième sur l’île.
Depuis dix ans, il y a eu des négociations entre tous les partis. Toutes menaient à l’échec parce que Sinn Fein en a été exclu. Nous avons été censurés, dans le Nord comme dans le Sud. Mais quand nous avons rejoint les négociations en septembre 1997, nous avons obtenu un accord de paix à Pâques 1998. Nous étions la maille manquante du processus de paix.
La relation avec la communauté unioniste s’avère très compliquée. Ce sont eux qui ont colonisé l’Irlande. Ils craignent de subir le même sort que celui qu’ils ont infligé aux nationalistes et aux républicains durant plusieurs décennies. Une décision va être prise pour une Irlande unie et indépendante. Cela fait partie des accords du vendredi saint. Donc c’est normal que les unionistes s’énervent. Et il est de notre responsabilité de leur expliquer qu’ils ne seront pas une minorité opprimée dans une Irlande unifiée.

P.-S.

Propos recueillis par Chris Den Hond et Mireille Court.

Source

Rouge, n° 2061, 22 avril 2004.

Extra

Reproduit aussi dans La Gauche, n° 3, mai 2004, p. 30.

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