La « tarification à l’activité » ou quand chaque maladie devient un « segment » du marché
Le « Plan Hôpital 2007 » est déjà engagé depuis l’automne par la mise en place de la « tarification à l’activité » (dite T2A). Ce nouveau mode de financement commun aux établissements publics et privés est « expérimenté » en 2003 avant d’être généralisé en 2004. Chaque maladie devient un « segment de marché » pour laquelle un coût est défini. Les établissements publics et privés sont mis en concurrence. La meilleure « offre » emporte le marché.
Les conséquences de cette « réforme » n’ont pas échappé au journal libéral le Quotidien du Médecin. Le 24 juin, citant J.Y. Laffont directeur de l’Hôpital de St Cloud et vice-président de l’Union des Hôpitaux de la Région Île-de-France, on y trouve le passage suivant qui se passe de commentaire :
« La T2A [tarification à l’activité] va permettre de distinguer clairement les services hospitaliers rentables des services coûteux, comme dans le secteur privé. « Va-t-on maintenir un service non rentable ? s’interroge J.Y. Laffont. « ou alors, va-t-on réunir deux services non rentables pour en faire un service rentable grâce à des restructurations et des réductions de personnel ? et dans ce cas qui va mener les restructurations, qui prendra la décision d’envoyer telle infirmière ou tel médecin dans un autre service ou un autre établissement ? »... autre danger que souligne le vice président de l’URHIF : la T2A va peut être déclencher une logique productiviste chez les médecins. Des dérives sont alors à prévoir : le praticien pourra être tenté de baisser les coûts en diminuant la qualité des soins et en sélectionnant les malades les moins chers. Ou à l’inverse, pour accroître les recettes de son service, le médecin ira à la chasse au malade : s’il lui manque 15 opérations pour remplir son quota à telle date, il fera venir les malades à tout prix imagine J.Y. Laffont »
Transformer les médecins hospitaliers en « managers »
Depuis des années, les médecins hospitaliers se plaignaient d’avoir perdu le pouvoir dans l’Hôpital au profit de la hiérarchie administrative, (les directeurs d’Hôpitaux) et plus récemment de la hiérarchie infirmière.
En instaurant un « comité de direction » qui deviendrait le véritable centre du pouvoir dans l’établissement, Mattei redonne un poids aux médecins dans la gestion. Ce comité de direction serait en effet composé à égalité de directeurs administratifs et de médecins responsables des « Pôles » (regroupements de services) de l’Hôpital. Mais ce pouvoir ne leur serait donné qu’en échange de leur transformation en « managers » apportant la caution du savoir médical... à la soumission aux lois du marché.
Au nom de « choix stratégiques » les médecins-managers devront apprendre pour « sauver » leur établissement, à supprimer tel service ne fonctionnant que pour quelques malades « trop coûteux », à regrouper des unités, quitte à diminuer la qualité des soins, et à réduire le personnel.
Quant aux directeurs d’Hôpitaux, encore trop marqués au goût du Ministre par une culture de service public, ils sont placés sur un siége éjectables : ils doivent être nommés par les directeurs d’ARH (préfets sanitaires) pour quatre ans, et ne seraient reconduits que s’ils se montraient « efficients » aux yeux de ces derniers ! La rémunération des médecins-managers et des directeurs dépendrait de leur capacité à gérer l’établissement selon des règles de la concurrence.
Les représentants du personnel n’ont évidemment guère de place dans cette « nouvelle gouvernance ». Le CHS/CT (comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail) disparaîtrait. Quant au personnel la mise en concurrence et la course à la productivité les menace directement :
- Comme dans l’éducation nationale les personnels ouvriers et d’entretien sont directement mis en cause par la privatisation prévisible de ces services.
- Les personnels soignants seraient eux aussi soumis à la concurrence interne (entre les différents « pôles » de l’Hôpital) et externe. Une partie de leur rémunérationdépendrait désormais des « résultats » de leur service. Les restructurations entraîneraient inévitablement polyvalence et mobilité imposée.
Enfin pour éviter tout « dérapage », la tutelle déjà très forte des « Agences Régionales de l’Hospitalisation » serait renforcée. Un « dispositif de sécurité » permettrait désormais au Directeur de l’ARH, d’intervenir de manière directe et brutale face aux établissements récalcitrants.
Le DARH disposerait d’un pouvoir d’injonction pour mettre en œuvre un « plan de redressement » doublé d’un pouvoir de suspension du Conseil d’Administration et du Comité de Gestion, l’autorisant à mettre l’établissement sous son contrôle direct ! Enfin l’ARH qui entrerait en force dans le Conseil d’Administration des Hôpitaux en désignant le « Collège des personnalités qualifiées ». Quant aux Maires, suspects d’être trop sensibles aux pressions de leur administrés, ils pourraient ne plus présider le CA.
Ce renforcement de la tutelle des ARH sur les établissements se double des pleins pouvoirs dont elles disposent maintenant dans le cadre de la décentralisation, l’Etat leur ayant abandonné les décisions sur les implantations sanitaires dans la région.
Comme dans l’Education Nationale : résistance !
Comme l’Ecole, l’Hôpital dispose d’une forte popularité, comme source d’égalité essentielle dans une société de plus en plus inégalitaire. Sa défense peut être un puissant ressort des mobilisations de l’automne.
En même temps que va s’engager la lutte contre la réforme de l’assurance maladie, il est nécessaire de préparer celle pour la défense de l’Hôpital Public en en faisant connaître dès maintenant les enjeux.